EN BREF – Jeudi 26 novembre, Mathias Énard était à la librairie grenobloise Le Square pour présenter son dernier roman, Boussole, récemment couronné du prix Goncourt ! Attirée par la lumière du Graal tout juste décroché ou par la qualité littéraire de l’œuvre, une foule de lecteurs avait fait le déplacement.
Mardi 17 novembre, Delphine de Vigan, prix Renaudot 2015 pour D’après une histoire vraie, était à la librairie Le Square. Quelque dix jours plus tard, Mathias Énard, le dernier prix Goncourt, prend sa place encore chaude. Troublant.
Avant de les inviter, Nicolas Trigeassou, directeur de la librairie, ignorait bien sûr le prochain avènement de ces auteurs. Mais alors, le Square agirait-il comme un puissant gri-gri pour les écrivains qui en foulent la moquette ? Jean-Philippe Toussaint, invité très souvent lui aussi, ne serait pas d’accord…
Blague à part, voir ainsi une foule se former pour parler littérature – et volontairement encore ! – est suffisamment rare pour qu’on s’en réjouisse simplement.
C’est bien de littérature dont il fut question et non des récents attentats, comme aurait pu le laisser supposer la présence de Mathias Énard. Car l’auteur est féru d’Orient et évoque dans Boussole, entre autres pays, la Syrie, désormais à feu et à sang.
L’Orient, usine à clichés
« Nous brûlons de t’interroger sur l’actualité mais il s’agit d’abord de littérature. » En débutant ainsi l’échange avec l’auteur, Nicolas Trigeassou annonçait la couleur.
On a donc parlé littérature mais sans doute moins abondamment que d’orientalisme, au sens où l’on pouvait l’entendre au XIXe siècle. Vous savez, ces figures de femmes alanguies, ces volutes de fumées s’échappant des narguilés… Des images certes vaporeuses, mais bel et bien ancrées dans notre imaginaire. Question passionnante que Mathias Énard a nourrie de son érudition, désormais fameuse.
L’écrivain a ainsi dégoupillé l’usine à clichés que génère l’Orient. Véritable « construction imaginale », dans le sens où elle est faite pour nous « d’images que les hommes de l’Ouest ont projetées sur ceux de l’Est. Des images qui ont finalement construit un patrimoine commun dans lequel tous, Occidentaux comme Orientaux, piochent maintenant », a expliqué l’auteur. Nouvelle boussole dans ces temps culturellement opaques ? N’accablons pas Mathias Énard d’une responsabilité trop lourde et de jeux de mots faciles.
Adèle Duminy
Infos pratiques :
« Boussole », de Mathias Énard
Éd. Actes Sud
21,80 euros
En vente, notamment, à la librairie Le Square
2 place Docteur Léon Martin, à Grenoble