ENQUÊTE – Avec la forte montée en puissance du Street Art Fest Grenoble-Alpes, les fresques fleurissent un peu partout dans l'agglomération. À un rythme tel que d'aucuns s'en inquiètent et s'interrogent. Qui paye ? Qui autorise ? Où s'arrêtera-t-on ? Certains opposants pointent même le risque de gentrification des quartiers populaires avec la venue d'artistes mondialement reconnus. Peurs infondées ou dérives d'un festival commercial ? État des lieux.
Championnet, Berriat - Saint-Bruno, Villeneuve, Hoche, Capuche… Ces quartiers en centre-ville ou à la périphérie de Grenoble sont en passe de devenir de véritables musées à ciel ouvert. S'y ajoutent désormais ceux des communes de Fontaine, Saint-Martin-d'Hères et Pont-de-Claix, plus récemment entrées dans la danse.
C'est un fait : les fresques du Street Art Fest Grenoble-Alpes attirent. Habitants de l’agglomération et d'ailleurs ainsi que touristes y débarquent désormais pour découvrir les œuvres d'artistes mondialement reconnus.
La cinquième édition de l'événement, en juin 2019, a ainsi vu naître une cinquantaine de réalisations. Ce qui porte à 180 le nombre de ces fresques urbaines grand format aux styles très divers. Dont une centaine de très grande taille.
Ces stars mondiales du street art qui attirent les touristes
« Les parcours thématiques autour du street art sont nos visites qui fonctionnent le mieux », constate Yves Exbrayat, directeur de l’office de tourisme de Grenoble. Cette tendance devrait perdurer, à condition que le street art fest continue à faire venir des stars internationales, poursuit-il.
L’édition 2019 est, à ce titre, très satisfaisante. Elle a, pour le moins, engrangé son lot de signatures d'artistes de renom, comme le duo espagnol Pachiavo, le belge Imer, le canadien Li-Hill, l’artiste originaire de Bali, Wild Drawin… Le graffeur hollandais Veks Van Hillik venait, lui, pour la deuxième fois. Pour Robert Proch, artiste polonais, c'était le dernier festival. Il aura peint son ultime fresque à Fontaine, avant de passer l’arme à gauche.
Mais c'était sans conteste l’américain Shepard Fairey le plus attendu. Sur son site, le groupe métropolitain Rassemblement citoyen solidaire écologiste (RCSE) s'extasiait en annonçant sa venue : « L’un des street-artistes les plus en vue de la planète, le fameux Shepard Fairey, alias Obey, qui est l’objet d’une expo au long cours (du 6 au 20 octobre 2019) […] offrira au territoire métropolitain une œuvre monumentale de sa main, sur un mur de 20 mètres ! »
Clou du festival 2019, l’icône mondiale du street art a gratifié la capitale des Alpes d’une fresque géante surnommée Rose girl, ornant le pignon du bâtiment du restaurant universitaire du Crous. Si tout va bien, cette réalisation d'Obey devrait perdurer une quinzaine d'années. Soit la durée de vie moyenne de ces œuvres de rue, selon le directeur du Street Art Fest, Jérôme Catz.
"De moins en moins de réticences"
À ce défilé de stars mondiales à Grenoble, le grand public trouve globalement peu à redire. Même si, comme toute forme de création artistique, le street art ne laisse pas indifférent. On aime ou pas telle ou telle réalisation pour des raisons propres à chacun.
Quant au principe de diffuser le street art dans tous les quartiers de Grenoble, il apparaît plutôt bien accepté par une majorité d'habitants. La ville s’égaye de couleurs. Et un mur décoré vaut toujours mieux qu’un mur de béton gris, considèrent nombre d'entre eux.
Ce que confirme Céline Canard, médiatrice de Street Art Fest, notant que, de festival en festival, les Grenoblois sont de plus en plus favorables au street art. « Avant, il y avait certains retours négatifs. Il y a moins de réticences, jauge-t-elle, parce que les gens s'approprient les œuvres, en parlent… Cela crée un lien entre les habitants et le quartier. C'est quelque chose qui agrandit leur horizon. »
D'aucuns commencent toutefois à se poser des questions sur les circuits de décision et sur l'extension du phénomène, qui paraît sans entrave.
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