REPORTAGE VIDÉO / PORTFOLIO – Plusieurs milliers de personnes se sont réunies ce mercredi 9 mars, à Grenoble, pour manifester contre le projet de réforme du droit du travail, dans un contexte de forte mobilisation nationale. Plusieurs organisations syndicales, politiques, mais aussi lycéennes et étudiantes avaient appelé à la mobilisation pour exprimer leur désaccord et demander le retrait du texte de loi El Khomri.
Reportage : Joël Kermabon.
« Les gens disent qu’il faut refaire comme en 1986 [manifestations contre le projet de loi Devaquet, ndlr]. Mais en réalité c’est plutôt la Révolution de 1789 qu’il faudrait refaire aujourd’hui ! », lance François, conducteur de tram, délégué syndical FO UNCP à la Semitag. « Il nous faut la révolution intellectuelle, l’éveil de conscience collective et citoyenne », estime pour sa part Babeth Criminesi.
Avec quelques autres personnes, la jeune femme est en train de construire un projet de communauté alternative, dont le but est de subvenir à ses besoins et de ne plus dépendre du système existant. « J’ai envie de travailler, mais pour moi et non pas pour un patron. Pour cela, on n’a plus d’activité salariée », explique Babeth.
Une « grande régression pour les jeunes »
« La vague des manifestations actuelles est une opportunité historique qu’il faut saisir », juge de son côté Clément. Ce stagiaire dans les finances publiques, révolté par la situation précaire des jeunes, est venu manifester contre la loi El Khomri en tant que citoyen et membre de l’union syndicale Solidaires Isère.
Kevin Ortuno écrit justement un scénario de film qui aborde la vie des jeunes à Grenoble et, en particulier, la question de l’emploi. Il tenait à être présent à cette manifestation : « Mon grand-père a quitté l’Espagne pour Grenoble, il y a longtemps, pour travailler ici. Alors qu’aujourd’hui on n’arrête pas d’envoyer des CV, sans résultat. Cette loi serait une grande régression pour les jeunes ! »
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De jeunes manifestantes s’affairent à préparer des pancartes avant le début de la manifestation.
« Quand tous les gens du gouvernement, de tous les partis politiques, seront payés au Smic, on pourra être solidaires avec eux », estime François, conducteur de tram, délégué syndical FO UNCP Semitag.
« On n’a jamais vu cette place aussi pleine ! », se réjouissent Jean-Christophe et Yves, des collègues de travail de François, également mobilisés contre la loi El Khomri.
« Si chacun défile sous son propre drapeau, c’est la division. Il faut qu’on soit tous d’accord pour les déposer et manifester tous ensemble, unis », juge Babeth Criminesi (au centre de la photo).
Pour Pascal Chassigneux, « c’est la grève contre ce gouvernement corrompu ».
« On voudrait que chaque citoyen sorte pour manifester », ajoute Cyril Crichah.
Un cycliste observe les feuilles scotchées par les manifestants sur un panneau d’affichage de la mairie de Grenoble. Sur l’une d’elles, un slogan contre la ministre du Travail : « El connerie ».
Pour Clément, stagiaire dans la fonction publique, « l’objectif du patronat est de diviser les travailleurs […] Cette manifestation du 9 mars permet de prendre conscience de notre capacité de rassemblement. »
« On a mis des décennies pour avoir des garanties inscrites dans le Code du travail, rappelle Yves Gérin-Mombrun, directeur d’école maternelle. On risque de les perdre avec cette loi taillée pour le patronat. »
« La Gauche en colère contre le PS », « Pour que nos enfants et petits-enfants ne deviennent pas des esclaves au travail », « La rentabilité rend la bile irritée », « Murs blancs = peuple muet »…
Kevin Ortuno, cinéaste, se sent très concerné : « Je suis en recherche d’emploi, comme plusieurs personnes de mon entourage. C’est pour ça que je suis venu aujourd’hui revendiquer le droit au travail. »
Pour Sahbi Hammada, auteur, réalisateur et photographe, cette manifestation s’inscrit dans la continuité de celles de 2006. « Je ne lâche pas la future génération ! On a un héritage et il faut le préserver. »
« Vous pouvez m’appeler Père Bordel. Comme Père Noël, mais à l’inverse ! Plus sérieusement, je suis là pour lutter pour le retrait de cette loi ! Et je suis pour le syndicalisme à tête dure ! »
Photos et témoignages : Yuliya Ruzhechka