FLASH INFO – Le tribunal administratif de Grenoble dit non à l’écriture inclusive dans les documents officiels de l’Université Grenoble-Alpes. Dans un jugement rendu le 11 mai 2023, les juges ont ainsi décrété l’annulation d’une délibération adoptée en juillet 2020, concernant le statut du service des langues, au motif que des articles y étaient rédigés en utilisant (beaucoup) le point médian.
La demande en annulation provenait d’un professeur d’anglais de l’Université Grenoble-Alpes, ceci dans le cadre d’une procédure pour « excès de pouvoir » de la part de l’administration. Une démarche contestée par l’UGA, pour qui le plaignant n’avait pas d’intérêt à agir. Le tribunal administratif n’est pas allé dans le sens de l’université, en considérant que l’enseignant, dès lors que la délibération “inclusive” crée le service auquel il appartient, est en droit de contester en justice l’adoption du texte.
Concernant l’écriture inclusive proprement dite, le tribunal estime que « l’usage d’un tel mode rédactionnel a pour effet de rendre la lecture de ces statuts malaisée alors même qu’aucune nécessité en rapport avec l’objet de ce texte, qui impose, au contraire, sa compréhensibilité immédiate, n’en justifie l’emploi ». En somme, « ce type de rédaction porte en l’espèce atteinte à l’objectif constitutionnel de clarté et d’intelligibilité de la norme ».
En revanche, le tribunal administratif n’accède pas à la demande du plaignant, qui souhaitait que l’UGA soit contrainte, sous astreinte, « de saisir le conseil d’administration afin qu’il approuve de nouveaux statuts rédigés sans marques d’écriture “inclusive” ». De même, si l’UGA a pour obligation d’afficher et publier en interne la décision de justice, il ne lui est pas demandé de la publier sur son site Internet, comme le réclamait l’enseignant (voir encadré).
L’écriture inclusive est un objet de débat politique au sein des institutions. Le syndicat étudiant de droite Uni avait ainsi salué le rejet de cette graphie par la Région Auvergne-Rhône-Alpes, et appelé l’UGA à faire de même. La Ville de Grenoble a, pour sa part, adopté officiellement l’écriture inclusive en 2019. Ou presque ? Une lecture de ses récents arrêtés permet de voir que celle-ci n’est pas pratiquée dans les textes administratifs… probablement pour éviter des déboires juridiques.
Une délibération promptement modifiée
L’UGA a procédé très rapidement au “nettoyage” de toute trace d’écriture inclusive dans la délibération concernée. La lecture du document, et la comparaison avec des extraits cités par le tribunal, permettent en effet de constater que l’usage du point médian y a totalement disparu.
De plus, l’UGA propose un lien vers le jugement du tribunal administratif, à côté de celui de la délibération incriminée. Mais contrairement au jugement publié sur le site Internet du tribunal, le texte proposé par l’université n’anonymise pas le nom du professeur d’anglais requérant.
Une réflexion sur « Le tribunal administratif de Grenoble annule une délibération de l’UGA pour cause d’écriture inclusive »
1) Félicitations à Florent Mathieu. Article concis et objectif. Pas lu mieux dans la presse nationale, et encore moins sur les sites très marqués politiquement.
2) Pas grave que le jugement publié par l’UGA ne soit pas anonymé. J’assume publiquement ma démarche, sans honte.
3) Il n’est pas inutile de rappeler quelle a été l’étendue de la concertation en interne au printemps 2020, sur ce sujet très précis de l’usage dans un document réglementaire de l”« écriture inclusive », qui n’a d’inclusive que le nom : « Moi : — On est obligé d’utiliser cette écriture ? Rédactrice : — Oui, ça vient du haut. » Fin de la conversation. Enfin pas tout à fait, justement : j’ai fait en sorte que cette conversation se poursuive au tribunal. Le haut a récolté ce qu’il a semé.
4) Suggestion de lecture comparée pour les plus passionnés : les statuts des UFR LE et LLASIC d’une part, et de l’IREM d’autre part — tous adoptés le 13 octobre 2022.