EN BREF – Le CEA de Grenoble a officiellement annoncé, le 27 février dernier, la mise au point d’une nouvelle approche vaccinale contre le virus du sida. Cette approche s’appuie sur des nanoparticules lipidiques, nommées lipidots, qui améliorent la réponse immunitaire chez la souris et le primate. Les résultats de ces travaux ont été publiés dans la revue npj Vaccines en octobre 2018.
Depuis la découverte des premiers cas de sida il y a plus de trente-cinq ans, 78 millions de personnes ont été infectées par le VIH (virus de l’immunodéficience humaine responsable du sida) et 35 millions en sont mortes, selon le Programme commun des Nations unies sur le VIH-sida (Onusida).
« Malgré les efforts considérables de la communauté scientifique pour mettre au point des vaccins contre le VIH, le virus continue d’infecter des personnes chaque jour », déplore Fabrice Navarro, responsable du Laboratoire des systèmes microfluidiques et de bio-ingénierie du centre de recherche et technologie spécialisé dans les micro et nanotechnologies du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA-Leti).
Une nouvelle page est-elle en passe de se tourner ? Une chose est sûre, le CEA-Leti, en collaboration avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), a mis au point une approche vaccinale prometteuse contre le VIH. Celle-ci consiste à utiliser un système inédit de transport et de délivrance du vaccin : les nanoparticules lipidiques nommées lipidots.
Publiés dans la revue scientifique américaine npj Vaccines en octobre 2018, les résultats* obtenus chez les souris et les primates non humains valident cette approche qui pourrait bien constituer la première étape vers un vaccin efficace contre le VIH.
À base d’huiles et de cires, les lipidots encapsulent le vaccin
De fait, les tentatives d’élaboration d’un traitement vaccinal contre le sida n’ont jusqu’ici pas été probantes. En cause, une réponse immunitaire insuffisante chez les patients infectés par le virus. Pour le chercheur Fabrice Navarro, « les vaccins expérimentaux font face à des obstacles immunologiques qui ne peuvent être surmontés qu’en introduisant des innovations dans la conception des formulations du vaccin ».
Quid de l’innovation mise au point par le CEA-Leti ? À base d’huiles et de cires, les lipidots encapsulent le vaccin. Ainsi logé à l’intérieur de ces nano-gouttelettes de lipides, le médicament anti-viral est dès lors protégé de la dégradation pendant son transport dans le sang et la lymphe.
Les lipidots ciblent les cellules dendritiques
L’autre avantage des lipidots ? Ces derniers ont été spécialement conçus pour délivrer le vaccin uniquement dans les tissus cibles, c’est-à-dire dans les ganglions lymphatiques. Là où sont notamment localisées les « cellules dendritiques présentatrices d’antigènes (substances étrangères au corps) et médiatrices des réponses immunitaires induites ».
Autrement dit, ces cellules du système immunitaire aux prolongements cytoplasmiques semblables à ceux des cellules nerveuses ont pour fonction de présenter les substances étrangères aux globules blancs. Ici, l’antigène est p24, la protéine du VIH contenue dans le vaccin.
En présentant ainsi p24 aux globules blancs, les cellules dendritiques permettent à ces derniers d’apprendre à reconnaître ladite protéine.
Pour qu’ensuite, ces cellules de défense de l’organisme puissent plus facilement identifier le VIH porteur de l’antigène. Et l’attaquer pour le détruire.
Des résultats positifs chez la souris et le primate
Afin d’augmenter la réponse immunitaire, c’est-à-dire de stimuler davantage les cellules du système de défense de l’organisme, le vaccin intègre également un agent immunostimulant : le CpG.
Résultat des courses ? Les expériences menées avec les lipidots chez la souris et le primate prouvent qu’en plus de renforcer la réponse immunitaire contre la protéine p24, leur usage ciblé sur les ganglions lymphatiques diminue également les effets secondaires du vaccin.
La prochaine étape ? Afin d’optimiser le traitement vaccinal, les chercheurs projettent de « fixer sur les particules lipidiques d’autres antigènes du virus. En particulier, les antigènes issus des glycoprotéines (protéines liées à un sucre) situés dans l’enveloppe virale. C’est-à-dire sur la partie [la plus] externe du virus », précise le CEA.
Véronique Magnin
* Overcoming immunogenicity issues of HIV p24 antigen by the use of innovative nanostructured lipid carriers as delivery systems : evidences in mice and non-human primates, Emilie Bayon, Jessica Morlieras, Nathalie Dereuddre-Bosquet, Alexis Gonon, Leslie Gosse, Thomas Courant, Roger Le Grand, Patrice N. Marche & Fabrice P. Navarro
La mise au point des lipidots par le CEA-Leti remonte à 2006
Malgré de gros efforts de communication, il n’est pas de notoriété publique que le CEA se préoccupe aussi du sida.
Néanmoins, depuis plusieurs décennies, ce dernier s’implique dans la recherche et le développement d’approches thérapeutiques et préventives des maladies infectieuses.
La mise au point des lipidots par le CEA-Leti remonte pour sa part à 2006. Ce, dans le cadre d’une collaboration avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). L’objectif ? Rendre injectables des médicaments qui ne le sont pas par des moyens conventionnels.