DECRYPTAGE – Pour les associations de défense du loup, la coupe est pleine, alors que 24 loups pourraient être tirés en France. Et ce toute l’année, de jour comme de nuit, en montagne comme dans les vallées, à proximité ou non des troupeaux… Une spécificité bien française.
« On aura le droit de tirer le loup même quand il n’y aura pas de moutons dans les alpages », s’insurge Pierre Athanaze, président de l’association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS). « Avec ce plan, le loup peut être chassé, y compris en période de reproduction et avec des armes utilisées en temps de guerre par des snipers ! On se retrouve avec une espèce protégée qui est plus maltraitée qu’une espèce nuisible ou du gibier, avec l’organisation de battues comme on le faisait aux XVII et XVIIIe siècle. »
L’ASPAS a donc décidé de porter plainte auprès de la Commission européenne pour non respect de la directive Habitats. Comme elle l’a fait pour l’ortolan, oiseau migrateur prisé des gourmets. La France a, depuis, été mise en demeure de prouver qu’elle luttait contre le braconnage et le commerce très lucratif de cette espèce.
La cohabitation avec le loup semble décidément impossible dans l’Hexagone. Entre régulation et protection, les pouvoirs publics peinent en tout cas à trouver une position. Comment calmer la colère des éleveurs qui réclament plus de tirs, alors même que l’espèce est protégée par la Convention de Berne ? Du coup, assise entre deux chaises, la France tente tant bien que mal de contenter les deux parties. « On n’aura pas la paix sociale, prévient Pierre Athanaze. Avec ce type de plan, on ne fait que reculer la cohabitation obligatoire entre l’homme et les grands prédateurs ».
Peur du loup
Comment expliquer que la France ne parvienne pas à gérer ses 250 loups, quand l’Italie et l’Espagne, qui en comptent respectivement 1500 et 2500, ont semble-t-il trouvé un terrain d’entente ? Par le poids de l’histoire tout d’abord. En France, l’Eglise a joué un grand rôle dans sa stigmatisation, le loup étant associé à Satan. Loin, bien loin de la louve nourricière romaine de Rémus et Romulus… La peur du loup ? Une tradition bien française. Le Petit Chaperon Rouge est passé par là, sans parler de la Bête du Gévaudan. En France, pays très cartésien, le loup incarne donc la peur d’une nature sauvage. Alors que ce dernier y a été chassé par l’homme jusqu’à disparaître, avant de revenir à la fin des années quatre-vingt-dix, en Italie et en Espagne, il n’en est jamais parti. Et puis, il y a le type d’élevage. Un élevage laitier en Italie et notamment dans les Abruzzes, où les bêtes sont rentrées tous les soirs, limitant de fait le risque de prédation. Ce d’autant plus que les éleveurs ont su s’entourer de meutes de chiens de protection. « Le fonctionnement n’est pas le même, explique un spécialiste du loup. La main d’œuvre est moins chère là-bas. Il y a plus de monde autour des troupeaux ».Forte pression politique
En matière de régulation, chaque pays sa technique. Quand la France veut tout encadrer, tout maîtriser, l’Espagne mise sur un système de régulation très libre… avec des battues. « En fait, elle laisse les éleveurs régler la question du loup par eux-mêmes. » Dans ces différentes façons d’appréhender la place du loup, les associations de défense pointent aussi et surtout le système d’indemnisation mis en place en France. « En Italie, l’État ne rembourse pas les dégâts, seulement la prime d’assurance contractée par les éleveurs, poursuit Pierre Athanaze. En France, on parle de 6000 attaques en 2012, mais combien sont réellement causées par les loups ? Ici, on rembourse tout, même quand le troupeau n’est pas protégé. C’est comme si vous vous faisiez voler votre voiture avec les clés dessus ! Et puis, en Italie, on s’en fiche que le conseiller général ou le député du coin hurle. En France, la pression politique est très forte. » Patricia Cerinsek