FOCUS – Né à Grenoble, Matthieu Livrieri a 21 ans. Après un bac littéraire, il a réalisé un an aux Beaux-Arts de Grenoble puis deux ans aux Beaux-Arts de Montpellier. De retour dans sa ville natale pour ouvrir son atelier, il présente, depuis le 8 décembre dernier, des vinyles customisés au Mange-disque, un nouveau disquaire-café rue Génissieu. Avant une exposition prochaine à la Brick Lane Gallery de Londres.
« J’attends la réouverture des lieux de culture », annonce Matthieu Livrieri, assis à la table du Mange-disque. Au 2 rue Génissieu, la musique résonne sans discontinuer. Partout, des vinyles : dans des caisses, étalés sur les tables, et même sur les murs.
Ceux exposés sur les murs ont été détournés de leur fonction première pour devenir des objets d’art. Dessus, on distingue différentes vues de Grenoble et de ses quartiers. Avec des marqueurs ou de la peinture, Matthieu a ainsi customisé une vingtaine de ces objets « iconiques ».
Des « petits gribouillis » aux grands formats
« Je suis né dans un endroit où la culture avait une place importante », confie Matthieu Livrieri. À 6 ans, il réalisait déjà son premier tableau. Une réinterprétation de La Jeune fille à la Perle de Vermeer. Le jeune homme rigole en y repensant, avouant « qu’elle [avait] une sale tête ». À cet âge-là déjà, il aimait se rendre dans l’atelier d’un artiste qui lui a donné son goût pour l’art. Son père, lui aussi, avait réalisé des études de dessins.
Une fois au lycée Champollion, Matthieu s’oriente donc vers un bac littéraire option et spécialité art, puis vers les Beaux-Arts. C’est réellement ce qui l’a aiguillé dans sa pratique. Depuis, le jeune artiste peint sur des grandes toiles mais ça n’a pas toujours été le cas. Plus jeune, il avait peur de l’erreur, du trait raté. Et passait ainsi de longues heures sur une même feuille qu’il remplissait entièrement de « petits gribouillis ».
Les Beaux-Arts ont été une révélation, ce qui lui a permis de peindre avec plus de liberté sur des grands formats. La grande toile est devenue le symbole de son émancipation artistique et de plus de liberté dans ses mouvements.
Des vues de Grenoble avec « une perspective un peu spéciale »
Parmi ses influences ? David Hockney, un peintre britannique connu pour ses portraits et paysages de la vie californienne, en particulier pour la série de piscines The Bigger Splash. Ses couleurs claires et acidulées ont marqué Matthieu. Elles sont présentes dans ses toiles.
Henri Matisse, peintre français du début du XXe siècle, l’a également inspiré dans le choix des motifs. Cet artiste pionnier de l’art occidental a ouvert la voie à de nouvelles façons abstraites de voir le monde. En effet, il a fait s’effondrer l’illusion de l’espace, au centre de le peinture depuis la Renaissance.
Profondément marqué par ces artistes et par son environnement, Matthieu Livrieri propose une perspective originale de sa ville natale. Si on reconnaît les bâtiments qu’il peint, on est parfois un peu désorienté, pris en étau entre ses « fausses perspectives ».
Cette manière de peindre est ce qui rend uniques ses œuvres, mais ce n’est pas simplement un choix. En réalité, c’est aussi une particularité physique. Atteint de microphtalmie, Matthieu a toujours eu du mal à voir les perspectives. « Mes vues de Grenoble ont une perspective un peu spéciale […] Il y a une déformation des espaces », explique-t-il. En ce sens, même si nous avons tous une vision personnelle de la ville dans laquelle nous vivons, celle de Matthieu Livrieri est encore plus originale.
Matthieu Livrieri exposera bientôt à la Brick Lane Gallery de Londres
L’exposition au Mange-disque trouve sa place dans un contexte perturbé par la pandémie. De fait, les lieux de culture sont pour la plupart restés fermés depuis le premier confinement. C’est Magalie Feret, la directrice de la Black Lillum Gallery, qui a trouvé une solution. En exposant dans un magasin, cela garantissait à Matthieu d’avoir du public. Le nouveau disquaire-café était donc tout indiqué.
Pour correspondre à l’identité du Mange-disque, Matthieu est retourné à des petits formats en travaillant sur des vinyles. Objet du quotidien, puis de collection, le vinyle revient à la mode. L’artiste grenoblois a tout de suite accepté de travailler sur ces « objets iconiques […] qu’on peut tourner dans tous les sens ».
Sa méthode de travail ? Arpenter les rues de Grenoble qu’il connaît si bien et laisser parler le réel : « Au lieu d’avoir un carnet de croquis, j’avais des vinyles. Et je me suis baladé en peignant sur les vinyles directement. Je prenais des instantanés des rues de Grenoble. »
Si cette exposition prend fin le 8 janvier 2020, le reste de ses œuvres est à découvrir dans son atelier 9 rue Très Cloîtres… et bientôt à la Brick Lane Gallery de Londres.