Actualité

Cellule cancéreuse du poumon © Anne Weston LRI-CRUK Wellcome-Images

Cancer : une équipe gre­no­bloise pri­mée pour ses recherches en épigénétique

Cancer : une équipe gre­no­bloise pri­mée pour ses recherches en épigénétique

FOCUS – L’équipe de Saadi Khochbin, direc­teur de recherche à l’ins­ti­tut Albert Bonniot à Grenoble, a récem­ment reçu de la fon­da­tion Arc le prix « Équipe à l’hon­neur ». Un prix qui récom­pense quinze années de tra­vail sur le can­cer du pou­mon. Et la décou­verte que l’ac­ti­vité anor­male de cer­tains gênes est asso­ciée au carac­tère agres­sif de ce type de can­cer. Une avan­cée majeure dans la com­pré­hen­sion et la prise en charge de ce fléau.

Cellule cancéreuse du poumon © Anne Weston LRI-CRUK Wellcome-Images

Cellule can­cé­reuse du pou­mon. © Anne Weston LRI-CRUK Wellcome-Images

Le nombre de can­cers du pou­mon pour la seule année 2015 en France ? 45.200. Un nombre qui pour­rait bien dimi­nuer grâce aux décou­vertes de l’é­quipe de Saadi Khochbin, direc­teur de recherche au CNRS et à l’ins­ti­tut Albert Bonniot, à Grenoble

Cette équipe, qui a pu pro­fi­ter d’une sub­ven­tion de 280.000 euros sur trois ans de la fon­da­tion Arc (voir enca­dré), vient de rece­voir le prix « Équipe à l’honneur ». Créé en 2008, ce prix récom­pense ses tra­vaux de recherche de tout pre­mier plan dans le domaine de l’é­pi­gé­né­tique, nou­veau champ de recherche qui a pour objet de com­prendre le fonc­tion­ne­ment et le dys­fonc­tion­ne­ment des gènes.

« Ce prix est plus une recon­nais­sance et un encou­ra­ge­ment par les pairs qu’un réel apport finan­cier [10.000 euros, ndlr]. C’est l’a­bou­tis­se­ment d’une quin­zaine d’an­nées de tra­vail qui est récom­pensé, estime Saadi Khochbin. Les recherches sont finan­cées par des sub­ven­tions de l’État. Rendre nos résul­tats visibles est un juste retour des choses, et per­met d’in­for­mer le public qui contri­bue de façon indi­recte au finan­ce­ment de nos recherches ».

« On va mettre des petits dra­peaux au niveau des gènes »

« Dans chaque noyau de cel­lule, 25.000 gènes coha­bitent. Toutes les cel­lules ont donc le même patri­moine géné­tique. Mais parmi ces gènes, seuls cer­tains sont acti­vés », explique Saadi Khochbin.

Saadi Khochbin, directeur de département à l'Institut Albert Bonniot, mène des travaux dans le domaine de l'épigénétique.

Saadi Khochbin, direc­teur de recherche à l’ins­ti­tut Albert Bonniot.

Lesquels ? Cela dépend de leur rôle dans l’or­ga­nisme. « La ques­tion prin­ci­pale est de savoir com­ment ces cel­lules vont recon­naître la par­tie de leurs gènes à acti­ver dans leur patri­moine géné­tique et les faire fonc­tion­ner de façon régu­lée », pour­suit Saadi Kochbin.

L’activation des gènes dépend d’un sys­tème de signa­li­sa­tion com­plexe avec la mise en place d’un bali­sage réper­to­riant les gènes et leur région dans l’organisme.

« C’est comme des petits dra­peaux qu’on met sur les gènes des régions par­ti­cu­lières, pré­cise le cher­cheur. Dans les cel­lules can­cé­reuses, ce sys­tème de bali­sage change com­plè­te­ment. Ces ano­ma­lies géné­tiques sont dues à la muta­tion et à l’ac­ti­va­tion anor­male de cer­tains gènes. Certaines régions peuvent rece­voir des petits dra­peaux qui indiquent une fonc­tion erro­née. Quand il y a déré­gu­la­tion de ces sys­tèmes, ça ne fonc­tionne plus très bien, ce qui génère des mala­dies. »

Tout l’en­jeu est alors d’i­den­ti­fier les modi­fi­ca­tions appor­tées au sys­tème de régu­la­tion pour pou­voir y remé­dier. « On va mettre des petits dra­peaux au niveau des gènes, mais il faut faire un tra­vail préa­lable pour réper­to­rier ces dra­peaux, com­prendre quels sont les fac­teurs qui les mettent en place et quels sont ceux qui recon­naissent ces dra­peaux. » En d’autres termes, com­prendre com­ment cela fonc­tionne en temps nor­mal pour ensuite pou­voir com­pa­rer et iden­ti­fier des différences.

De la sur­ve­nue de tumeurs agressives

Ce sont au total vingt-six gènes qui sont acti­vés de façon anor­male. « Ces pro­grammes acti­vés dans d’autres cel­lules, de manière aber­rante du fait de dérè­gle­ments épi­gé­né­tiques, sont à l’origine d’une repro­gram­ma­tion géné­tique res­pon­sable de la sur­ve­nue de tumeurs agres­sives », pré­cise Sophie Rousseaux, col­la­bo­ra­trice de Saadi Kochbin.

Collaboratrice de Saadi Khochbin, qui mène des travaux dans le domaine de l'épigénétique. DR

Sophie Rousseaux. DR

En théo­rie, ces gènes ne devraient être actifs que dans la for­ma­tion des sper­ma­to­zoïdes et du pla­centa, cel­lules dif­fé­rentes aux pro­prié­tés propres. Mais dans les faits, il en est autre­ment. C’est là que l’é­tude de la sper­ma­to­ge­nèse entre en jeu.

Le pro­blème ? Les fac­teurs qui devraient être propres aux cel­lules sper­ma­to­zoïdes se retrouvent de façon sys­té­ma­tique dans les formes agres­sives de can­cers. « Leur pré­sence dans un envi­ron­ne­ment autre que leur contexte de base joue un rôle impor­tant dans la genèse du can­cer », assure Saadi Khochbin. Ces cel­lules tumo­rales uti­lisent les capa­ci­tés des gènes des sper­ma­to­zoïdes. En les acti­vant dans d’autres cel­lules, ces gènes leur four­nissent de nou­velles pro­prié­tés, notam­ment la capa­cité d’es­sai­mer dans l’organisme.

« Maintenant, dès qu’on détecte un tel fac­teur, on peut se dire qu’il y a quelque chose qui ne va pas », com­plète Sophie Rousseaux. Ces vingt-six gènes sont ainsi des bio­mar­queurs qui per­mettent de mieux iden­ti­fier la viru­lence du can­cer. Reste que pour pré­ve­nir son agres­si­vité, les cher­cheurs doivent com­prendre ce qui est à l’o­ri­gine de ces dérégulations.

Cassandre Jalliffier

En ville, le diesel pollue car le filtre à particules est souvent inopérant. Pollution carbone

DR

POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE ET CANCER DU SEIN : DES LIAISONS DANGEREUSES ?

La fon­da­tion Arc a lancé un appel à pro­jet nommé « Canc’Air – Prévention des can­cers liés à l’exposition aux pol­luants de l’air » en 2015. Objectif : avoir une meilleure com­pré­hen­sion des méca­nismes par les­quels les pol­luants favo­risent l’apparition des tumeurs loca­li­sées à des endroits pré­cis (sein, tête et cou, sang, etc.).

Quatre pro­jets ont été sélec­tion­nés, parmi les­quels celui du Dr Pascal Guénel du Centre de recherche en épi­dé­mio­lo­gie et santé des popu­la­tions à Villejuif, en col­la­bo­ra­tion avec l’équipe du Dr Rémy Slama de l’institut Albert Bonniot. Ensemble, ils cher­che­ront à carac­té­ri­ser les liens entre l’ex­po­si­tion à la pol­lu­tion atmo­sphé­rique et le risque de can­cer du sein.

Selon le rap­port de l’OMS publié le 15 mars der­nier, chaque année, 12,6 mil­lions de décès dans le monde seraient liés à l’exposition à des pol­luants envi­ron­ne­men­taux, dont 8,2 mil­lions à la pol­lu­tion atmo­sphé­rique. Parmi les mala­dies incri­mi­nées par le rap­port de l’OMS, le can­cer figure en deuxième posi­tion après les mala­dies car­dio­vas­cu­laires, avec 1,7 mil­lion de décès.

L’équipe de Saadi Khochbin inter­vien­dra sur la recherche des modi­fi­ca­tions épi­gé­né­tiques qui pour­raient être impli­quées dans la sur­ve­nue de can­cers du sein.

La Fondation Arc veut soi­gner deux can­cers sur trois

Sur les 385.000 nou­veaux cas de can­cers diag­nos­ti­qués en France en 2015 (source Inca 2016), 40 % auraient pu être évi­tés. La pré­ven­tion des can­cers est ainsi au cœur de la stra­té­gie de la fon­da­tion Arc, qui vise à gué­rir deux can­cers sur trois d’ici dix ans.

En France et à l’international, cette fon­da­tion iden­ti­fie, sélec­tionne et met en œuvre des pro­grammes de recherche cou­vrant l’ensemble des champs de la can­cé­ro­lo­gie : recherche fon­da­men­tale, trans­la­tion­nelle et cli­nique, épi­dé­mio­lo­gie, sciences humaines et sociales. Elle fédère les acteurs de la lutte contre le can­cer et aiguille la recherche pour déve­lop­per des appli­ca­tions béné­fi­ciant aux patients.

Sur les dix der­nières années, la fon­da­tion Arc a sélec­tionné, en région Rhône-Alpes, 480 pro­jets de recherche pour un mon­tant de près de 30 mil­lions d’euros.

CJ

Auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

A lire aussi sur Place Gre'net

Recherche et création vidéoludique: Grenoble accueille sa dixième édition de la Scientific Game Jam
Recherche et créa­tion vidéo­lu­dique : Grenoble accueille sa dixième édi­tion de la Scientific Game Jam

FLASH INFO - L'auditorium de Grenoble-INP, situé au cœur de Minatec, accueille (de nouveau) la Scientific Game Jam, du vendredi 5 au dimanche 7 avril Lire plus

La ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau, était en visite à Grenoble pour donner le coup d'envoi du programme de recherche France 2030 en intelligence artificielle. © Joël Kermabon - Place Gre'net
Grenoble : Sylvie Retailleau lance un pro­gramme pour la recherche dédiée à l’in­tel­li­gence artificielle

REPORTAGE VIDÉO - Sylvie Retailleau, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, a donné le coup d'envoi du programme de recherche France 2030 en Lire plus

Le Synchrotron de Grenoble passe au crible "Il Cannone", le célèbre violon de Paganini
Le Synchrotron de Grenoble passe au crible Il Cannone, le célèbre vio­lon de Paganini

FLASH INFO - Après les papyrus d'Égypte antique ou Le Cri d'Edvard Munch, le Synchrotron de Grenoble s'est penché samedi 9 et dimanche 10 mars Lire plus

Journée des maladies rares: le CHU Grenoble-Alpes revendique de nouvelles structures labellisées
Journée des mala­dies rares : le CHU Grenoble-Alpes reven­dique de nou­velles struc­tures labellisées

FLASH INFO - Le jeudi 29 février marquera la Journée internationale des maladies rares, une date en forme de clin d’œil puisqu'elle-même ne survient que Lire plus

Lancement officiel du pôle de compétitivité Infra2050, soutenu par la Région Auvergne-Rhône-Alpes
Lancement offi­ciel du pôle de com­pé­ti­ti­vité Infra2050, sou­tenu par la Région Auvergne-Rhône-Alpes

FLASH INFO - Le pôle de compétitivité Infra2050 a été officiellement lancé le jeudi 8 février 2024. Réunissant les réseaux Ecorse-TP, Indura et l'institut Irex, Lire plus

Des chercheurs grenoblois identifient une protéine responsable des métastases dans le cancer du sein
Cancer du sein : des cher­cheurs gre­no­blois iden­ti­fient une pro­téine res­pon­sable des métastases

FLASH INFO - Une étude réalisée par une équipe franco-américaine impliquant l'Institut pour l'avancée des biosciences de Grenoble indique avoir découvert une protéine responsable du développement Lire plus

Flash Info

|

24/04

18h58

|

|

24/04

11h01

|

|

21/04

20h48

|

|

21/04

18h12

|

|

19/04

20h52

|

|

19/04

20h24

|

|

18/04

17h28

|

|

17/04

23h47

|

|

17/04

15h53

|

|

17/04

12h58

|

Les plus lus

Société| Après Un Bon Début, le gre­no­blois Antoine Gentil pré­sente sa méthode édu­ca­tive « star­ter » avec son livre Classe réparatoire

Société| Grenoble, sixième ville « où il fait bon vivre avec son chien », selon 30 mil­lions d’amis

Économie| Le salon Mountain Planet de retour à Alpexpo Grenoble, avec la visite de la ministre Dominique Faure

Agenda

Je partage !