FOCUS – Malgré l’adoption définitive de la réforme des retraites, lundi 20 mars 2023, suite au rejet des deux motions de censure (à neuf voix près) par l’Assemblée nationale, la mobilisation ne faiblit pas dans l’agglomération grenobloise. Barrages filtrants, tractages, blocages, piquets de grève, rassemblements… Manifestants et syndicats ont de nouveau multiplié les actions tout au long de la journée, ce mardi 21 mars, avant la manifestation aux flambeaux, le soir, dans les rues de Grenoble.
« Ce n’est pas ça qui va nous faire taire ! » Karen Mantovani, déléguée syndicale CGT à la CPAM de l’Isère, l’assure, sa « rage » est intacte et même « renforcée ». Déjà montée d’un cran après le recours au 49.3, la colère des manifestants n’est pas retombée, ce mardi 21 mars, au lendemain du rejet par l’Assemblée nationale des deux motions de censure (à neuf voix près) déposées contre le gouvernement, synonyme d’adoption de facto de la réforme des retraites. Ceux-ci ont ainsi multiplié les actions tout au long de la journée dans l’agglomération grenobloise.
Comme la veille, l’intersyndicale a organisé plusieurs barrages filtrants, dès 7 heures. À la Porte de France, les manifestants ont disposé des palettes sur la route et les voies du tram E. Idem à Gières où une vingtaine de personnes ont bloqué la sortie de la rocade sud, rue de la Condamine, distribuant des tracts aux automobilistes. Opérations de tractage également au rond-point du Rafour, à Crolles, sur le pont de Catane, côté Seyssinet-Pariset, ainsi qu’à proximité du campus de Saint-Martin-d’Hères.
Des kilomètres de bouchons autour de Grenoble mais un accueil « plutôt positif »
Conséquences de ces blocages : d’importants ralentissements et embouteillages tout autour de Grenoble et une circulation totalement bloquée, en début de matinée, aux différentes entrées de la capitale des Alpes. Peu avant 9 heures, Bison fûté totalisait ainsi près de 6 kilomètres de bouchons sur l’A480, dans le sens Nord-Sud. Même constat sur la rocade sud avec plus de 9 kilomètres de bouchons entre Grenoble et Gières. Quant à l’A41, on y circulait aussi au ralenti dans le sens Chambéry-Grenoble.
Si les manifestants ont bien sûr été confrontés à quelques gestes d’humeur de la part des automobilistes, la plupart se félicitaient néanmoins d’un accueil « plutôt positif », à l’instar de Renaud, présent à la Porte de France. « On a eu beaucoup de klaxons et cris d’encouragement », raconte-t-il. « Certains parlaient même un peu avec nous par la fenêtre et nous disaient de tenir bon, de continuer à nous mobiliser à leur place car eux ne pouvaient pas faire grève. »
Le trentenaire l’affirme, « par rapport à d’autres blocages ou mouvements sociaux précédents, là on sent que plein de gens soutiennent la contestation ». Et donc, traduction logique, que « la réforme est très impopulaire. Je ne sais pas si Macron et les macronistes se rendent bien compte du rejet de la loi par la population et de la détestation qu’ils suscitent de plus en plus », s’étonne Renaud.
Piquet de grève sur le parvis de la CPAM
Si les barrages filtrants ont pris fin dans le calme, en milieu de matinée – peu après 9 h 30 à la Porte de France et peu avant 10 h 30 à Gières -, permettant à la circulation de reprendre progressivement, d’autres actions ont suivi, partout dans l’agglomération. Illustration sur le parvis de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de l’Isère, rue des Alliés, où une vingtaine d’agents tenaient un piquet de grève, à l’appel de la CGT et FO.
Ces salariés luttent à fois contre la réforme des retraites et contre la dégradation de leurs conditions de travail, ces différentes revendications étant, selon eux, étroitement liées. « Ça fait un long moment qu’on est mobilisés pour obtenir une augmentation de la valeur du point », explique Karen Mantovani. « On n’avait pas été augmentés depuis dix ans, ils nous ont filé des miettes pour qu’on se taise, 3,5 %, ce qui ne couvre même pas l’inflation. Et, par-dessus, se rajoute la réforme des retraites. »
« Honte à ce gouvernement ! »
L’agent d’accueil et syndicaliste CGT pointe en effet les spécificités de la CPAM de l’Isère, avec « une majorité de “nanas” », premières victimes, d’après elle, de cette réforme. « On est 86 % de femmes. Quand on passe à la retraite, on prend 40 % dans la tête », déplore-t-elle. « Pour les salariés des organismes sociaux1(CPAM, Caf, Pôle Emploi, Urssaf, régies de quartier, mutuelles), augmenter les salaires permettrait de financer correctement la Sécurité sociale et donc une partie de la retraite. Il y a un lien direct. »
Karen Mantovani dénonce en outre « les pratiques utilisées délétères » et « la répression policière envers la population. C’est lamentable. Honte à ce gouvernement ! », s’exclame-t-elle. Le piquet de grève de ce mardi s’inscrit par ailleurs dans un mouvement global, soulignent les syndicats. « On a lancé un référendum pour les salariés, une lettre ouverte qu’on va lire demain [mercredi] au CSE, on va faire un point avec les salariés sur les avancées », détaille Sophie Perez, déléguée syndicale FO. « Et on continuera jusqu’au retrait définitif de la réforme des retraites. »
Un pique-nique revendicatif avec de nombreux salariés de la Presqu’île
Après les blocages et barrages filtrants des premières heures, les opposants à la réforme ont également organisé d’autres actions en fin de matinée et en milieu de journée, ce mardi 21 mars. Avec, de nouveau, des rendez-vous simultanés en plusieurs points de l’agglomération. Ce qui « permet aux gens de se mobiliser près de chez eux ou sur leur lieu de travail » et « montre aussi qu’on est actifs sur tous les fronts », indique Renaud.
Après avoir distribué des tracts dans les entreprises du Grésivaudan et au rond-point du Rafour à Crolles, l’intersyndicale s’est ainsi réunie sur ce dernier lieu – surnommé « rond-point des Gilets jaunes » – vers 11 heures, pour un meeting unitaire. Au même moment ou presque, à partir de midi, une grosse centaine de manifestants, syndiqués et non syndiqués, se sont rassemblés, place de la Résistance, sur la Presqu’île scientifique, pour un pique-nique revendicatif.
Parmi eux, une majorité de salariés travaillant sur la Presqu’île, comme l’a attesté le mini-sondage à main levée effectué sur place. Un détail peut-être mais « loin d’être anodin », estime Marc, chercheur – qui ne souhaite pas dévoiler le nom de son employeur. « Le gouvernement prétend souvent que seuls les fonctionnaires et les étudiants se mettent en grève. Du coup, c’est important de montrer qu’il y a aussi beaucoup d’ingénieurs, de chercheurs, de techniciens scientifiques qui refusent cette réforme des retraites. »
Manifestations en ligne de mire, en plus des différentes actions
Tandis que la plupart des manifestants finissaient leur pique-nique, dans l’herbe, une dizaine d’entre eux ont organisé un barrage filtrant sur le pont d’Oxford, dans les deux sens de circulation, pour distribuer des tracts – mais cette fois sans bloquer réellement le trafic. Le rassemblement s’est ensuite achevé dans le calme, en début d’après-midi.
Sur la place de la Résistance, comme lors des différentes actions de la journée, tous se sont donné rendez-vous pour les deux prochains temps forts de la mobilisation. D’abord ce mardi 21 mars à 19 heures, place Hubert-Dubedout, pour la manifestation aux flambeaux. Puis jeudi 23 mars, pour la prochaine journée d’action nationale, avec une manifestation partant à 14 heures de l’avenue Alsace-Lorraine.
Des cocktails Molotov lancés sur la préfecture de l’Isère
Dans la nuit du samedi 18 au dimanche 19 mars 2023, plusieurs cocktails Molotov ont été lancés sur le bâtiment de la préfecture de l’Isère, place de Verdun, à Grenoble. L’un de ces engins incendiaires « a occasionné des dégâts matériels sur la façade », précise le préfet, dans un communiqué.
Ce dernier « condamne fermement ces actes, visant un symbole de nos institutions républicaines et qui auraient pu avoir des conséquences beaucoup plus importantes ». Même réaction de la part d’Éric Piolle, qui « condamne avec la plus grande fermeté ces actes déplorables ».
« La Ville de Grenoble apporte son soutien aux équipes de la préfecture de l’Isère », ajoute le maire. « Qu’ils soient en rapport ou non avec l’opposition à la réforme des retraites, ces agissements nuisent au mouvement social historique en cours », déplore l’édile.
Le préfet de l’Isère indique par ailleurs « qu’une enquête est en cours pour identifier le ou les auteur(s) de ces actes pénalement répréhensibles ».