REPORTAGE – Jugée illégale et rejetée par certains habitants, la jardinière qui bloquait l’accès aux voitures à la rue du Drac à Grenoble a été démontée, ce jeudi 10 mars, par un groupe de riverains, dans le cadre d’un « happening » organisé par l’union de quartier Berriat-Saint-Bruno-Europole. Ambiance…
« On ne bloque pas une rue ! » La phrase est répétée en boucle par un riverain de la rue du Drac, tel un slogan sinon un mantra. Jeudi 10 mars à 11 heures 30, l’union de quartier Berriat-Saint-Bruno-Europole invitait la presse à assister à un « happening ». En l’occurrence, le démontage d’une jardinière qui bloque l’accès à la rue du Drac aux voitures depuis plusieurs mois.
Devant une vingtaine de personnes, quelques habitants du quartier ont donc procédé à un déplacement en règle de l’équipement municipal, afin de le disposer sur le côté de la route. Et de laisser, de nouveau, le champ libre aux voitures. Souci du travail bien fait, ils ont même donné un coup de balai sur la route pour en dégager la poussière. Si certains véhicules ont choisi de continuer à tourner dans la rue adjacente, d’autres n’ont pas hésité à franchir de nouveau ce chemin, toujours censé leur être interdit.
Cette jardinière répondait pourtant au concept de la « ville apaisée », chère à la municipalité, et que le webzine Gre.mag, dans son numéro de septembre – octobre 2015, présentait comme un dispositif permettant de sécuriser l’école Ampère, située à environ deux cents mètres de là.
« Ils n’ont pas compris »
Mais l’union de quartier ne l’entend pas de cette oreille. En premier lieu, elle reproche à la mairie de ne pas avoir joué la carte de la concertation. Bruno de Lescure, son président, dénonce ainsi l’attitude de la conseillère municipale déléguée au secteur 1, Sonia Yassia.
« Le vrai problème, c’est qu’elle n’a pas tenu parole. Elle n’a pas fait la co-construction annoncée. On fait une expérimentation sans consulter tous les partenaires, et on finit par annoncer que l’on pérennise le système sans demander à quiconque son avis ! »
L’union de quartier déplore, en effet, que seuls les parents d’élèves aient été consultés pour la mise en place de cette jardinière. Des parents d’élèves qui n’en sont pas moins des riverains, et se sont prononcés majoritairement en faveur du dispositif.
« La jardinière, ça ne concerne pas les parents d’élèves ! Ils y sont favorables, mais je pense qu’ils n’ont pas compris… », estime Bruno de Lescure.
« L’espace public appartient à tout le monde ! »
« Un peu de bon sens ! On ne privatise pas une rue pour son confort personnel, s’agace un riverain. Il y a des gens qui habitent ici qui ont une voiture ! S’ils veulent habiter dans des quartiers privatisés, ils peuvent aller à Meylan. Ici, c’est l’espace public et ça appartient à tout le monde ! »
Quand on lui demande quelle est la frontière exacte entre « happening » et « vandalisme », le président de l’union de quartier assume : « On ne ferait pas ça s’il n’y avait pas eu un diktat de la mairie. Point final. »
Il estime également que cette jardinière est illégale, l’arrêté métropolitain autorisant ce mobilier urbain ayant expiré au premier janvier 2016, et constitue ni plus ni moins « une entrave à la circulation ».
Une opinion que résume l’un des membres actifs de cet « happening » dans un magnifique sophisme : « La preuve qu’elle est illégale : on la démonte ! »
« Ça vous fait plaisir de nous traiter de cons ? »
Reste que l’initiative ne fait pas l’unanimité. Un parent d’élève habitant la rue depuis douze ans débattra longuement et non sans animosité avec Bruno de Lescure et ses acolytes. « J’espère qu’elle va être vite remise, avec l’arrêté qui ira avec… C’est un quartier où il fait bon vivre, et c’est stupide de se mettre sur la gueule pour de telles conneries. »
Avec sang-froid, aplomb et sourire ironique aux lèvres, un autre riverain ne se gêne pas pour insulter les personnes participant à l’opération de démontage. Colère froide de ses interlocuteurs : « Ça vous fait plaisir de nous traiter de cons ? – Oui, et ça me soulage ! »
L’ambiance n’est de toute façon pas au débat constructif. « Que ferez-vous quand un gamin se fera percuter par une voiture à 70 à l’heure ? » Réponse improvisée : « On meurt tous un jour… » Après avoir tenté de discuter quelques minutes, un monsieur à la barbe blanche préfère tourner les talons. « Je trouve ça bien dommage. »
Reste à savoir ce que donneront les échanges avec la municipalité, suite à cette action d’éclat qui risque quelque peu de crisper les positions de chacun. Une réunion doit se tenir le jeudi 17 mars, en présence d’Éric Piolle, maire de Grenoble. L’occasion d’une amorce de « co-construction » ou d’un rappel à la loi concernant le délit de vandalisme ? Tout l’enjeu sera d’apaiser l’apaisement…
Florent Mathieu
Des habitants étonnés de cette action “commando”
Suite au « happening » de la matinée, une vingtaine d’habitants du quartier Ampère ont tenu à réagir via un communiqué envoyé à la presse dans la soirée :
« Ce soir, l’étonnement d’une grande partie des habitants qui n’a pas été informé (sic) est palpable dans le quartier.
La pose de ces jardinières a été approuvée par la Ville suite à une concertation des habitants et donc nous sommes étonnés de l’action “commando” de l’union de quartier qui n’est pas représentative de la totalité des habitants du quartier.
La mairie a été aussi mise sur le fait accompli, alors qu’au mois de novembre dernier, un email avait été envoyé à tous les habitants du quartier pour acter la pérennisation de la pose des jardinières. »