FOCUS – L’association de conservation du patrimoine informatique Aconit expose jusqu’au 15 décembre 2017 quelques-unes de ses pièces à la Bibliothèque universitaire des Sciences, sur le campus de Saint-Martin-d’Hères. Une rétrospective du calcul et de l’informatique, de Babylone à nos jours, soutenue par l’Université Grenoble-Alpes autant que par Grenoble INP.
L’informatique est le résultat d’une histoire qui remonte, au moins, à deux millénaires avant Jésus Christ. C’est tout le propos de l’exposition “Au doigt et à l’œil” organisée à la Bibliothèque universitaire des Sciences, sur le campus de Saint-Martin-d’Hères.
L’association de conservation du patrimoine informatique Aconit y propose jusqu’au 15 décembre 2017 une rétrospective du calcul et de l’informatique, de Babylone à notre ère, en partenariat avec l’Université Grenoble-Alpes (UGA) et l’École nationale supérieure d’informatique et de mathématiques appliquées (Ensimag) de Grenoble INP.
La collection la plus complète de France
« Nous avons des collections dans Grenoble qui représentent 30 000 objets. C’est la collection la plus complète de France, sinon d’Europe ! », note Philippe Duparchy, président d’Aconit. Mais les locaux de l’association, rue Joseph-Rey à Grenoble, ne permettent pas d’accueillir beaucoup de visiteurs, ni d’assurer une ouverture permanente.
En projet ? « Bâtir un centre de ressources », explique encore Philippe Duparchy. « Mais avant de lancer une opération comme celle-ci, il faut déjà tester la faisabilité financière et l’appétence des gens pour l’informatique », poursuit-il. De fait, Au doigt et à l’œil se fixe autant pour objectif d’offrir au public quelques trésors de l’informatique d’antan, que de tester son appétence à ce type d’exposition.
Naturellement, Aconit n’a pas pu exposer l’intégralité de sa collection à la Bibliothèque universitaire des Sciences, quand bien même l’espace qui lui est dévolu permet de présenter un nombre important de machines au sein d’un parcours aéré. L’objectif est de résumer l’évolution des technologies, étapes après étapes, sans prétendre à l’exhaustivité. « Montrer les racines et le chemin parcouru », résume Philippe Duparchy.
L’informatique a existé avant l’électronique
L’exposition s’articule autour de sept modules : « 1 + 1 = 2 » est consacré aux outils permettant à l’homme de faciliter ses calculs. « 1 + 1 = 10 » s’intéresse aux support de mémoire, de la carte perforée au CD. « Interagir » se penche sur la manière dont l’homme a créé des technologies permettant de communiquer avec les machines. L’évolution des interfaces manuelles et visuelles sont contenues dans les modules « Écrire » et « Voir », tandis que les applications ludiques viennent conclure cette série avec le module « Jouer ».
Rappel : L’informatique a existé avant l’électronique. « L’informatique, c’est le traitement de l’information. Le développement d’un système qui permet de calculer de plus en plus vite, et de stocker sur des systèmes de mémoire de plus en plus performants », rappelle le président d’Aconit. Du boulier à la Pascaline, les mécanismes de calcul n’ont pas attendu Edison pour faciliter le quotidien des hommes.
Au doigt et à l’œil parle ainsi d’innovation, plus encore que d’invention. « Trop souvent, l’innovation est perçue comme le concours Lépine, et ce n’est pas ça ! Il faut que la solution corresponde à un besoin, et que l’on gère ensuite l’évolution », note Philippe Duparchy. Qui prend soin de distinguer l’évolution et la révolution : « Dans une révolution, on revient au point de départ ! »
L’informatique, pire et meilleure des choses
De fait, chaque progrès est lié à un besoin, pouvant provenir d’intérêts divers et variés. Bien sûr, l’armée et les nécessités militaires comptent pour beaucoup dans l’évolution des technologies, mais l’écran couleur ne serait probablement pas apparu… sans le jeu vidéo. Claviers, souris, périphériques de stockage, outils numériques : tout est issu en fonction d’un besoin, pas toujours avouable.
Le président d’Aconit insiste : l’informatique n’est ni un bon, ni un mauvais génie. D’une volonté de partage des savoirs via une encyclopédie collaborative en ligne, à celle de pirater des données sensibles ou de se procurer des images pédopornographiques, « on peut pousser les curseurs dans les extrêmes », juge-t-il. Avant d’ajouter : « L’informatique porte, mais ne décide pas. Elle peut être la pire comme la meilleure des choses. »
Autant dire qu’Aconit espère bien ouvrir l’esprit critique des visiteurs de l’exposition. Face aux usages de l’informatique comme face à son évolution. Et ne pas oublier, à l’heure où l’intelligence artificielle est au cœur de tant de débats et d’inquiétudes, que les ordinateurs n’ont pas encore de conscience. « À nous de garder l’avance et de bien nous connaître ! », avertit avec philosophie Philippe Duparchy.
Les jeunes, une cible privilégiée
Bien se connaître et, sans doute, bien connaître l’histoire de ces technologies aujourd’hui quasi-indispensables dans nos vies de tous les jours, dans nos démarches administratives, nos vies professionnelles, nos loisirs ou même parfois nos liens sociaux. De fait, nés au sein d’un monde où le numérique a toute sa place, les étudiants sont une cible privilégiée de l’exposition.
Dans un mouvement naturel, les jeunes visiteurs se tournent vers ce qui leur rappelle leur quotidien : premières souris, premiers claviers, premiers ordinateurs de jeux… « Chacun accède ici par ce qu’il connaît, décrit Philippe Duparchy. Le but c’est ça : être attiré par un centre d’intérêt, puis voyager… » Les textes des panneaux ont par ailleurs été réalisés par des étudiants, qui assurent également des visites toutes les semaines.
Le succès est-il au rendez-vous ? « Les gens de la bibliothèque nous disent n’avoir jamais vu une exposition qui attire comme cela ! », se réjouit le président d’Aconit. Qui n’oublie pas de préciser que, même au sein d’une bibliothèque universitaire, l’exposition est ouverte à tous les publics. Et que l’association peut organiser des visites guidées pour des groupes constitués. À la découverte de l’informatique d’hier… pour mieux comprendre le monde de demain ?