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Robin Renucci (c) Jean-Christophe Bardot

Robin Renucci : « Le théâtre doit par­ler de nous »

Robin Renucci : « Le théâtre doit par­ler de nous »

ENTRETIEN – L’Hexagone accueille à nou­veau les Tréteaux de France dont le direc­teur, Robin Renucci, a été récem­ment recon­duit dans ses fonc­tions. Sa der­nière mise en scène, Le Faiseur, pièce de Balzac éton­nam­ment vision­naire sur le libé­ra­lisme éco­no­mique, se jouera à Meylan les 14 et 15 jan­vier. L’occasion d’aborder la ques­tion du théâtre d’aujourd’hui avec l’un de ses plus grands défenseurs.

Robin Renucci © Jean-Christophe Bardot

Robin Renucci. © Jean-Christophe Bardot

Robin Renucci est un homme de théâtre, de cinéma et de télé­vi­sion. Il doit d’ailleurs au petit écran le rôle de Daniel Larcher (dans la série très popu­laire « Un Village fran­çais ») qui l’a fait connaître à un public plus large.

Mais il est aussi depuis 2011 le direc­teur des Tréteaux de France, unique Centre natio­nal dra­ma­tique iti­né­rant, répon­dant bien sûr à un idéal de décen­tra­li­sa­tion culturelle.

Le grand homme de théâtre qu’est Robin Renucci paraît encore tenir ferme à ces mis­sions, comme il l’a mon­tré à maintes reprises, notam­ment en contri­buant à créer l’Association des ren­contres inter­na­tio­nales artis­tiques (Aria) au sein du Parc régio­nal de Haute-Corse en 1998. Ce fes­ti­val de théâtre et d’ateliers dra­ma­tiques trouve d’ailleurs un bel écho en Isère avec l’Aria 38. Robin Renucci nous parle de tout cela.

Comment expli­que­riez-vous en quelques mots ce qu’est le Centre natio­nal dra­ma­tique des Tréteaux de France ?

C’est une mis­sion de ser­vice public qui consiste à ce que le théâtre puisse aller par­tout en France, notam­ment là où les jar­dins ne sont pas arro­sés, pour faire court. Ce qui ne veut pas dire que nous n’allons que dans ces lieux-là mais le prin­cipe est de por­ter le théâtre par­tout dans son iti­né­rance. C’est le seul centre dra­ma­tique iti­né­rant de France. Les autres sont implantés.

Pourquoi jouer à l’Hexagone scène natio­nale arts-sciences de Meylan ?

L’Hexagone est par­ti­cu­liè­re­ment actif sur les ques­tions de média­tion qui nous pré­oc­cupent. C’est donc un par­te­naire très impor­tant puisque notre mis­sion consiste à appor­ter le théâtre par­tout. Nous n’allons pas seule­ment jouer une pièce de théâtre, nous menons aussi un tra­vail avec l’équipe de l’Hexagone sous forme de nom­breux ateliers.

On peut lire dans le dos­sier de presse du Faiseur (14 et 15 jan­vier à l’Hexagone de Meylan) que les Tréteaux de France entament un cycle por­tant sur « le tra­vail, la richesse, et la créa­tion de la valeur ». Est-ce au sens éco­no­mique qu’il faut entendre ce triptyque ?

En effet, et c’est pour­quoi nous avons com­mencé par Le Faiseur publié en 1848. L’œuvre de Balzac raconte très pré­ci­sé­ment la nou­velle orga­ni­sa­tion du rap­port à l’argent et au tra­vail. C’est le début de la banque, de la spé­cu­la­tion. C’est le début du “libé­ra­lisme”, nommé ainsi chez Balzac.

Cela vous semble impor­tant que le théâtre se sai­sisse de thé­ma­tiques contem­po­raines même s’il s’agit de textes de répertoire ?

"Pour le décor du "Faiseur", je me suis inspiré de l'univers de Daumier, une iconographie très esthétique." Robin Renucci © Eric Faucon

« Pour le décor du “Faiseur”, je me suis ins­piré de l’u­ni­vers de Daumier, une ico­no­gra­phie très esthé­tique. » Robin Renucci
© Eric Faucon

C’est impor­tant que le théâtre soit aux prises avec la société, qu’il parle des gens comme ils sont.

Parler de la dette, puisque c’est le thème prin­ci­pal du Faiseur, fait écho aujourd’hui. Chacun est débi­teur ou cré­di­teur. C’est une réflexion qui per­met à chaque fois de créer des débats avec le public, des échanges et, autour du spec­tacle, un cer­tain nombre d’ateliers. C’est impor­tant que le théâtre soit un lieu de conscien­ti­sa­tion. Mais j’aime beau­coup l’idée qu’on puisse faire un théâtre joyeux par ailleurs. Il ne faut pas être lourd et didactique.

La pièce de Balzac com­porte une tona­lité comique d’ailleurs…

Oui, la pièce est assez grin­çante car elle nous ramène à la réa­lité de nos actes, à la spé­cu­la­tion, à cette volonté de pos­sé­der, de duper l’autre. Balzac en parle très pré­ci­sé­ment au plan poli­tique et indi­vi­duel. Mercadet, le per­son­nage prin­ci­pal est un mar­chand, comme son nom l’indique. C’est celui qui cherche à vendre du vent. C’est assez cruel mais ça nous fait rire. Et puis on mesure à quel point Balzac était un voyant. Il nous parle car­ré­ment de Madoff, ce spé­cu­la­teur amé­ri­cain qui a coulé les banques.

"Le Faiseur" de Balzac. Mise en scène de Robin Renucci. © Eric Faucon

« Le Faiseur » de Balzac. Mise en scène de Robin Renucci. © Eric Faucon

Finalement, vous êtes assez peu passé à la mise en scène jusqu’alors. Est-ce que ces mises en scène récentes vont de pair avec votre fonc­tion de direc­teur des Tréteaux de France ?

J’ai beau­coup joué en tant que comé­dien et il m’est arrivé de mettre en scène mais dans des cadres plus confi­den­tiels. En effet, être direc­teur d’un centre dra­ma­tique com­porte une mis­sion de créa­tion théâ­trale. J’ai joué sous la direc­tion de Christian Schiaretti pour les Tréteaux, par exemple dans L’École des femmes (pro­grammé à L’Hexagone en 2013). Mais c’est aussi une des mis­sions du direc­teur que de mettre en scène. Je le fais donc avec plaisir.

Pourriez-vous conce­voir d’être à la fois à la mise en scène et au jeu ?

Je vais le faire pour la pre­mière fois l’année pro­chaine ! Mais je ne joue­rai pas l’un des per­son­nages principaux.

Samedi 16 jan­vier, vous don­nez une lec­ture du roman auto­bio­gra­phique de Romain Gary, La Promesse de l’aube, au Théâtre Navarre, à Champ-sur-Drac. Dans quel cadre pro­po­sez-vous cette lecture ?

Ça me fait plai­sir que vous en par­liez parce que je viens sou­te­nir des Grenoblois qui ont monté leur asso­cia­tion et qui sou­tiennent l’action que je mène en Corse en faveur du théâtre depuis vingt ans, qui s’appelle l’Aria. Ce sont main­te­nant des amis, dont Richard Refuggi, qui sont très actifs dans le cadre de leur asso­cia­tion, l’Aria 38. Ils m’ont invité pour sou­te­nir leur tra­vail. J’ai bien sûr accepté.

Votre lec­ture sera accom­pa­gnée au piano par Alfio Origlio.

C’était une pro­po­si­tion et je suis tou­jours ravi de tra­vailler avec de nou­velles per­sonnes. Comme c’est autour du jazz, j’ai choisi le texte de Romain Gary parce que j’ai senti une cor­res­pon­dance dans l’écriture avec les musiques que m’a pro­po­sées Alfio Origlio.

Romain Gary fait-il par­tie des auteurs que vous appré­ciez particulièrement ?

Oui parce qu’il écrit très bien en langue fran­çaise. C’est une des ques­tions qu’on peut se poser aujourd’hui à pro­pos de l’apport d’un homme dont les ori­gines ne sont pas fran­çaises et qui a apporté à la France cette lit­té­ra­ture-là. Il a rem­porté le prix Goncourt par deux fois !

Vous avez signé pour la 7e sai­son d’Un vil­lage fran­çais. Avez-vous plai­sir à incar­ner ce per­son­nage de Daniel Larcher, dont on a pu dire par­fois qu’il man­quait de relief ?

© Olivier Pasquiers

Robin Renucci © Olivier Pasquiers

Daniel Larcher est un per­son­nage très inté­res­sant parce que ce n’est ni un héros, ni un résis­tant, ni un salaud. C’est un Français qui tra­verse les années 39 – 45 de l’Occupation en étant dans l’indécision. Il tente tou­jours de faire le bien, tout en com­met­tant cer­taines erreurs mal­gré lui. J’ai beau­coup de plai­sir à le jouer. C’est très enri­chis­sant d’être dans cette troupe, parce que c’en est une.

Pensez-vous que la popu­la­rité que vous avez gagnée auprès du public grâce à la série peut ser­vir vos mis­sions aux Tréteaux de France ?

Bien sûr. Ce n’est pas cal­culé mais je m’adresse ainsi aux 60 % des Français qui ne vivent pas dans les grandes villes, qui regardent beau­coup la télé­vi­sion et pour qui j’ai le plus grand res­pect. Avec les Tréteaux, on désire jus­te­ment aller à la ren­contre de ce public-là.

Propos recueillis par Adèle Duminy

Infos pra­tiques 

Hexagone de Meylan

Le Faiseur, pièce de Balzac

Mise en scène de Robin Renucci

Jeudi 14 et ven­dredi 15 jan­vier, à 20 heures

De 8 à 22 euros

+ Rencontre avec Robin Renucci à la biblio­thèque du centre-ville de Grenoble

Vendredi 15 jan­vier, à 12 h 30

Théâtre de Navarre (à Champ-sur-Drac)

Dans le cadre de « Jazz en lisière », orga­nisé par le Jazz Club de Grenoble

En par­te­na­riat avec l’Aria 38, la ville de Champ-sur-Drac et Berthet musique

« J’ai vécu », La Promesse de l’aube, de Romain Gary

Robin Renucci à la lec­ture / Alfio Origlio au piano

Samedi 16 jan­vier, à 20 heures

15 euros / 20 euros

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