FOCUS – La galerie Showcase gérée par AAA (Association pour l’agencement des activités) organise jusqu’au 28 août 2016 l’exposition « A l’étroit » de Jérôme Cavaliere. Une création de l’artiste est exposée dans une toute petite vitrine du centre-ville de Grenoble. Objectif : « privilégier la rencontre surprise » entre l’œuvre et le public. Découverte d’un centre d’art pour le moins atypique avec deux bénévoles de l’association : Pascale Riou, théoricienne, et Geoffrey Michel, architecte.
A l’angle de la place Claveyson et de la place aux Herbes à Grenoble, une vitrine. Si vous cherchez la galerie Showcase et sombrez dans la perplexité, ne vous inquiétez pas, vous êtes au bon endroit.
Le concept est surprenant : montrer une création dans la rue, sans aucune autre explication. Favoriser « une rencontre des gens avec l’objet ».
La démarche originale : une œuvre est présentée dans l’espace public avec comme unique information la mention d’un site internet en bas de la vitrine.
Pas de cartel explicatif, le public doit pouvoir vivre une « expérience visuelle sensible plus qu’intellectuelle », estime Pascale Riou. Pour Geoffrey Michel, le procédé est « dérangeant mais parfois nécessaire », la question étant « de savoir si la personne doit rentrer dans l’œuvre par son explication ou par elle-même ».
Et d’ajouter : « Aujourd’hui, les gens n’ont plus confiance en leur capacité à interpréter, à lire une œuvre ou à juste savoir si ça leur plaît ou pas. […] Ce n’est pas plus mal qu’il n’y ait pas d’explication quelquefois et que les gens soient livrés à eux-mêmes ».
Les insatisfaits pourront tout de même assouvir leur soif de curiosité en se rendant sur Internet, « qui est aussi un espace public » s’amuse Pascale Riou. Pas d’image toutefois sur le site tant que l’exposition n’est pas terminée.
Que ce soit dans la rue ou sur le net, il s’agit de « privilégier la rencontre surprise » et de garder une complémentarité texte-image entre ces deux « espaces publics ».
« Montrer des choses dans un lieu inattendu »
Le projet de vitrines Showcase, né en République tchèque en 1998, a été initié par plusieurs artistes et commissaires d’exposition du groupe BJ. Parmi eux, Josef Bolf, Tomas Vanek, Jan Serych et Jan Mancuska. Objectif : créer « un réseau de vitrines » et « mettre de l’art là où il n’y en a pas dans les villes ».
Stuttgart, Brno… Le phénomène Showcase a ensuite gagné plusieurs villes européennes avec des installations de vitrines illégales.
Après avoir rencontré Tomas Vanek, l’artiste Camille Laurelli a décidé de reproduire l’expérience en France.
Et en septembre 2012, la première galerie Showcase grenobloise voyait le jour en plein centre de Grenoble, à deux pas des musées.
Située sur un des murs du magasin de vêtements Quasimodo, la vitrine est gracieusement mise à disposition par sa propriétaire pour « montrer des choses dans un lieu inattendu », estime Pascale Riou.
Showcase n’a en réalité de galerie que le nom car il s’agit d’un centre d’art entièrement géré par des bénévoles de l’association AA (Agencement des activités) : l’artiste Camille Laurelli, l’architecte Geoffrey Michel, ainsi que les théoriciens Anthony Lenoir et Pascale Riou.
Pour Geoffrey Michel, cette vitrine permet de présenter le « travail intéressant [d’artistes] qui se prêterait bien à l’exercice Showcase ». Ces derniers ont en effet carte blanche, mais pour exposer, ils doivent se plier à deux contraintes majeures : budgétaire et technique.
Une enveloppe maximale de cent euros (production, transport…) est prévue pour chaque exposition. Par ailleurs, les œuvres doivent pouvoir se conformer aux dimensions exigües de la vitrine, soit 147 x 107 x 9 centimètres – peu ou prou la taille d’une fenêtre à deux vantaux. A l’image de « A l’étroit », l’exposition en cours de Jérôme Cavaliere qui souhaitait « jouer avec ces contraintes d’espace » en créant une œuvre spéciale pour l’occasion.
« Faire appel à sa subjectivité et à son imagination »
Association loi de 1901 sans but lucratif, AAA touche peu de subventions et s’efforce de fonctionner avec un budget minimal pour gérer la galerie Showcase. Vingt euros ont même parfois suffi.
Par ailleurs, aucune commission n’est prise sur les œuvres. « Si un collectionneur passe et veut acheter une pièce, il nous contacte et on le met directement en relation avec l’artiste », souligne Pascale Riou.
Et d’ajouter avec enthousiasme : « C’est super chouette quand ça arrive […] c’est la cerise sur le gâteau », même si tel n’est pas l’objectif premier. L’idée est de montrer des « œuvres, des images et des objets que les gens ne s’attendent pas forcément à voir » et faire « appel à [leur] subjectivité et [leur] imagination ».
Chaque année, l’association AA organise sept expositions avec la galerie Showcase entrecoupées d’une semaine. Le but étant « que la vitrine ne soit jamais vide, qu’il y ait toujours des choses à voir », rappelle Pascale Riou. Il se pourrait ainsi que l’exposition en cours soit légèrement prolongée.
Dessin, photographies imprimées, installations, sculptures… Une « diversité dans les formes » est recherchée. L’œuvre de Jérôme Cavaliere laissera ainsi place à une photographie de Virginie Piotrowski en septembre 2016.
Cette artiste habitant Allevard a reçu la bourse des arts plastiques de la Ville de Grenoble en 2016 et sera invitée à exposer à la galerie Xavier Jouvin dans le cadre des Journées de l’art contemporain auxquelles participe également Showcase.
Un évènement qui a pour but de faire découvrir une multitude d’œuvres et propose un parcours dans plusieurs lieux d’exposition : Grenoble, Voiron, ou bien encore Pont-en-Royans.
Alexandra Moullec