« Toutes les cellules ont les mêmes gènes mais ne les expriment pas tous, poursuit Sophie Rousseaux. C’est ce qui fait que chaque tissu a une identité et une fonction propre. Certains tissus ont des gènes qui ne se définissent que dans ce tissu-là et restent souvent éteints dans les autres. » Alors, quand ils se réveillent, c’est mauvais signe. Dans presque tous les cancers, les scientifiques ont ainsi découvert que plusieurs dizaines de gènes spécifiques à la production d’ovules et de spermatozoïdes s’activaient anormalement. Ces gènes, bio-marqueurs identifiés grâce au travail des scientifiques, vont désormais permettre de détecter les cancers et, surtout, de prédire leur dangerosité. « Dans le cas du cancer du poumon, quand aucun des 26 gènes n’est activé, 80 % des patients sont en vie après 3 ans ». Mais si ces gènes se réveillent, le taux de survie tombe à zéro… Depuis ces résultats, d’autres chercheurs, notamment américains et coréens, ont emboîté le pas aux Français. Même méthode et mêmes résultats, quel que soit le degré d’évolution de la maladie. Grâce à cet outil de détection, les médecins vont pouvoir augmenter la surveillance et adapter le traitement… en attendant de pouvoir neutraliser ces gènes qui n’auraient jamais dû se réveiller. « Les tumeurs agressives ont la particularité de se rendre invisibles aux systèmes de défense de l’organisme. Mais ces tumeurs deviennent dépendantes de ces gènes, continue Saadi Khochbin. Si l’on parvient à neutraliser ces gènes, on peut tuer ces cellules cancéreuses. » L’espoir est de taille, et pas seulement pour le cancer du poumon. « Nous avons approfondi cette approche dans le cancer du poumon, mais on retrouve ces expressions aberrantes dans tout type de cancer. » Les scientifiques grenoblois ont ainsi trouvé la clé qui permet de déchiffrer des milliards de données. La voie est désormais tracée. Des chercheurs sont d’ailleurs d’ores et déjà sur la piste du lymphome, ce cancer du système lymphatique qui atteint notamment la moelle osseuse. De quoi nourrir quelques espoirs sur le plan thérapeutique. Patricia Cerinsek ENGLISH VERSION HERE (*) L’équipe regroupe des chercheurs du CNRS, de l’Inserm et de l’Université Joseph Fourier, en collaboration avec des médecins cliniciens et anatomopathologistes du CHU de Grenoble. Le tout avec le soutien de l’Institut national du Cancer, de la Ligue nationale contre le Cancer et de la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer.