TRIBUNE LIBRE – Pour Grenoble à cœur, le collectif de commerçants et d’habitants opposé au plan de circulation Cœurs de ville, cœurs de métropole (CVCM) dans l’hyper-centre de Grenoble, la voiture a été injustement désignée comme la coupable numéro 1 de la pollution dans la cuvette. Le confinement, avec ses effets sur la qualité de l’air dans l’agglomération, vient en apporter la preuve.
ILS SAVAIENT - Des chercheurs grenoblois ont publié en 2016 une étude faisant apparaître la responsabilité des particules fines PM2,5 dans le décès prématuré de 114 personnes par an sur le bassin grenoblois.
Le pouvoir politique grenoblois s’en est immédiatement emparé, à commencer par le maire sortant et le président de la Métro. Une formule choc a été élaborée : « tous les trois jours, une personne meurt à cause de la pollution ». Une déformation politicienne qui dévoyait l’étude de deux manières : les PM2,5 devenues à elles seules toute « la pollution », l’espérance de vie diminuée devenue « une personne meurt ».
Toutes les opportunités ont ensuite été bonnes pour asséner ce faux message, et tous les moyens ont été utilisés : les propos annonçant « Cœur de Ville Cœur de Métropole » (CVCM), la vignette Crit’Air, le magazine Gre.mag, l’annonce de la zone à faibles émissions sur le site de la ville, les interviews dans Le Dauphiné libéré, et bien sûr les discours sur le vélo (Éric Piolle sur France 3 Alpes le 7 février 2020).
« Le diesel, n’est responsable que de 7 % des émissions de PM2,5 »
ILS ONT FERMÉ LES YEUX - Les PM2,5 sont en premier lieu émises par le chauffage au bois. Atmo Aura a récemment publié une illustration qui montre quels sont les polluants de l’air dans notre région et quelles en sont les sources. Voir en page 4, reproduite ci-dessous.
Elle montre qu’en Rhône-Alpes, les PM2,5 sont émises à 70 % par le secteur résidentiel, avec pour source quasi exclusive le chauffage au bois. Elle montre aussi que l’accusé n°1 de certains politiciens à la mode, le diesel, n’est responsable que de 7 % des émissions de PM2,5.
Tout ceci est connu depuis au moins le Plan de protection de l’atmosphère de Grenoble, signé début 2014.
Quelles ont été les mesures contre le chauffage au bois, dit écologique bien qu’il soit le premier contributeur aux problèmes de santé causés par la pollution ? Aucune, juste une souriante incitation à polluer moins fort, récompensée de 2 000 euros par la Métro.
48 000 décès en France ? Un chiffre qui n’est pas réel mais issu d’un modèle mathématique
L’épidémiologiste Rémy Slama, coordinateur de l’étude grenobloise, avait pourtant expliqué sur Place Gre’net : « Les niveaux de particules fines sont probablement le principal levier qui peut être actionné pour améliorer significativement la santé des populations de zones urbaines comme Grenoble. »
ILS ONT FAIT CROIRE QUE C’ÉTAIT LA VOITURE - On l’a vu plus haut, toutes les déclarations du pouvoir politique grenoblois ont été systématiquement orientées en ce sens. Il s’agissait pour lui d’embellir ou de faire avaler sa politique : CVCM, vignette Crit’Air, zone faibles émissions, autoroutes à vélos.
La déformation de la réalité a été permanente, comme l’illustre par exemple la publication de masse de la parole officielle, le magazine Gre.mag : « Le dioxyde d’azote (NOx) et les particules fines (PM10) : deux polluants à l’origine de 48 000 décès en France chaque année et d’une mort tous les 3 jours sur le seul bassin grenoblois, soit 9 fois plus que le nombre de décès liés aux accidents de la route ! »
« Les responsables sont connus : le trafic automobile et le chauffage au bois non performant. »
Où sont passées les PM2,5 de l’étude scientifique grenobloise ? Disparues. À leur place, le NO2 se retrouve désigné parmi les coupables, alors que l’étude ne le concernait pas. Un NO2 très utile pour accuser les automobiles d’être les premières co-responsables « d’une mort tous les trois jours », CQFD pour servir la politique locale.
Pour Grenoble à cœur, le chauffage au bois a bénéficié de toutes les clémences
Il en va exactement de même quant aux prétendus 48 000 décès en France : ce chiffre qui n’est pas réel mais issu d’un modèle mathématique – aussi contestable qu’il est contesté pour des manquements méthodologiques – est un chiffon rouge sorti d’une modélisation sur les méfaits des PM2,5. Il ne concerne pas « la pollution » et absolument pas le NO2 du trafic automobile.
LA POLLUTION AUX PM N’A PAS BAISSÉ AVEC LE CONFINEMENT - Le confinement a fait disparaître la presque totalité du trafic automobile, mais la pollution aux particules fines est toujours là. Rien d’étonnant, on l’a vu plus haut, mais cela rend le fait que les Grenoblois ont été trompés aussi visible que le nez (de Gribouille ou de Pinocchio ?) au milieu de la figure.
Tous les projecteurs ont été braqués pendant cinq ans vers la pollution d’origine automobile alors qu’elle n’est pas, loin s’en faut, la source principale des problèmes de santé les plus graves. Pourquoi ? Par dogmatisme pour certains, par haine de l’automobile pour d’autres, par calcul politicien.
Cinq années pendant lesquelles la source de pollution réellement responsable d’une durée de vie diminuée pour 114 personnes par an*, le chauffage au bois, a bénéficié de toutes les clémences.
Cinq années pendant lesquelles la répression s’est exclusivement abattue sur la voiture : fermeture des accès, plan de circulation impossible (et illégal), suppression du stationnement, interdiction de circuler pour certains véhicules mais aucune prime locale pour changer de voiture.
Et rien en faveur des transports en commun ou du covoiturage dans le plan CVCM-Chronovélo. Inutile puisqu’il était prévu 100 % de report sur le vélo, un moyen de transport qui dépend de la météo et ne convient ni à tous ni à tout. Chauffage au bois, transports motorisés : deux poids, deux mesures selon le côté où penchent le dogme et les intérêts politiques.
« Le respect du seuil de NO2 a été repoussé de onze ans, en 2026 au lieu de 2015 »
CE QUE DÉMONTRE UN MOIS DE CONFINEMENT – Au terme des deux premières semaines de confinement, Atmo Aura a écrit qu’en Rhône-Alpes : « la tendance est beaucoup plus difficile à établir pour les particules fines et très fines en milieu urbain sous influences multiples. Pour quelques journées, une baisse peut se faire ressentir, mais sur l’ensemble des deux semaines, on observe une progression de 18 et 25 % pour les PM10 et PM2,5. »
Après un mois de confinement, nos observations des stations de mesures grenobloises le confirment. Le trait vertical rouge indique le premier jour du confinement.
AU MOINS, CETTE HAINE DE LA VOITURE A‑T-ELLE AMÉLIORÉ LA QUALITÉ DE L’AIR ? – Même pas (!), comme l’a écrit Atmo Grenoble dans son bilan pourtant très complaisant de CVCM. La situation concernant la pollution d’origine principalement automobile s’est en réalité dégradée puisque le respect du seuil de NO2 a été repoussé de onze ans, en 2026 au lieu de 2015. Ainsi, le pouvoir en responsabilité depuis six ans s’est défaussé de l’engagement public du Plan de protection de l’atmosphère que la Ville et la Métro avaient signé en 2014.
LES GRENOBLOIS ONT LE DROIT DE SAVOIR – Le chauffage urbain a brûlé 100 000 tonnes de bois dans la saison 2018 – 2019. Une nouvelle centrale a été construite pour brûler 85 000 tonnes supplémentaires par an. Elle revendique d’être « peu polluante » car conforme aux dernières normes. Mais ces normes disent que les centrales à biomasse récentes peuvent rejeter 4 à 6 fois plus de particules fines que les centrales à gaz, sans parler des autres polluants.
« Le bilan de CVCM est désolant »
Que penser alors des installations grenobloises plus anciennes où disparaissent 100 000 tonnes d’arbres par an ? Et que penser de toutes les installations individuelles où le filtrage des particules est presque toujours inexistant ?
Les Grenoblois ont le droit de savoir : en matière de pollution, à combien de dizaines de milliers de « bagnoles » qui rouleraient 24h/24 ce chauffage dit « vert » est-il équivalent ?
NOS POUMONS NE DISENT PAS MERCI – Concernant la pollution de l’air, il y a eu faillite du pouvoir grenoblois aux mains de messieurs É. Piolle, Y. Mongaburu, C. Ferrari.
1. La question de la pollution aux particules fines PM10 et PM2,5, premières responsables des atteintes les plus graves à la santé, n’a pas été traitée à la hauteur du problème sanitaire qu’elles représentent.
2. Le caractère prioritaire de ce problème sanitaire était parfaitement connu et documenté. Mais les yeux se sont fermés.
3. L’étude scientifique qui le disait a été travestie et instrumentalisée pour désigner coupables l’automobiliste et son véhicule, alors que les particules fines ont très majoritairement pour origine le chauffage au bois.
4. Les mesures décidées selon ce dogme ont créé d’autres problèmes, avec pour résultat une deuxième défaillance, cette fois concernant la pollution d’origine majoritairement automobile.
5. Pollution augmentée pour des milliers d’habitants, hausse record des embouteillages, échec du report massif sur le vélo, problèmes économiques, le bilan de CVCM est désolant. Il est résumé dans cet article sur Médiapart.
6. Pourtant, aucune nouvelle station de mesure (ni fixe, ni mobile) n’a été allouée à l’évaluation de l’impact de CVCM. Atmo Grenoble a installé son unique nouvelle station… au cimetière !
Il se dit que beaucoup de doctrines seront à revoir après le Covid-19. Pour que Grenoble respire, c’est effectivement très nécessaire. Pour l’instant, les résultats des calculs politiciens et de l’incompétence sont dans les poumons des Grenoblois, même pendant le confinement.
Grenoble à cœur
* Et même 145 selon les derniers chiffres des mêmes auteurs.
Rappel ce que nous avions dit, le 3 février 2017 devant le conseil métropolitain : « OUI nous avons Grenoble à Cœur, OUI nous voulons un projet Cœurs de Ville Cœurs de Métropole réussi », mais aussi que « les bonnes intentions ne suffisent pas. La réalisation n’a fait l’objet d’aucune étude sérieuse de ses conséquences. Tout montre pourtant qu’elles seront négatives sur la pollution, la santé, la fluidité des déplacements, la vitalité économique. »
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