FOCUS — Elle était prévue pour le 16 décembre… mais son ouverture est reportée (au mieux) pour le mois de janvier, selon l’évolution de la situation sanitaire. L’exposition consacrée à Giorgio Morandi (1890−1964) par le Musée de Grenoble demeure exceptionnelle à plusieurs titres. Visite guidée avant le “retour à la normale”.
« Il n’y a rien de plus surréel ou de plus abstrait que la réalité même ». En une phrase, le peintre Giorgio Morandi (1890−1964) résume une oeuvre picturale dédiée en grande partie à la représentation des objets du quotidien. Des natures mortes qui se distinguent par une apparente (et trompeuse) simplicité, en marge des grands courants artistiques contemporains. Et n’en sont pas moins porteuses de sens.
C’est à cette oeuvre que le Musée de Grenoble consacre sa nouvelle exposition. Une exposition qui devait marquer la réouverture du Musée le 16 décembre 2020… avant que l’échéance ne soit repoussée par le gouvernement. Guy Tosatto, son directeur, essaye de prendre les choses avec le sourire. Mais garde en mémoire que, pour cause de confinement, la précédente exposition « Grenoble et ses artistes » n’aura finalement été visible… que des journalistes.
Une exposition exceptionnelle… mais reportée
Date possible de (vraie) réouverture du Musée de Grenoble ? La mi-janvier, selon l’évolution de la situation sanitaire. Une incertitude qui ne facilite pas l’organisation des lieux culturels. « On était sur le point d’envoyer les cartons d’invitation », fait remarquer Guy Tosatto. Et d’ajouter : « Nous avons fait le maximum pour pouvoir ouvrir le 16 décembre… et nous ferons le maximum dès que nous pourrons ouvrir ».
Une volonté d’autant plus affirmée que les expositions Morandi sont loin d’être monnaie courante dans les musées français. La dernière remonte à une dizaine d’années, à Toulon. L’avant-dernière, il y a déjà 20 ans à Paris. Autant dire que le rendez-vous proposé par le Musée de Grenoble revêt un caractère exceptionnel. Et rend hommage à un artiste très réputé, mais longtemps resté confidentiel pour le public français.
Exposition exceptionnelle encore de par l’ampleur des œuvres proposées. Si le parcours se veut classique et l’ensemble relativement intimiste, le Musée de Grenoble n’en propose pas moins un grand nombre de réalisations. En particulier grâce à la Fondation Magnani-Rocca, qui a prêté pas moins de cinquante œuvres. Au point que l’exposition est aussi celle du regard d’un collectionneur, Luigi Magnani, mécène et ami de Morandi.
Un parcours émaillé d’œuvres rares
Exposition exceptionnelle, enfin, pour la rareté de certaines pièces. Avant de trouver sa voie, Morandi a naturellement expérimenté plusieurs écoles esthétiques, quitte à s’essayer au futurisme, voire au cubisme, influencé par l’air du temps. S’il reste quelques tableaux de cette époque, Morandi en a détruit une grande partie. Autant dire que sa Nature morte de 1914 ou sa Nature morte métaphysique de 1918 sont des témoignages d’importance.
L’autoportrait, confondant de vie exposé par le Musée l’est tout autant : Morandi n’a que très peu traité de l’humain dans son art, se tournant très rapidement en grande partie vers les objets du quotidien. Et n’a réalisé que sept portrait de lui-même.
Mais l’exposition ne vaut pas que pour ses raretés. Traversant les périodes, parfois les plus troublées sous un régime fasciste qui se rapproche de plus en plus de l’Allemagne hitlérienne, le parcours permet de se représenter l’évolution du style du peinture. Ainsi que l’attention qu’il prête aux compositions de ses tableaux, le sens des couleurs et de la lumière qui les animent. Comme si les objets produisaient eux-mêmes leur propre énergie.
Italia Moderna, une exposition dans l’exposition
La diversité des techniques est encore au rendez-vous. La gravure est évidemment à l’honneur, Morandi ayant tout autant été reconnu comme graveur que comme peintre, tandis que dessins et esquisses ornent aussi les murs de l’exposition. Paysages, fleurs ou coquillages, les thématiques qui parcourent la vie de l’artiste se suivent jusqu’à son achèvement. Dans une simplicité qui confine à l’épure.
Une simplicité, apparente encore une fois, qui contraste décidément avec les artistes contemporains de Morandi. Pour mieux souligner combien le peintre de Bologne était en marge de son époque, ce qui n’empêchait en rien l’admiration de ses congénères, le Musée propose une exposition dans l’exposition. Et invite les visiteurs à (re)découvrir son impressionnante collection de peintres italiens du 20e siècle.
Le nom de ce deuxième rendez-vous ? Italia Moderna. Avec au menu Modigliani, Prampolini, Chirico ou encore Penone, à qui le Musée avait consacré une grande exposition en 2014. De quoi rappeler le poids et l’audace des créateurs transalpins dans le paysage artistique européen du 20e siècle. Et la qualité de la collection italienne du Musée de Grenoble, initiée en grande partie par Andry Farcy, et perpétuée par ses successeurs.