ENTRETIEN – Il y a peu de festivals en France exclusivement dédiés au ciné-concert. L’un d’entre eux est grenoblois : Le Tympan dans l’œil, qui se déroule du 25 novembre au 5 décembre dans différents lieux de l’agglomération. Chauvinisme mis à part, ce festival-là propose, pour la sixième fois cette année, une programmation pertinente autour d’un genre de plus en plus plébiscité par le public. Entretien avec Damien Litzler, de l’association Stara Zagora, à l’initiative de l’événement.
Même si, de l’aveu de son organisateur Damien Litzler, le rock est plus représenté cette année que d’autres genres musicaux, le Festival Le Tympan dans l’œil travaille son éclectisme, tant dans les genres de cinéma proposés que dans les accompagnements sonores.
La pertinence de la programmation tient sans doute à la proximité que l’association Stara Zagora, aux manettes du festival, entretient avec le ciné-concert. Damien Litzler et son frère Franck Litzler, qui forment le groupe SZ, en ont déjà signés quatre.
En tant que musicien du groupe SZ et organisateur du festival Le Tympan dans l’œil, qu’est-ce qui vous intéresse dans le genre du ciné-concert ?
Damien Litzler : Avant la première édition du festival, on donnait déjà des ciné-concerts avec SZ. C’est d’ailleurs l’engouement du public face à cette forme un peu particulière qui nous a encouragés à créer Le Tympan dans l’œil. On a senti qu’on touchait des publics qu’on n’aurait jamais approchés avec le film ou le concert seul. Le ciné-concert intéresse les cinéphiles comme les mélomanes.
Et puis ça peut rendre le film ou la musique plus facile d’accès parce qu’il y a à la fois un support visuel et une proposition musicale ou sonore. Le ciné-concert permet aussi de réactualiser le film ou de le revisiter, particulièrement dans le cas de vieux films marqués par leur période.
Films muets ou parlants : quelle différence cela implique-t-il au moment de la création sonore ?
Dans le cadre du festival, on essaie de mixer un peu les deux même si, cette année, on a surtout du parlant. Ce qui implique que les musiciens, au moment de la création, ont cet élément supplémentaire à prendre en compte.
Ils peuvent intégrer à leur création la bande son originale du film avec ses parties dialoguées ou avoir recours aux sous-titres.
Toutes les approches sont possibles mais, normalement, dans ces cas-là, la musique ne vient pas écraser la bande son du film.
C’est ce type de contrainte que les musiciens apprécient dans l’exercice du ciné-concert ?
Ce qui est surtout passionnant pour un musicien de ciné-concert, c’est qu’il y a effectivement une contrainte qui vient de la partition imposée par le film. En fonction des scènes, des changements de rythme, des émotions, de l’intensité, on vient servir, souligner ou prendre le contre-pied de ce qui se passe à l’écran.
Par contre, du point de vue temporel, on est plus libre que quand on compose pour un titre d’album ou de concert. En ciné-concert, on peut développer un thème sur quinze secondes comme sur quinze minutes, utiliser des instruments différents, faire des choses très épurées ou, au contraire, très remplies. Ça laisse vraiment libre cours à l’imagination !
Il y a des propositions estampillées « création » dans votre programmation. Le Festival a‑t-il passé commande ?
Cette année, on a commandé deux créations à des artistes locaux : le groupe Buffle ! et Olivier Depardon, qui travaillent respectivement sur Miracle à Milan [coproduit avec Les Rencontres du cinéma italien, ndlr] et sur The savage eye.
Dans les deux cas, ce sont des artistes locaux. On préfère parce qu’il y a un bon vivier ici et qu’on les connaît. Et puis, ça permet de les aider à faire tourner ces créations ensuite. Ça contribue à faire de Grenoble une ville où il se passe des choses au niveau du ciné-concert.
Vous proposez huit ciné-concerts cette année. Est-ce une bonne édition ?
On est dans la moyenne haute. Nous sommes vraiment contents d’annoncer cette édition, que ce soit au niveau des créations, des ciné-concerts jeune public [Minopolska au Prunier sauvage, Le voyage du lion Boniface à l’Espace 600 et Biques et piafs à la Bobine, ndlr] ou de tout ce que nous proposons en parallèle (stage, ateliers, rencontres…). On a eu de quoi travailler. Nous faisons partie des quelques-uns qui n’ont pas eu de mauvaises nouvelles… [L’association a reçu des subventions de la part de la Sacem, de la ville de Grenoble (pour la première fois cette année) et du Conseil général de l’Isère, ndlr]
On a aussi développé de nouveaux partenariats, avec les Rencontres du cinéma italien notamment (Miracle à Milan). Et on a produit une troisième création, courte, dans le cadre des Rencontres du cinéma de montagne, le 10 novembre, au Palais des sports. C’était assez grandiose : quasiment 3.000 personnes devant un vieux film de montagne des années 1920.
Le fait que le festival soit éclaté sur divers lieux est-il un avantage ou un inconvénient pour la visibilité de votre événement ?
Certaines personnes nous découvrent encore chaque année. D’autres attendent le rendez-vous et nous font des retours très positifs ! Mais c’est sûr qu’on n’a pas la puissance de feu des Détours de Babel, de Rocktambule ou du Cabaret frappé…
Je pense que c’est plutôt une richesse que le festival se déroule dans différents lieux parce que, comme ça, on est implanté dans divers quartiers. On n’a pas choisi nos partenaires au hasard. Ils font tous un travail pertinent là où ils sont : l’Espace 600, le Prunier sauvage, le Ciel, la Bobine…
Ce sont des lieux pouvant accueillir de 150 à 300 personnes environ. Ces jauges modestes se prêtent-elles bien au ciné-concert ?
C’est sûr que le Summum ne serait pas vraiment adapté (rire). Mais à la Belle électrique, on pourrait… Ça ne tenait qu’à nous de les motiver pour organiser un partenariat, d’ailleurs. Mais il faudrait trouver des pseudo-têtes d’affiche. En ciné-concert, il n’y en a pas tant que ça qui pourraient rassembler jusqu’à 500 personnes. C’est une trop grosse prise de risques.
Et de toute façon, des jauges de 150 à 300, c’est idéal : on préserve le côté intimiste.
Propos recueillis par Adèle Duminy
INFOS PRATIQUES :
Festival de ciné-concerts Le Tympan dans l’œil
Du 25 novembre au 5 décembre
À Grenoble : Espace 600, La Bobine, Le Ciel, Le Prunier Sauvage, cinéma Juliet Berto.
À Eybens : Odyssée.
Réservations auprès des structures.