FOCUS – L’expérimentation de surveillance de l’air GreenZen Tag a permis de détecter, trois mois durant, des pollutions ponctuelles à partir de dix micro-capteurs mobiles installés sur les trams de la ligne A. De quoi mieux connaître les variations spatiales et temporelles des particules fines sur le territoire de la Métropole. Et, in fine, mieux informer le grand public sur la qualité de l’air.
De gauche à droite : Philippe Charvy, DG Semitag, Yann Mongaburu, président du SMTC, Didier Chapuis, directeur d’Atmo Auvergne-Rhône-Alpes, Camille Rieux, référent territorial Atmo Auvergne-Rhône-Alpes et Rémy Lagache, EGIS Environnement. © Joël Kermabon – Place Gre’net
« Nous souhaitions voir comment cette expérimentation – une première en France – pourrait apporter un complément d’informations et voir si c’était un dispositif susceptible d’être déployé dans d’autres territoires moins équipés en capteurs », résume Yann Mongaburu, le président du Syndicat mixte des transports en commun (SMTC).
Ce dernier participait à la restitution de l’expérimentation GreenZen Tag, ce jeudi 23 novembre, dans les locaux d’Atmo Auvergne-Rhône-Alpes.
Pas moins de 5 700 mesures
Quid du dispositif GreenZen Tag donc ? Durant trois mois, de la fin décembre 2016 au début du mois de mars 2017, les toits de dix tramways de la ligne A ont été équipés d’un micro-capteur e‑PM chargé de mesurer les particules PM 10 et PM 2,5 en suspension dans l’air. Des polluants dont l’impact sanitaire à court et à long terme n’est plus à démontrer.
Au cours de cette campagne, 5 700 mesures (à raison d’une toutes les deux minutes trente) ont été effectuées chaque jour, tout au long des 13 kilomètres de la ligne. Une exploration pilotée par le Laboratoire d’expérimentation des mobilités de l’agglomération grenobloise (Lemon*) qui a permis d’obtenir des données fines sur la pollution atmosphérique dans le temps et dans l’espace.
Mesurer la concentration des particules polluantes dans l’air n’est pas une nouveauté. Mais la méthode de référence, utilisée par les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA), repose sur des données recueillies dans des stations fixes de type TEOM FDMS de Thermo Fisher Scientific.
L’emplacement du coffret contenant le capteur sur une rame ex exploitation. © Joël Kermabon – Place Gre’net
Avec GreenZen Tag, la démarche est différente. En effet, les capteurs mobiles permettent, grâce à une meilleure couverture géographique, de détecter des pollutions ponctuelles à des endroits précis.
D’où l’idée de combiner les données obtenues par ces deux technologies, au final complémentaires.
« Dans cette expérimentation, on complète les données de référence par des données qui apportent quelque chose de supplémentaire. À savoir des données sur l’ensemble du trafic recueillies de façon très régulière », explique Rémy Lagache, ingénieur chargé du suivi des mesures à Egis environnement.
Comment ? En comparant, après redressement, les mesures de PM 10 et PM 2,5 effectuées par les micro-capteurs présents sur les trams avec les mesures de référence de ces mêmes particules fournies par les stations fixes d’Atmo Auvergne-Rhône-Alpes.
Compléter la cartographie modélisée par Atmo Auvergne-Rhône Alpes
Rémy Lagache insiste sur cette complémentarité. « On ne peut pas utiliser GreenZen Tag tout seul comme substitut de l’ensemble d’un réseau de mesures. Cela n’aurait pas de sens », précise-t-il tout en soulignant une très bonne corrélation avec les mesures compilées par l’AASQA.
Les capteurs mobiles de GreenZen Tag permettent ainsi de multiplier, à moindre coût, les zones d’analyse et de détecter les variations de la qualité de l’air au sein même d’une agglomération. De quoi compléter et affiner la cartographie modélisée par le centre de calcul d’Atmo Auvergne-Rhône-Alpes.
En vert, un exemple de mesures de particules fines dans l’air PM10 réalisées par GreenZen Tag. En noir et bleu, les mesures réalisées par les stations fixes de référence d’Atmo Auvergne-Rhône-Alpes. Ce graphe montre que les données enregistrées par les capteurs mobiles de GreenZen Tag reproduisent correctement les évolutions du taux de particules PM10 même si certains phénomènes semblent être amplifiés
« L’intérêt pour Grenoble c’est que nous avons là une information spatiale très détaillée », explique l’ingénieur. Le dispositif GreenZenTag a en effet enregistré des variations que n’auraient pas forcément détectées les stations fixes, pas plus que la modélisation n’aurait pu les faire remonter, en tout cas pas en l’état actuel des algorithmes.
« Nous, nous arrivons à détecter ces pics de pollution locale parce que le tram passe à ces endroits-là et aussi grâce à la fréquence des mesures effectuées sur une ligne de tramway à haute cadence », se félicite Rémy Lagache.
« Le niveau de particules varie très vite dans le temps »
« Si nous voulons améliorer l’aide à l’information et à la décision du public, il faut que l’observatoire soit le plus fin possible », estime, quant à lui, Camille Rieux, référent territorial d’Atmo Auvergne-Rhône-Alpes. Pour ce dernier, GreenZen Tag est une piste intéressante pour améliorer l’efficacité de l’observatoire, ce qui a décidé, précise-t-il, l’autorité de surveillance à intégrer le projet.
Présentation de l’expérimentation le 19 décembre 2016. Yann Mongaburu (SMTC), Philippe Chervy (Semitag) et Francis Chaput (Transdev). © Joël Kermabon – Place Gre’net
En quoi Atmo Auvergne-Rhône-Alpes a‑t-elle contribué à l’expérimentation ? Essentiellement en permettant d’identifier les conditions de test les plus adaptées pour pérenniser GreenZen Tag. Par exemple, en sélectionnant les journées les plus exposées ou les moins exposées aux polluants, ou encore présentant de grandes variations.
Le but ? « Essayer de mettre en défaut la capacité du dispositif à détecter des situations complexes », explique Camille Rieux. « Ce qui nous a permis d’observer que le niveau de particules varie très vite dans le temps, d’heure en heure, et qu’il y a aussi de très fortes disparités spatiales avec une tendance à l’accumulation des particules en fond de vallée. Tout autant qu’une surexposition aux polluants pour les zones de proximité routière », souligne le référent.
« Pour nous, Greenzen Tag c’est l’opportunité de réfléchir à l’amélioration de notre observatoire en intégrant des mesures mobiles », conclut Camille Rieux.
Une nouvelle version 2.0 de l’expérimentation en 2018 ?
Quels enseignements tirer de cette expérimentation ? « GreenZen Tag est une évolution technologique qui n’avait jamais été testée avec cette ampleur-là en France et nous avons voulu offrir le terrain de jeu pour vérifier que cette technologie pouvait facilement apporter des informations complémentaires à celles du réseau de l’autorité de surveillance de la qualité de l’air », déclare Yann Mongaburu, président du SMTC. Sur ce point précis, mission accomplie, se félicite-t-il.
Outre le fait de pouvoir aider d’autres territoires à mesurer la qualité de l’air en choisissant les lieux où implanter des capteurs, l’opération présente, selon lui, un grand intérêt pour le SMTC.
Ce système pourrait en effet permettre à l’opérateur de transports « de faire de la mesure ponctuellement pour identifier avant, pendant, après un projet urbain ou de requalification de voirie, les améliorations à lui apporter en matière de qualité de l’air », expose Yann Mongaburu. Qui voit en GreenZen Tag un outil d’aide à la décision pour les aménageurs tout autant qu’une source fiable d’informations sur la qualité de l’air pour le citoyen.
Pour autant, GreenZenTag n’est jamais qu’une première exploration, encourageante certes, mais qui mérite d’être encore améliorée. C’est du moins le sentiment de Yann Mongaburu qui prévoit une version augmentée « 2.0 » du dispositif à l’horizon 2018.
Joël Kermabon
* Lemon est un laboratoire, un incubateur, au sein duquel le Syndicat mixte des transports en commun (SMTC) et Transdev, le partenaire industriel et commercial de la Sémitag, l’exploitant du réseau du SMTC, travaillent de concert sur les problématiques de la mobilité.