Fillettes mâchant la peau de phoque pour l’assouplir, photographie de R.P. André Chauvel, 1960 Coll. Instut culturel Avataq

« Nunavik, en terre inuit » émer­veille et inter­pelle au Musée dauphinois

« Nunavik, en terre inuit » émer­veille et inter­pelle au Musée dauphinois

FOCUS – Jusqu’au 2 jan­vier pro­chain, un vent glacé souffle sur le Musée dau­phi­nois grâce à l’exposition Nunavik, en terre inuit, du nom donné au ter­ri­toire qué­bé­cois situé au nord du 55e paral­lèle. Si ban­quise et chiens de traî­neau enchantent les enfants, les grands, en revanche, auront de quoi s’in­di­gner en décou­vrant la poli­tique d’assimilation que le Canada a fait subir au peuple inuit. Passionnant.

Fillettes mâchant la peau de phoque pour l’assouplir, photographie de R.P. André Chauvel, 1960 Coll. Instut culturel Avataq

Fillettes mâchant la peau de phoque pour l’assouplir. Photographie de R. P. André Chauvel, 1960.
Coll. Institut cultu­rel Avataq

La der­nière expo orga­ni­sée par le Musée dau­phi­nois, Nunavik, en terre inuit, visible jusqu’au 2 jan­vier, emporte l’adhésion des enfants. Qui goûtent par­ti­cu­liè­re­ment cette incur­sion exo­tique dans un musée aux centres d’intérêt habi­tuel­le­ment alpins.

Ce voyage vers le Grand Nord et ses condi­tions de vie rigou­reuses n’est tou­te­fois pas seul res­pon­sable de l’engouement du jeune public. Le Musée dau­phi­nois a en effet pensé une scé­no­gra­phie tout à fait judi­cieuse avec des moyens plu­tôt modestes.

La pre­mière salle s’organise autour d’une ban­quise de poly­sty­rène. Et, pour se rendre dans la sui­vante, on tra­verse des cou­loirs aux allures de laby­rinthe gelé par la magie de quelques décou­pages astu­cieux. C’est ludique. C’est donc gagné.

Rendons grâce éga­le­ment au musée d’être par­venu à réunir des pièces archéo­lo­giques, des objets de culture et des œuvres d’art inuit de toute beauté, en col­la­bo­rant avec les musées de la Civilisation à Québec, l’ins­ti­tut cultu­rel Avataq et le musée des Confluences à Lyon.

Du noma­disme à la séden­ta­ri­sa­tion forcée

Mais que l’on ne s’y trompe pas. L’exposition ne se consacre pas qu’aux modes de vie pas­sés, et déli­cieu­se­ment rafraî­chis­sants, des Inuits. Elle se penche aussi sur la tran­si­tion for­cée que ces peuples nomades ont subie à l’arrivée des Occidentaux, et sur la manière dont ils se débattent aujourd’hui pour exhu­mer leur culture ances­trale. Un cli­ché daté de 1950, émi­nem­ment far­felu à nos yeux, montre une église taillée dans la glace devant laquelle posent quelques jeunes caté­chu­mènes inuits. Depuis le début du XIXe siècle, les mis­sion­naires catho­liques se sont suc­cédé en Arctique pour y extir­per le chamanisme.

De nom­breux textes et docu­ments très péda­go­giques expliquent com­ment les Inuits furent contraints, dans les années 1950 – 1960, de s’installer dans des petites mai­sons pré­fa­bri­quées joux­tant les églises. Les enfants furent envoyés au pen­sion­nat – beau­coup y mour­ront de mala­dies –, les chiens mas­sa­crés, l’ensemble de la com­mu­nauté fut mar­quée selon un sys­tème de numé­ro­ta­tion humiliant.

Du rire aux larmes

L’organisation chro­no­lo­gique de l’expo sus­cite les sen­ti­ments les plus contras­tés. Après les sou­rires échan­gés devant le petit bil­bo­quet en ivoire et nerf de cari­bou de la pre­mière salle, la gorge se noue en décou­vrant la poli­tique d’« assi­mi­la­tion for­cée » menée par le Canada. Avant d’être à nou­veau émer­veillé par l’art inuit contemporain.

La famille à la chasse, estampe sur papier de riz, Sajuili Arpatuk, 1963. Coll. Musées de la civilisaon à Québec

La famille à la chasse, estampe sur papier de riz, Sajuili Arpatuk, 1963.
Coll. Musées de la civi­li­sa­tion à Québec

Une belle col­lec­tion de sculp­tures, sur ivoire de morse ou sur stéa­tite, ainsi que des d’estampes témoignent de la per­sis­tance, dans les sujets de pré­di­lec­tion des artistes, des acti­vi­tés du quo­ti­dien (pêche et chasse) et des légendes inuit.

Adèle Duminy

INUIT PLUTÔT QU’ESKIMO

Affiche du film "Nanouk l'esquimau", sorti sur les écrans en 1922.

Affiche du film « Nanouk l’es­qui­mau », sorti sur les écrans en 1922.

Pourquoi ne dit-on plus « Esquimau », ou « Eskimo », mais « Inuit » ? Le mot « Eskimo », d’origine amé­rin­dienne, signi­fie « ceux qui mangent de la viande crue » ou « ceux qui ne parlent pas la même langue ». Au-delà du fait que les Inuits, en réa­lité, consomment éga­le­ment des ali­ments cuits, contrai­re­ment aux idées reçues, on voit ce que l’appellation « Esquimau » revêt de mépris. Un peu à l’égal du « bar­bare » chez les Grecs. Voilà pour­quoi le Conseil cir­cum­po­laire inuit, créé en 1977, a adopté le terme « Inuit » (le plu­riel d”« Inuk », « être humain » en inuktitut).

Les esqui­maux ne dési­gnent donc aujourd’hui que les barres gla­cées. Lesquelles furent bap­ti­sées rela­ti­ve­ment aux Inuits ! À la sor­tie du docu­men­taire “Nanouk l’Esquimau” réa­lisé par Robert Flaherty en 1922, des glaces furent ser­vies dans les ciné­mas. Il n’en fal­lait pas plus pour faire le rap­pro­che­ment entre les mœurs si rafraî­chis­santes de ces peuples aux condi­tions de vie extrêmes et les déli­cieuses barres glacées…

Infos pra­tiques 

Musée dau­phi­nois

Nanuvik, en terre inuit

Jusqu’au 2 jan­vier 2017. Entrée libre.

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