PORTFOLIO – Situé dans le parc des facultés de médecine et pharmacie à La Tronche, le jardin de plantes médicinales Dominique Villars vient d’inaugurer un espace médiéval. Servant de manuel à ciel ouvert aux étudiants en pharmacie depuis 2014, ce jardin permet aussi au public de découvrir la diversité des plantes et leurs propriétés thérapeutiques. Visite en compagnie de Serge Krivobok, docteur en pharmacie, qui en est à l’origine.
« L’absinthe prolifère de manière inattendue. Elle nous fait le coup chaque année ! », déclare non sans humour Serge Krivobok, responsable du jardin Dominique Villars. Créé en 2014 grâce à son enthousiasme avec le soutien de l’Université, ce jardin est situé dans le parc des facultés de Médecine et de Pharmacie de l’Université Grenoble-Alpes à la Tronche.
Féru de botanique, Serge Krivobok est aussi docteur en pharmacie, maître de conférences à l’UFR de pharmacie de Grenoble et membre du Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Rhône-Alpes. Il nous présente ce jardin éducatif qui lui est cher. Cet espace ouvert au public rassemble environ 200 espèces de plantes médicinales. Il contient neuf bacs thérapeutiques, quatre zones d’habitat, un jardin de plantes médicinales alimentaires et, nouveauté depuis cet été, un jardin médiéval.
La théorie des humeurs au cœur du jardin médiéval
Selon la théorie des humeurs issue de la médecine antique, le corps est constitué de quatre éléments fondamentaux – air, feu, eau et terre – dotés de qualités : chaud ou froid, sec ou humide. L’équilibre de ces éléments antagoniques serait le gage d’une bonne santé. A l’inverse, tout déséquilibre mineur entraînerait des « sautes d’humeur » et un déséquilibre majeur des maladies.
Accompagné de pancartes explicatives parfois inquiétantes (certaines plantes étant toxiques), ce jardin vise à accompagner les étudiants en pharmacie dans l’apprentissage de la botanique. « J’ai voulu tout faire d’après le livre authentique », précise Serge Krivobok en montrant les panneaux accompagnés de textes explicatifs.
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Pour comprendre une partie de ces écrits, il faut faire un voyage dans le temps : certains textes cités datent du XVIe, d’autres du XIe siècle ! « On les a respectés au mieux en se basant sur les écrits de Hildegard von Bingen, abbesse du XIe siècle connue pour des révélations spirituelles et ses préparations de médicaments à base de plantes. » Médecin renommée, elle combinait la médecine populaire, la science et la recherche spirituelle.
La théorie des signatures appliquée aux plantes médicinales
Au XVIe siècle, le médecin, philosophe et théologien laïque suisse Paracelse a développé la théorie des signatures appliquée à la médecine. Son principe : « Les semblables soignent les semblables. »
Un exemple de cette théorie ? « La reine-des-prés pousse dans des endroits très frais et dans les royaumes des vents. Elle doit donc soigner tout ce qui est refroidissement, fièvre… », explique Serge Krivobok. « Là, il ne s’est pas trompé, même si, en général, cette théorie est très aléatoire. Si l’on prend la vipérine, appelée en 1567 “l’herbe aux vipères”, sa fleur ressemble à une gueule ouverte de serpent et sa graine à une tête se serpent. Donc on s’est dit : “C’est simple, cette plante soigne les piqures de vipère.” Malheureusement, pour ceux qui ont espéré se soigner avec cette plante, car ce n’est pas vrai. »
Sensibiliser aux plantes et surtout… aux plantes toxiques
Si le jardin Dominique Villars vise à faire découvrir des plantes, c’est que leur méconnaissance peut parfois entraîner des conséquences très graves. « Dans 75 % des intoxications, il s’agit d’enfants qui jouent avec des graines ou qui mangent des baies qui ressemblent à des baies comestibles mais ne le sont pas », précise le docteur Krivobok.
« Chez les adultes, il y a trois types d’usages non appropriés des plantes toxiques : confusion alimentaire, tentatives de suicide et détournement psychotrope. C’est le cas du datura, une plante décorative dont l’usage peut être détourné pour ses effets psychotropes. Mais cette plante est très toxique et a conduit au décès d’une jeune adulte l’ayant consommée lors d’une soirée festive. »
Sans compter que certaines plantes peuvent être à la fois médicinales et toxiques, comme la belladone. « Un couple est récemment allé ramasser des myrtilles pour faire une tarte. Mais, en réalité, ils ont ramassé de la belladone et se sont retrouvés à l’hôpital… Heureusement qu’aucun enfant n’avait goûté cette tarte ! »
Comment reconnaître cette plante dangereuse et ne pas la confondre avec des myrtilles ? « Au niveau du point d’insertion de sa tige, il y a toujours deux feuilles, une grande et une petite, qui font un angle aigu. De plus, la baie se reconnaît facilement par son calice persistant, de forme étoilée. C’est cela qui caractérise la belladone. »
Initier petits et grands à la connaissance des plantes et à leurs propriétés est ainsi parfois vital. « On aimerait mettre en place des initiations aux risques toxicologiques avec des écoles primaires, mais aussi sensibiliser les jeunes aux plantes toxiques, médicinales, leur montrer la beauté et la diversité des plantes », confie Serge Krivobok.
Dès la rentrée 2017, un premier projet pédagogique verra le jour dans le jardin Dominique Villars avec une classe de collège prioritaire : la création d’un hôtel aux insectes. « Nous allons aussi créer un petit livret sur l’initiation aux plantes, leur fécondation (en lien avec des insectes) et la biodiversité », se réjouit Serge Krivobok, toujours passionné de botanique et fasciné par la beauté des plantes.
Découvrez le jardin Dominique Villars avec notre portfolio.
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Yuliya Ruzhechka