REPORTAGE VIDÉO – Hadra, le plus important festival de musique trance en France, ne se déroulera plus à Lans-en-Vercors. Michaël Kraemer, le nouvel élu qui en avait fait un thème de campagne pendant les municipales, en a décidé autrement, considérant que cet événement ne correspondait pas à l’image de la station. Décryptage et retour en images sur cette édition sans précédent.
Tout le long de la route qui mène aux pistes du domaine skiable de la station, le ton est donné. Sac à dos ou toiles de tente en bandoulière, déguisés, maquillés, les festivaliers rejoignent le site. Tous les âges sont représentés. A pied, en stop ou empruntant une des nombreuses navettes mises à disposition par l’organisation, c’est une foule joyeuse et bigarrée qui se rend à la grande messe électro tant attendue. Une référence en l’occurrence.
Du 21 au 24 août, la huitième édition du Hadra Trance Festival a pour la dernière fois fait vibrer la montagne à Lans-en-Vercors. Un décor naturel d’exception pour un événement aux dimensions européennes, tant pour la diversité de sa programmation que pour la provenance de son public.
Réalisation JK Production
Un festival éco-responsable
Dès l’arrivée sur la station, ce qui frappe au premier abord, c’est la qualité très perceptible de l’organisation. 400 bénévoles, 100 prestataires et un service de sécurité imposant œuvrent sur le site. Vous êtes un peu perdu ? Qu’à cela ne tienne, quelqu’un est là, reconnaissable à son gilet fluo et vous guidera avec efficacité et gentillesse vers votre destination. Il faut dire que la billetterie est fort éloignée du site où se déroulent les concerts. Cette aide est donc appréciable. Deux grands thèmes pour cette cinquième édition à Lans : la sensibilisation à l’environnement et, pour la décoration, ce sont les couleurs du Vietnam, ses légendes et ses mythes qui sont à l’honneur. Les trois scènes réparties sur le site sont magnifiquement décorées. Tout particulièrement l’impressionnante scénographie du psytrance floor, scène principale sur laquelle sont intervenus avec bonheur les artistes du Full Hadra décor Crew [ndlr : collectif composé des Lucioles, de The Mad Studio et Vizual Invaders].Pour ce qui est du respect de l’environnement sur le site, rien n’a été laissé au hasard. Le niveau sonore a ainsi été réduit à 97 décibels (contre les 105 normalement autorisés) pour ne pas perturber la faune. Même la date du festival a été décalée pour ne pas gêner la nidification ! Ajoutez à cela l’invitation à utiliser le covoiturage et les navettes, la protection des sols, une brigade verte pour la prévention dans les files d’attente, des toilettes sèches et des expositions de sensibilisation dans le village associatif. Sans oublier des distributions de cendriers portables et l’utilisation de gobelets recyclables. C’est la règles des 3 R, édictée par l’organisation, qui consiste à Réduire, Réutiliser et Recycler.
Une programmation internationale mais aussi locale
Au total, plus d’une centaine d’artistes se sont produits sur les différentes scènes, avec un objectif : la mise en valeur et la promotion de la psytrance. Si l’on a pu noter la présence de têtes d’affiche comme l’excellent Raja Ram (un vétéran de… 74 ans ), l’organisation a mis un point d’honneur – cahier des charges très précis oblige – à ne pas programmer des artistes présents dans d’autres festivals, afin d’assurer leur exclusivité. Les artistes locaux ne sont pas pour autant oubliés. L’association Hadra a fait le choix délibéré de leur fournir de la visibilité auprès des programmateurs en leur accordant une large place. Pas moins de 35 % des artistes qui se sont produits sont issus de la région Rhône-Alpes ! Le festival Hadra confirme ainsi son rôle de découvreur et d’incubateur de nouveaux talents. Cette édition 2014 aura donc tenu toutes ses promesses. Lors de notre passage, aucun incident n’avait été enregistré. « Juste de la bobologie et quelques problèmes d’alcool, rien de vraiment grave » nous confiera un secouriste de la Croix rouge. De l’aveu de toutes les personnes rencontrées, les festivaliers sont corrects, non-violents et si parfois leur mise peut surprendre, ce n’est que pour faire la fête, s’amuser et communier ensemble. Ce qui n’est pas sans rappeler les grands rassemblements musicaux des années 70 – 80, où un état d’esprit positif était la règle.Le sort du Hadra scellé pour 2015
« Nous avons dépassé les 14 000 entrées. C’est historique puisque nous avons dépassé notre record de 2012 et, de ce fait, nous avons organisé le plus gros festival trance en France depuis toujours » déclare, ému, Benoît Allirol, le directeur du festival. En effet, la jauge maximale ayant été atteinte, c’est à guichets fermés que le festival s’est déroulé. Reste que l’amertume était perceptible, en filigrane, dans le discours des organisateurs. En élisant Michaël Kraemer, qui a fait de l’arrêt du festival un thème majeur de sa campagne pour les élections municipales, les Lantiers [ndlr : habitants de Lans-en-Vercors] ont scellé le sort du Hadra. Il n’aura plus lieu sur leur territoire en 2015. L’affaire est d’autant plus étonnante que l’on aurait pu croire, vu le contexte, à la manifestation de l’habituelle incompréhension entre ancienne et nouvelle génération. Il n’en est rien. Jean-Paul Gouttenoire, le maire sortant, beaucoup moins jeune que son successeur, défend toujours farouchement le projet dont il est l’un des tout premiers soutiens. « Il y a eu des instrumentalisations, des diabolisations qui ont fait changer d’avis certains d’entre nous » martèle-t-il. Michaël Kraemer se défend, lui, du « délit de faciès » évoqué lors des joutes électorales. « Ce délit de faciès, je ne peux pas l’accepter ! C’est un rejet de ma personne. Je suis jeune, je porte des lunettes de soleil blanches et reçois mes homologues du Conseil général en short. Je suis donc moi-même différent. Ce n’est pas une question de faciès ». Et d’insister sur les vraies raisons, liées à l’image que son équipe souhaite redonner à la station. Réalisation JK ProductionUne survie incertaine
Faute d’un nouveau lieu, une grande incertitude règne donc pour la prochaine édition de l’événement. Et ce n’est pas seulement l’avenir du festival qui est remis en jeu, mais aussi celui des nombreuses autres activités de l’association Hadra et, par conséquent, les emplois. « Tout le monde à joué le jeu [ndlr : y compris le nouvel élu] pour qu’avec une jauge comme celle-là nous arrivions à combler les problèmes accumulés l’an dernier (150 000 euros de dettes) » reconnaît Clément Bastiat, le président de l’association. Mais celui-ci reste toutefois inquiet : « même si aujourd’hui c’est une belle réussite, nous gardons bien en tête que notre survie reste pour le moment incertaine. Si nous ne trouvons pas de terrain pour l’an prochain – le festival finançant les autres activités, notamment les salaires à l’année – les choses deviendront vraiment beaucoup plus difficiles ».
L’organisation, très combative, ne baisse pour autant pas les bras et recherche activement un nouveau lieu. Des soutiens de poids se sont manifestés pour aider à cette prospection. Telle la conseillère régionale Farida Boudaoud, vice-présidente déléguée à la culture, qui a adressé un courrier à tous les élus de la région. Ou bien encore le sénateur Jacques Chiron, qui a affirmé son soutien inconditionnel, via un communiqué de presse en début de festival.
Pour l’heure, la question n’est pas réglée. Alors, si vous connaissez un terrain…
Joël Kermabon