FOCUS — Alors que la polémique semble gagner autour du Mois décolonial organisé à Grenoble au mois de juin, la Ville de Grenoble, Sciences Po Grenoble et l’Université Grenoble-Alpes refusent l’emploi du terme de « partenaires ». Et demandent aux organisateurs de retirer de leur communication toutes les marques de soutien officiel.
Il n’aura pas fallu longtemps pour que la Ville de Grenoble, Sciences Po Grenoble et l’Université Grenoble-Alpes prennent leurs distances avec le Mois décolonial. Deux jours à peine après la présentation de l’événement à la presse, ceux qui étaient présentés comme des « partenaires » et des « financeurs » signent un communiqué commun pour « clarifier les rôles des uns et les responsabilités des autres ».
Présentation du Mois décolonial, avec Nadia Kirat (Peps) et Rodrigue Blot (Contre-courant) © Florent Mathieu – Place Gre’net
« Nous avons découvert par voie de presse de nombreuses évolutions de programmation, non partagées en amont par les organisateurs », décrit ainsi le communiqué. Sans mentionner toutefois les éléments de programmation en question. Les venues de personnalités controversées comme Rokhaya Diallo et Taha Bouhafs, volontiers pointées du doigt par les détracteurs du rendez-vous, en font-elles partie ?
« Retirer les marques de soutiens officiels de nos institutions »
De plus, la Ville de Grenoble, l’UGA et Sciences Po Grenoble contestent l’emploi du terme « partenaires », un « niveau d’engagement » qui n’aurait pas été « validé ». Les organisateurs indiquaient pourtant que des événements étaient prévus dans des locaux municipaux, notamment la salle Le Patio. Et une universitaire comme Claske Dijkema, du laboratoire Pacte de Sciences Po Grenoble, doit animer une table-ronde sur la « décolonisation des savoirs ».
Dans tous les cas, le communiqué fustige un « manque de transparence envers les institutions et les rôles qu’on voudrait leur faire jouer ». Et marque son désengagement : « À la lecture de la communication du festival, nous avons aussitôt demandé aux organisateurs de revenir à la réalité des faits, et de retirer les marques de soutiens officiels de nos institutions dans l’ensemble de leur communication ».
Les logos de l’UGA, de la Ville de Grenoble et de Sciences Po Grenoble figurent sur le visuel du rendez-vous. Plus pour longtemps ?
Les rendez-vous prévus dans des locaux des « partenaires » (qui n’en sont plus) seront-ils priés d’aller voir ailleurs ? Les auteurs du communiqué ne s’étendent pas plus sur la portée de leur désengagement. Mais concluent en déclarant : « Fidèles aux valeurs qui portent notre territoire, nous continuerons de faire vivre un débat public contradictoire, rigoureux, dans le respect des principes républicains et du débat scientifique ». Avec plus de précautions en amont ?
Le Prunier sauvage n’a pas non plus apprécié d’être désigné comme « partenaire » du rendez-vous décolonial. Suite à la parution de l’article de Place Gre’net, le « lieu de vie artistique et culturel » demande à ne pas figurer en tant que partenaire de l’événement. Et précise que le lieu sera bien mis à disposition pour deux rendez-vous « sous convention de mise à disposition », sans être pour autant « positionné comme partenaire [ou] comme organisateur de l’événement ».
Des condamnations depuis la Licra jusqu’au RN
Il est vrai que le Mois décolonial de Grenoble ne passe pas inaperçu. Parmi les réactions critiques, Stéphane Gemmani, conseiller régional d’opposition et porte-parole de la candidate Najat Vallaud-Belkacem, a été l’un des premiers à fustiger « une faute grave » de la part de la Ville de Grenoble. La Licra, de son côté, décrit l’événement comme un « branle-bas de combat identitaire ». Et dit s’inquiéter de « cette dérive locale ».
Pour Laurent Wauquiez, Éric Piolle, maire de Grenoble, « promeut les délires du racialisme et de la mouvance décoloniale ». © Tim Buisson – Place Gre’net
Les critiques les plus virulentes proviennent, sans surprise, des rangs de la droite. Sur Twitter, le président LR de la Région Laurent Wauquiez attaque directement le maire de Grenoble Éric Piolle, accusé de « promouvoir les délires du racialisme et de la mouvance décoloniale ». Et de conclure : « La ville de Grenoble ne peut pas encourager cette radicalisation du communautarisme qui est la négation de notre nation ».
Coté Rassemblement national, les quatre candidats aux départementales des cantons de Grenoble font part de leur « stupeur », en désignant la Ville de Grenoble comme « principal partenaire » du Mois décolonial. Outre le retrait du soutien de la Ville, les candidats RN en appellent également aux services de l’État. En les invitant à se montrer « particulièrement vigilants devant les propos haineux et antifrançais qui seront évidemment tenus ».
Florent Mathieu
Suite à la parution de notre article, la Ville de Grenoble conteste (aussi) le terme de « désengagement ». « Les institutions ne se désengagent pas. Elles rétablissent les faits sur les niveaux d’engagement », nous explique-t-on. Difficile pourtant de ne pas considérer une demande de retirer l’ensemble des marques officielles de soutien comme une forme de… désengagement. (Encadré ajouté le 27 mai 2021 à 17 h 30)