EN BREF – Un consortium de chercheurs, dont des Grenoblois de l’Irstea, ont étudié avec une précision jusqu’ici inégalée, la fonte des glaciers dans le monde. Grâce à des mesures satellitaires et de terrain, ils ont montré qu’elle fait monter le niveau de la mer à un rythme de plus en plus rapide. L’étude a été publiée dans la revue Nature, le 8 avril 2019.
« Globalement, nous perdons environ trois fois le volume de glace stocké dans l’ensemble des Alpes européennes chaque année ! », révèle Emmanuel Thibert, glaciologue à l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea). Or le retrait, tout comme la disparition des glaciers de la planète, sont des révélateurs emblématiques du changement climatique. Sans compter que, par leur cumul, les eaux de fonte augmentent le niveau de la mer à l’échelle mondiale, un autre indicateur de l’effet de serre.
Un consortium international de chercheurs dont des Grenoblois de l’Irstea* vient de déterminer la part précise des glaciers dans l’augmentation du niveau de la mer. Le constat est sans appel, d’autant plus que leur fonte entre 1961 et 2016 s’avère supérieure à ce que l’on supposait jusqu’alors. L’ensemble des résultats a été publié dans la revue Nature, le 8 avril 2019.
« Nous pouvons estimer la quantité de glace perdue dans toutes les régions montagneuses »
Les chercheurs ont utilisé deux types de données. D’une part, des observations glaciologiques de terrain qui fournissent les fluctuations annuelles. D’autre part, des mesures géodésiques (destinées au tracé de cartes) par satellites.
« Ces derniers mesurent numériquement les altitudes de la surface de la Terre, fournissant des données sur les changements d’épaisseur de la glace à différentes dates », indiquent les scientifiques.
De quoi permettre de déterminer la perte de glace sur plusieurs années ou décennies. Le tout, à l’échelle de chaque grand massif montagneux et, a fortiori, du globe entier.
Pour compléter ces mesures, les scientifiques ont aussi utilisé la base de données complète du World Glacier Monitoring Service (WGMS) localisé à Zurich, en Suisse. Qu’ils ont d’ailleurs contribué à enrichir en ajoutant leurs propres analyses satellitaires.
Les glaciers perdent 335 milliards de tonnes de glace chaque année
« En combinant ces deux méthodes de mesure et en disposant d’un nouvel ensemble complet de données, nous pouvons estimer la quantité de glace perdue chaque année dans toutes les régions montagneuses depuis les années 1960 », explique Nicolas Eckert, statisticien à l’Irstea et coauteur de l’étude. Les chercheurs ont ainsi reconstitué l’évolution de l’épaisseur de la glace de plus de 19 000 glaciers dans le monde.
Résultat ? En cumulé, les glaciers ont perdu plus de 9 000 milliards de tonnes de glace entre 1961 et 2016. Ainsi, selon le principe des vases communicants, la montée des eaux a atteint 2,7 centimètres au cours de cette période, du seul fait de la fonte de ces derniers.
Toutefois, la perte de masse de l’ensemble des langues de glace n’a pas été linéaire pendant cinquante ans. « Elle a considérablement augmenté au cours des trente dernières années pour atteindre actuellement 335 milliards de tonnes de glace perdue par an », précisent les chercheurs. Ainsi, cette fonte correspond désormais peu ou prou à la perte de masse de la calotte glaciaire du Groenland et dépasse nettement celle de l’Antarctique.
La fonte des glaciers élève le niveau de la mer d’un millimètre par an
« Les glaciers ayant le plus contribué à cette augmentation sont ceux de l’Alaska, suivis par ceux situés en Patagonie et dans les régions arctiques », rapportent les chercheurs. Quid des glaciers des Alpes européennes, des montagnes du Caucase et de la Nouvelle-Zélande ? Ils ont également enregistré d’importantes pertes de glace. « Néanmoins, leurs surfaces étant relativement petites, ils n’ont joué qu’un rôle mineur dans la montée du niveau d’ensemble des océans », précisent-ils encore.
Une chose est sûre, la fonte des glaciers dans le monde contribue actuellement à augmenter le niveau de la mer au rythme d’un millimètre par an. Désormais, leur fonte représente 25 à 30 % de l’augmentation de son niveau à l’échelle mondiale.
Si l’emballement de leur retrait perdure à cause du réchauffement climatique, les extrapolations sur le changement des paysages et le recul des côtes risquent de devenir encore plus alarmistes. Ce que ne dément pas cette deuxième étude parue le lendemain dans The cryosphere. Si les émissions anthropiques de gaz à effet de serre se poursuivent à la même cadence qu’aujourd’hui, « les 4 000 glaciers des Alpes risquent de fondre à plus de 90 % d’ici la fin du siècle ! », estiment les scientifiques.
Véronique Magnin
* Des chercheurs de l’unité de recherche nommée Érosion torrentielle, neige et avalanches (Etna) de l’université Grenoble Alpes-Irstea