Les éner­gies vertes seraient menacées

Les éner­gies vertes seraient menacées

DÉCRYPTAGE – Alors que les scien­ti­fiques sont réunis du 25 au 29 mars au Japon, autour du deuxième volet du 5ème rap­port du GIEC, la ques­tion de la tran­si­tion éner­gé­tique pour­rait bien se heur­ter à celle des res­sources. Comment, en effet, exploi­ter les éner­gies renou­ve­lables si les réserves en métaux et mine­rais s’épuisent ? Deux cher­cheurs de l’ISTerre tirent la son­nette d’alarme dans la revue Nature Geoscience.

EolienneL’éolien, éner­gie verte ? Le solaire, éner­gie renou­ve­lable ? Si la réponse ne fait aucun doute, quid des infra­struc­tures pour pro­duire cette éner­gie ? Panneaux mul­ti­couches des ins­tal­la­tions solaires, mats, pales et moteurs d’éoliennes ont en effet besoin de maté­riaux et mine­rais pour fonctionner.
« D’ici 2050, il fau­dra six ou sept fois la pro­duc­tion mon­diale d’acier actuelle pour les seuls sec­teurs des éner­gies renou­ve­lables », pointe Olivier Vidal dans une inter­view parue sur le site de l’Université Joseph-Fourier et dont les tra­vaux ont fait l’objet d’un article dans la revue Nature Geoscience
Le direc­teur de recherches CNRS au labo­ra­toire de l’Institut des sciences de la terre de Grenoble (ISTerre) s’est pen­ché sur la ques­tion des res­sources minières et métal­liques dans le monde. Sont-elles suf­fi­santes pour assu­rer la tran­si­tion éner­gé­tique ? Selon le scien­ti­fique, le cap­tage et l’exploitation des éner­gies renou­ve­lables néces­site, à capa­cité de pro­duc­tion équi­va­lente, bien plus de maté­riaux de base que les éner­gies fos­siles et nucléaires. 
Les éner­gies vertes, grosses consom­ma­trices de métaux
Les éoliennes et les ins­tal­la­tions solaires consomment jusqu’à 90 fois plus d’aluminium, 50 fois plus de fer et 15 fois plus de béton que les cen­trales exploi­tant des res­sources fos­siles. Et d’ici 2050, la tran­si­tion éner­gé­tique néces­si­tera une aug­men­ta­tion de 10 à 18 % de la pro­duc­tion pri­maire de ces éléments. 
Bref, il va fal­loir trou­ver en quan­tité, et vite, béton, alu­mi­nium, fer, cuivre… Mais aussi des terres rares, ces 17 métaux aux pro­prié­tés chi­miques voi­sines, deve­nues incon­tour­nables dans l’industrie high tech et les éner­gies vertes.
« Dans les éoliennes, nous uti­li­sons des aimants per­ma­nents qui néces­sitent entre 200 et 600 kg de terres rares par mega­watt (MW) de puis­sance, sachant qu’une éolienne clas­sique, c’est 2 MW et que les nou­velles éoliennes off-shore, c’est 6 MW, explique Olivier Vidal. Il y a aussi les pan­neaux solaires, où nous pas­sons des pan­neaux sili­cium aux pan­neaux mul­ti­couches avec gal­lium, indium, sélé­nium et cuivre. Ce sont des tech­no­lo­gies en déve­lop­pe­ment qui uti­lisent des élé­ments pas très cou­rants ».
CamembertTerresRaresCreditUSGS
Des terres rares convoi­tées mais dont l’extraction, très dif­fi­cile et toute aussi pol­luante, est entre les mains de la Chine… Et la demande des pays émer­gents va crois­sant. « La Chine consomme actuel­le­ment 30 % du cuivre et de l’aluminium mon­dial et 50 % du fer mon­dial », conti­nue Olivier Vidal.
Or la ten­dance ne devrait pas s’inverser de sitôt. Demain, il fau­dra plus de matières pre­mières pour exploi­ter les éner­gies renou­ve­lables. Et plus d’énergie pour extraire des métaux moins concen­trés… La boucle est bou­clée. Le gise­ment pour­rait ainsi bien se tarir. D’autant qu’il faut plu­sieurs mil­lions d’années pour renou­ve­ler les stocks de métaux, tout comme pour les hydrocarbures,. 
Peu d’é­tudes sur le coût réel de ces technologies
Une étude menée par l’ingénieur cen­tra­lien Philippe Bihouix évoque trente à soixante ans de réserve pour la plu­part des grands métaux indus­triels que sont le zinc, le cuivre, le nickel ou le plomb. Les réserves acces­sibles d’indium, notam­ment uti­lisé dans les cel­lules pho­to­vol­taïques, se limi­te­raient, elles, à vingt ans… Et celles de cuivre à trente ans.

Credit BRGM

La Chine a mas­si­ve­ment investi dans l’ex­ploi­ta­tion et la pro­duc­tion de métaux et terres rares © BRGM.

Alors, on creuse de plus en plus pro­fon­dé­ment. A quel prix éco­no­mique, envi­ron­ne­men­tal, socié­tal ? « Très peu d’études sont faites sur le coût réel de ces tech­no­lo­gies (d’extraction, ndlr), notam­ment pre­nant en compte les métaux rares […], pour­suit Olivier Vidal. Il faut rapi­de­ment faire ces études. C’est main­te­nant qu’il faut se pen­cher sur la ques­tion, afin d’é­vi­ter de se trom­per de tech­no­lo­gie ». D’où le plai­doyer des cher­cheurs gre­no­blois pour une réou­ver­ture des mines en Europe.
Rouvrir des mines en Europe ?
Pour Nicholas Arndt, qui a tra­vaillé aux côtés d’Olivier Vidal*, l’idée n’a rien de sau­gre­nue. « On a fermé toutes les mines car l’industrie était consi­dé­rée comme dépas­sée, sou­ligne le pro­fes­seur à l’ISTerre. Le résul­tat est qu’il n’y a pas d’exploration, aucune ten­ta­tive de trou­ver d’autres gise­ments ».
Va-t-on rou­vrir les mines en France ? Une quin­zaine de demandes de per­mis de recherche de métaux comme le cuivre, le zinc ou le plomb ont été dépo­sées auprès du gou­ver­ne­ment et trois per­mis ont d’ores et déjà été accor­dés dans la Sarthe, la Creuse et le Maine-et-Loire, dans l’es­poir de trou­ver ces métaux deve­nus hau­te­ment stratégiques.
Patricia Cerinsek
* Aux côtés de Bruno Goffé, direc­teur de recherches CNRS et cher­cheur au Cerege d’Aix-Marseille.
A lire également :
- Le rap­port d’information de l’Assemblée natio­nale sur la ges­tion durable des matières pre­mières miné­rales.
– Philippe Bihouix et Benoît de Guillebon, « Quel futur pour les métaux ? » , édi­tions EDP Sciences.

Patricia Cerinsek

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