EN BREF – On en sait un peu plus sur les papyrus d’Herculanum ensevelis en l’an 79 sous les torrents de lave et de boue du Vésuve. Grâce à la lumière synchrotron de l’ESRF de Grenoble, une équipe scientifique internationale vient de révéler que de l’encre métallique avait été utilisée dès cette époque dans les textes grecs.
Les papyrus d’Herculanum continuent de livrer leurs secrets. Grâce aux techniques d’imagerie non invasives par rayons X développées à l’ESRF, le synchrotron européen installé à Grenoble, les chercheurs en savent un peu plus sur ces rouleaux de papier exhumés entre 1752 et 1754 à Herculanum, cité romaine antique détruite par l’éruption du Vésuve en l’an 79. Des papyrus découverts dans une villa appartenant à Lucius Calpurnius Piso Caesoninus, politicien influent et beau-père de Jules César. Plus de 1 700 rouleaux de papier renfermant des textes grecs et qui avaient été ensevelis sous les torrents de lave et de boue du volcan*.
Patrimoine inestimable
Grâce à la lumière synchrotron, les chercheurs parviennent peu à peu à déchiffrer ces rouleaux de papier vieux de 2000 ans sans les dérouler et donc sans les endommager. Un patrimoine inestimable, ces écrits constituant l’unique bibliothèque de l’antiquité gréco-latine connue à ce jour.
Après avoir mis à jour des lettres grecques ainsi qu’un alphabet quasi-complet, un pas de plus vient d’être franchi. Une équipe scientifique internationale de l’ESRF, de l’Inserm, de l’Université Grenoble-Alpes, du CNRS, de l’Université de Gand (Belgique) et du CNR (Italie) vient de révéler la présence d’une encre métallique dans deux fragments de papyrus.
Les résultats ont été publiés le 21 mars 2016 dans la revue scientifique américaine PNAS. Une découverte de taille car, jusque-là, on faisait remonter l’utilisation de l’encre au IVe ou Ve siècle après J‑C.
« Depuis près de 2000 ans, on croyait tout savoir, ou presque, sur la composition de l’encre antique utilisée pour écrire sur papyrus, souligne Daniel Delattre, directeur de recherche en papyrologie (CNRS-IRHT). Les études très pointues menées au Synchrotron européen nous démontrent qu’il faut se méfier des idées reçues et qu’elle pouvait aussi recéler du métal, en l’occurrence du plomb en quantité non négligeable. »
Cette découverte ouvre aussi de nouvelles perspectives pour le déchiffrage des papyrus encore enroulés comme ceux d’Herculanum ou pour d’autres découvertes archéologiques, en permettant d’optimiser les techniques et longueurs d’ondes à utiliser.
Patricia Cerinsek
* Contrairement à Pompéi, ensevelie sous les cendres chaudes, Herculanum a été relativement protégée des effets du temps grâce aux coulées de boue.