TROIS QUESTIONS À – La fameuse Fête des Tuiles qui se tient le samedi 8 juin à Grenoble pour célébrer la Journée des Tuiles, prémices de la Révolution française, accueille cette année un invité de marque pour le Grand Défilé : Jean-Claude Gallotta. Le célèbre chorégraphe nous explique pourquoi il s’est engagé dans cet événement populaire et quel est le sens de sa démarche artistique.
Grenoble, l’un des berceaux de la Révolution française, fête chaque année cet événement en organisant la Fête des Tuiles depuis 2015, avec de nombreuses animations sur une partie des cours Jean-Jaurès et de La Libération.
Toute la journée du 8 juin, et ce dès 10 heures du matin, le cours Jean-Jaurès constituera l’axe stratégique des animations. Elle rassemblera des centaines d’artistes (musiciens, danseurs et danseuses, chorégraphes…) et d’ateliers culturels divers.
Et pour la première fois, le chorégraphe Jean-Claude Gallotta, dont la compagnie a été sélectionnée suite à l’appel à projets lancé par la Ville de Grenoble, apportera sa pierre à un édifice pour le moins symbolique : le Grand Défilé, entre 18 h 30 et 20 heures.
Pourquoi participer à la Fête des tuiles ?
Jean-Claude Gallotta : Je suis né ici, j’ai tout fait ici. Mon cœur et ma raison sont intimement liés à cette ville. Les raisons sont aussi bien personnelles que professionnelles.
Lorsque la ville de Grenoble nous a fait savoir qu’elle souhaitait, pour cette année, “donner de la hauteur à cet événement”, je n’ai pas hésité. L’idée d’agir pour Grenoble était pour moi très importante, dans la mesure où j’ai déjà participé aux 50 ans de la MC2, ainsi qu’aux festivités pour les Jeux olympiques de 1968.
C’est aussi l’un des lieux des Compagnons de la Libération. Alors, dès que je peux faire quelque chose, j’y vais, la question ne se pose même pas.
Nous avons tous la volonté de nous impliquer auprès de la population, de ne surtout pas rester dans cette sorte de Tour d’Ivoire que l’on reproche souvent aux artistes. Notre but, justement, n’est pas d’être en hauteur, mais plutôt en bas, en phase avec la réalité, proches des gens. L’important pour moi est de transmettre, de partager.
Comment va s’intégrer votre travail chorégraphique dans le grand défilé ?
Jean-Claude Gallotta : Nous sommes une troupe au milieu d’autres, l’ensemble étant dirigé par Willy, musicien à la tête de la troupe BatukaVI [prononcer « Batoukavi », contraction des noms de la danse Batukada et du quartier de La Villeneuve, ndlr]. J’avais vu ses chorégraphies, elles m’ont plu. Je l’ai rencontré et nous nous sommes découvert des affinités. Tout est parti de là.
Une grande déambulation dans les rues de Grenoble, qui partira du cours Jean-Jaurès pour rejoindre la Bastille, avant l’Esplanade, sera donc assurée par ses soins, et notre cortège traversera Grenoble, comme un train qui déambule.
Est-ce un spectacle monté exprès pour la Fête des Tuiles ?
Jean-Claude Gallotta : Oui. Avec ma troupe, qui comprend beaucoup d’amateurs grenoblois passionnés (60 amateurs, une douzaine d’adolescents du Conservatoire), nous avons créé une chorégraphie pour l’occasion. Celle-ci consiste en des mouvements très simples, réalisés de manière à ce que le public autour de nous puisse reprendre le mouvement. Et cela correspond précisément au sens de notre démarche : que d’autres personnes s’approprient nos gestes, les reprennent, afin que le mouvement ne s’arrête pas, et même qu’il s’amplifie. Grenoble est une ville bouillonnante, pleine d’énergie, cette journée est donc une formidable opportunité de canaliser tout cela.
C’est aussi l’occasion, grâce à la danse, de rappeler l’importance du rapport à l’Autre, du voyage. La danse, comme le théâtre, exige une rigueur physique et intellectuelle. On est dans l’émotion et le rêve, mais aussi dans la discipline. C’est donc un travail qui demande à la fois une écoute des autres, de savoir réagir en fonction aussi bien des mouvements de l’autre que de son propre corps, et une vraie créativité.
Propos recueillis par Jérôme Diaz
LES TEMPS FORTS DE LA FÊTE DES TUILES 2019
10 heures : Yoga géant
10 h 30 : Performance artistique
11 h 30 : Crieur public
12 h 30 : Grand banquet
14 h 30 : Fête du sport dont un tournoi de foot décalé dans le cadre de la Coupe du monde
15 h 30 : Art de rue
16 h 30 : Crieur public
17 h 30 : Danse contemporaine
18 h 30 : Défilé
20 h 30 – 1 heure : Nuit des Tuiles
POURQUOI CETTE FÊTE DES TUILES ? UN PEU D’HISTOIRE
Le 7 juin 1788, les Grenoblois se hissent sur les toits de la ville d’où ils commencent à jeter des tuiles pour repousser, plus bas, les troupes du roi venues disperser – sans tirer sur la foule – les parlementaires établis en province.
Car ces parlementaires, et parmi eux les auxiliaires de justice, représentent, au sein de la sphère judiciaire, le seul garde-fou envers la politique du roi Louis XVI, que beaucoup qualifient de tyrannique, avec des impôts toujours plus injustes.
Celui-ci a effectivement publié un texte (« édit ») contesté dans tout le pays, ordonnant l’exil aux parlementaires. Ces derniers ont, dès lors, menacé de ne plus lui être loyaux et – surtout – de se soulever, avec le soutien de la population. Cela dans un contexte de crise sociale et économique et d’endettement de l’État, qui couvait déjà depuis des années.
Un impôt de trop
Suivront d’autres mouvements, tel le 21 juillet de la même année, au château de Vizille. Ce jour-là, les avocats Barnave et Mounier appelleront, au nom des 540 représentants du Dauphiné, à refuser de payer cet impôt de trop. Et demanderont aux autres provinces de suivre leur mouvement.
Cette réaction sera la première vraie manifestation de contestation de l’autorité royale, laquelle convoquera les États généraux qui s’ouvriront un an plus tard… Vous connaissez la suite.
Source : « 7 juin 1788. La « Journée des Tuiles » à Grenoble », Herodote.net