FOCUS – À quelques mois du départ pour la terre des sherpas, les cinq étudiants grenoblois de Tri-Haut pour l’Everest s’activent pour créer un centre de recyclage à Pangboche, tout près de l’Everest népalais. Que ce soit sur les plans technique, logistique et financier, ces jeunes bientôt diplômés ingénieurs ou architectes sont bien décidés à mettre leur projet à exécution. La construction du centre doit débuter en 2024.
En 2020, Tri-Haut pour l’Everest n’était encore que l’espoir balbutiant de jeunes étudiants désireux de répondre au défi environnemental posé par la question des déchets. Trois ans plus tard, ce projet de construire le premier centre de recyclage au pied de l’Everest est à l’aube de se concrétiser. La première pierre devrait en effet être posée courant 2024 dans la ville népalaise de Pangboche, le dernier gros village avant le départ de l’ascension du plus haut sommet du monde.
Les acteurs engagés dans l’association Tri-Haut pour l’Everest ? Trois étudiants ingénieurs de l’Ense31Ecole d’ingénieure de l’énergie, de l’eau et de l’environnement de Grenoble , issus de la troisième promotion ayant repris le flambeau, et deux élèves de l’Ensag, l’école d’architecture de Grenoble, tous bien décidés à mettre leur expertise au service de ce projet. « Nous partons fin janvier 2024, pour rester cinq mois là-bas », explique, ravie, Clémence Sangouard, étudiante à l’Ense3 et nouvelle présidente de l’association.
Mais pourquoi faire neuf heures de vol pour s’engager dans le domaine environnemental ? « Les trois fondateurs du projet ont vu un documentaire [Everest green, un film du réalisateur Jean-Michel Jorda, ndlr], qui les a alertés sur les montagnes de déchets plastiques présentes dans la vallée de l’Everest », expose Clémence Sangouard.
Des machines pour broyer, presser, tordre le plastique
Plastiques, papiers, objets électroniques et déchets sanitaires amassés constituent une énorme « décharge à ciel ouvert [qui] pollue les sols, les nappes phréatiques et les cours d’eau », selon l’association Tri-Haut. A quoi s’ajoute des problèmes sanitaires dont sont victimes les populations locales, pour la plupart en situation déjà très précaire.
Les habitants de Pangboche soutiennent donc la démarche des étudiants, qui disposent d’ailleurs de plusieurs autres compagnons de cordée dans cette expédition : des architectes et ingénieurs français et népalais, mais aussi des associations et intermédiaires locaux dont plusieurs s’évertuent déjà à ramasser le plus de déchets possibles… sans être capables toutefois d’assurer un nettoyage en profondeur face à l’ampleur de la tâche. Tous saisissent donc l’urgence de la situation.
Pour pallier ce problème, pourquoi ne pas transformer ces déchets sur place ? Les étudiants ont donc imaginé plusieurs machines permettant de broyer, presser ou tordre le plastique. L’objectif étant de fabriquer pour les habitants non seulement des matériaux isolants, grâce à la polyfloss, mais aussi du fuel et du gaz, via la pyrolyse à plastique, ou bien de créer toutes sortes d’objets fonctionnels avec la presse à feuilles plastiques (Sheetpress), comme des tuiles pour les habitations locales.
Tri-Haut pour sensibiliser le tourisme de masse à l’impact environnemental
Cet espace de recyclage visent les touristes, en grande partie responsables de la dégradation environnementale dans ce lieu reculé du monde. Nos confrères de RFI ont ainsi chiffré à 454 le nombre de permis pour l’ascension de l’Everest en 2023. Un record pour le Népal. À la merci du tourisme, devenu l’une de ses principales sources de revenus2Chaque alpinisme étranger rapporterait 10 000 € à l’Etat népalais., le pays essaie ainsi de rattraper le gros manque à gagner subi durant la période du Covid 19.
« Nous voulons aménager un espace de sensibilisation à l’environnement pour ces touristes avec des informations sur la gestion des déchets au Népal », explique Clémence Sangouard. À ceci s’ajouterait un salon de thé, chauffé grâce au gaz produit par la pyrolyse.
Pour l’heure, les machines déjà construites par les participants précédents de Tri-Haut pour l’Everest dorment tranquillement à Katmandu, où elles n’attendent que leur transport en pièces détachées sur le site de Pangboche, à 4 000 mètres d’altitude. Un joli dénivelé qui les obligera à utiliser des yacks, le moyen de transport local, mais aussi sans doute des hélicoptères et des jeeps… « si le bilan carbone est négligeable par rapport au reste du projet », prend soin de préciser l’équipe de Tri-haut pour l’Everest.
Un centre de recyclage adapté aux besoins des locaux
Cette contrainte s’ajoute aux nombreuses missions que se sont assignées les cinq nouveaux participant actifs cette année. « Notre objectif est de finir l’érection du bâtiment [accueillant le centre de recyclage, ndlr] et de monter la dernière machine : la pyrolyse à plastique », annonce avec énergie Clémence Sangouard.
Outil très peu fabriqué et, qui plus est, seulement commercialisé à l’échelle industrielle – un format incompatible avec les besoins de leur centre de recyclage –, la pyrolyse est bien plus complexe à réaliser que le reste puisqu’aucun plan ne peut les aiguiller. « Nous voulons que notre pyrolyse soit petite, facilement utilisable et surtout réparable directement là-bas », indique Clémence Sangouard.
À long terme, une personne employée sur place contrôlerait et entretiendrait le centre. Un encrage local cher aux yeux des créateurs, qui réadaptent leurs idées et propositions en fonction des attentes des habitants. « Nous envisagions par exemple d’installer une douche avec de l’eau chauffée par nos machines », se remémore Clémence Sangouard. « Mais nous avons abandonné l’idée parce que cela aurait fait de la concurrence aux locaux qui vivent en hébergeant les touristes dans des lodges, des logements avec douche justement. »
Des dons en ligne possibles jusqu’à début septembre 2024
Et côté budget ? « Une partie relève d’autofinancement pour les frais personnels d’hébergement, de transport, d’alimentation », énumère l’étudiante de 22 ans. Une autre vient de la mairie de Grenoble, des centres de déchets, de la fondation Grenoble INP ou encore de bourses gagnées grâce à des concours comme le projet planète Wweeddoo.
Ces jeunes, décidément plein d’ingéniosité, ont également récolté 1 500 € en organisant pour la troisième fois consécutive l’Everestille, une course qui consiste à monter la Bastille autant de fois que nécessaire pour égaler les 8 848 mètres de dénivelé de l’Everest. À savoir… 33 fois !
À six mois du grand départ, ils comptent aussi sur la générosité des donneurs privés pour financer leur projet dans les meilleures conditions, via une cagnotte en ligne. Objectif : atteindre 11 000 € d’ici début septembre 2024.