ÉVÉNEMENT – Jusqu’au 8 avril 2023, l’Ancien Musée de peinture de Grenoble ouvre ses portes à “Douce France”, un panorama de la chanson française issue de l’immigration maghrébine et subsaharienne. De quoi rendre hommage à de nombreux artistes, en écartant clichés folkloriques et visions réductrices.
“Douce France” : c’est d’abord le titre d’une chanson de Charles Trénet, sortie en 1943. Un titre repris à son compte par le groupe Carte de Séjour et son leader, le Franco-Algérien Rachid Taha, en 1987. Aujourd’hui, ce même titre est celui d’une exposition à l’Ancien Musée de peinture de Grenoble, place de Verdun. Un événement organisé dans le cadre du festival des Détours de Babel, en partenariat avec des institutions nationales comme le Conservatoire national des arts et métiers et l’Institut national de l’audiovisuel.
Qu’en attendre ? Jusqu’au 8 avril, “Douce France” évoque avec une belle sincérité quatre décennies de musique(s) dans la vie de notre pays. La musique des communautés immigrées d’Afrique du Nord, notamment présentes en France après les décolonisations. La musique d’une scène interculturelle, ensuite, représentée justement par des artistes comme Rachid Taha. Celle des cultures urbaines émergentes, enfin, avec un regard porté sur les banlieues.
Une ouverture sur le contexte politique
Bien qu’assez petite, l’exposition offre l’occasion de beaucoup apprendre sur tout un pan de notre vaste histoire culturelle. De quoi y passer une bonne heure, au moins ! Elle défend par ailleurs un point de vue clair, à savoir que des artistes d’autres cultures font désormais partie intégrante du patrimoine français.
Mais “Douce France” ne montre pas un visage lisse de la nation depuis les années 1960. Elle évoque aussi les heurts entre les différentes composantes ethniques du pays et les différents âges de la lutte contre le racisme. Un regret toutefois : qu’elle ne développe pas son propos jusqu’à 2023.
Bonne initiative, en revanche : “Douce France” est ouverte à tous les publics, gratuite et accessible sans limitation d’âge. Elle est aussi interactive, avec des jeux et un espace “karaoké du bled”, pour chanter en français, en arabe et en kabyle.
Une certaine idée de la transmission culturelle
« Quand Rachid Taha est décédé en septembre 2018, j’ai été très sollicitée pour évoquer sa carrière et son legs, indique Naïma Huber-Yahi, historienne, l’une des deux commissaires (avec Myriam Chopin). C’est là que j’ai mesuré ce qu’il représentait du point de vue de la transmission de la richesse culturelle de l’immigration maghrébine. Cela m’a donné envie d’y réfléchir à l’échelle d’une exposition, avec ma collègue. »
Pas question de défendre l’image d’une culture uniforme : « Elle ne l’est pas et c’est aussi une culture de France. Les chansons que nous présentons ont été imaginées, enregistrées et diffusées depuis la France. Elles existent parce que le microcosme culturel français l’a permis. C’est en cela qu’elles participent au patrimoine des deux rives. Et aujourd’hui, les plus grands chanteurs de variétés sont issus de l’immigration nord-africaine ou subsaharienne : je pense à Aya Nakamura, Dadju, Maître Gims, Slimane ou Amel Bent. »
Les conditions d’accès
L’exposition est ouverte de 13 à 18 heures le mercredi et le vendredi. Le week-end de 10 heures à midi et de 15 heures à 19 heures. Entrée libre ou tarif de soutien (de 3 à 12 euros).