TRIBUNE LIBRE – Matthieu Chamussy, conseiller municipal d’opposition à Grenoble, réagit suite au ralliement de Marie-José Salat et Anouche Agobian à la liste du maire sortant Éric Piolle et aux démissions de Nathalie Béranger et Brigitte Boer du conseil municipal au profit d’Alain Carignon. Une évolution de la vie politique qu’il voit comme un délitement de l’esprit public.
La semaine dernière tout le monde commentait ce que l’on pourrait pudiquement appeler le mercato pré-électoral qui a vu Mmes Salat et Agobian rallier un homme, Éric Piolle, qu’elles n’ont eu de cesse, et à raison, de critiquer durant cinq ans et neuf mois.
Aujourd’hui, c’est l’effacement de Mmes Béranger et Boer, au profit d’un autre homme, Alain Carignon, qui monopolise l’attention. Je suis prêt à parier que ce grand barnum n’est pas terminé. En vérité, chacun commente ici les conséquences et non les causes.
La première des causes c’est le délitement de l’esprit public.
Lorsque ce délitement frappe les élus, c’est une certaine idée de la démocratie qui est abîmée. Si nul n’imagine un monde parfait, où les ambitions individuelles n’interfèreraient en rien dans l’action publique au service de nos concitoyens, nous ne devons pas admettre, nous ne devons pas nous habituer à ce que la carrière justifie et autorise tout.
Il faut aussi évoquer la notion d’effacement des femmes. Cette idée, presque intégrée dans les esprits, et qu’il serait temps d’extirper, qu’il est normal qu’à certains moments cruciaux les femmes s’effacent littéralement au profit de certains hommes. De ce point de vue, ce qui s’est produit, est une caricature.
Si je reviens à des considérations plus politiques, il faut d’abord dire que tout cela n’est fondé sur aucune cohérence. Il n’y a aucun argument de fond qui puisse justifier que vous vous ralliez du jour au lendemain à quelqu’un que vous critiquiez très sévèrement la veille encore. Et, si vous le faites, cela interroge sur la réalité de vos convictions. Celles d’hier ou d’aujourd’hui, ce qui revient au même.
Il n’y a aucune cohérence pour la cheffe de file d’un parti politique à rejoindre une liste qui clame haut et fort qu’elle ne sollicitera pas et qu’elle ne veut pas le soutien de ce même parti. Il n’y a d’ailleurs aucune cohérence à quitter un mandat en novembre pour solliciter à nouveau le même quatre mois plus tard. Et si tout cela ne répond à aucune cohérence et n’a aucun sens sur le plan des idées, c’est bien parce que cela répond à une autre logique.
La vérité c’est qu’Éric Piolle et Alain Carignon sont engagés dans une stratégie du buzz et du bruit qui vise à couper le son du débat des idées.
De ce point de vue, ils se font la courte échelle. L’un rejoint le conseil municipal, l’autre organise immédiatement un rassemblement devant la salle du conseil en espérant l’esclandre. Dans ces conditions, que retiendra-t-on du débat de fond sur la situation financière de Grenoble, les causes de ses difficultés et les solutions à mettre en œuvre pour y remédier ??? On voit bien l’intérêt que l’un et l’autre ont à ce que ce débat ne soit pas audible…
Dès lors, il convient de regarder la situation politique en face telle qu’elle se présente, sans se raconter des histoires. La vérité c’est que s’est installé un match entre deux acteurs qui se nourrissent l’un l’autre. On peut le regretter, je le regrette, mais c’est une réalité. Cette réalité peut tout à fait perdurer jusqu’au mois de mars.
Si tel devait être le cas, dans ces conditions, je le dis très clairement, je ne serais pas candidat aux prochaines élections municipales. Je ne serais pas du tout candidat. Je ne me suis pas engagé en politique pour participer à un combat de rue. Je ne me suis pas engagé en politique pour avoir à choisir le moindre mal entre la démagogie des uns et le populisme des autres. Je ne me suis pas engagé en politique pour choisir entre Éric Piolle et Alain Carignon.
Une troisième voie politique existe
Mais je veux dire que cette réalité du moment n’est pas une fatalité. Une troisième voie existe. Elle peut émerger. Elle peut s’imposer. Elle peut porter un projet à la fois ambitieux et entraînant, enthousiasmant et sérieux. Elle peut se nourrir de ce duopole qui, de fait, ne propose que le bruit et la fureur. Cela suppose des principes partagés qui donnent le cadre du projet.
Je pense en l’occurrence à la problématique du redressement des comptes publics, condition sine qua non de la sauvegarde du service public municipal. Je pense aussi aux défis que le spectre du communautarisme nous impose de relever. Je pense enfin aux conditions qui permettront d’entraîner toute la population et notamment les plus modestes sur le chemin de la transition énergétique. Cela suppose une perspective de gouvernance qui tienne compte de la diversité des sensibilités à rassembler. Alors, bien évidemment, je prendrai toute ma part à cette entreprise au service de Grenoble.
Il y a, parmi les acteurs politiques, au sein de la société civile, des talents et des énergies qui doivent se fédérer. C’est cet appel que je lance aujourd’hui. C’est ce texte que je diffuserai largement dans les jours à venir.
Grenoble est une ville singulière, capable du meilleur et qui a connu le pire. Grenoble a eu Mendès-France comme député mais c’est aussi la ville qui a mis un terme à sa vie politique active.
Grenoble a eu les Jeux olympiques mais elle a aussi connu l’opprobre. J’ai le sentiment que Grenoble est aujourd’hui à la croisée des chemins. Tout est possible. C’est inquiétant mais c’est aussi exaltant.
Matthieu Chamussy
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