EN BREF – À Grenoble, le musée de l’Ancien Évêché ouvre, jusqu’au 3 septembre 2023, les portes de lieux généralement interdits au public. “Chartreuses”, sa nouvelle exposition, revient en effet sur l’histoire de l’ordre religieux des Chartreux, fondé à la toute fin du XIe siècle. Un monde de silence présenté au fil d’un remarquable ensemble de 31 tableaux monumentaux, patiemment restaurés.
Une exposition intitulée “Chartreuses” au musée de l’Ancien Évêché ? La coïncidence pourrait prêter à sourire. Mais après avoir présenté Moly-Sabata et les artistes cubistes rassemblés en Isère dès 1927, l’établissement de la rue Très-Cloîtres à Grenoble tourne aujourd’hui son regard vers une autre communauté : celle des Chartreux.
L’exposition, ouverte gratuitement jusqu’au 3 septembre 2023, est bien différente de la précédente. Cette fois, sur les cimaises, 31 toiles monumentales s’offrent au regard des curieux, chacune d’elles représentant un édifice religieux et, plus précisément, l’un des monastères européens de l’ordre des Chartreux.
D’où vient de nom de cet ordre ? Du “désert” de Chartreuse où un dénommé Bruno de Cologne, futur saint, s’est installé en 1084 avec six compagnons et a entamé une vie de prière. Le sous-titre de l’exposition Chartreuses, “Dans la solitude et le silence”, donne une petite idée de cette existence austère. Tout comme les tableaux présentés au musée de l’Ancien Évêché, qui permettent d’appréhender l’histoire de l’ordre au fil du temps.
Au total, les experts ont retrouvé 79 de ces œuvres étonnantes, communément appelées “cartes de Chartreuse”. Classé au titre des Monuments historiques, l’ensemble a été restauré pendant vingt ans. En 2002 et 2003, le musée de l’Ancien Évêché avait déjà reçu une exposition “Charteuses d’Europe” pour révéler à tous l’importance de la collection.
Des tableaux conçus… comme outils de contrôle
Le monastère de la Grande Chartreuse, fermé au public, est toujours le propriétaire de cet ensemble de grande valeur. C’est donc presque un privilège que d’avoir l’occasion de le redécouvrir aujourd’hui. L’occasion aussi de comprendre l’organisation et le fonctionnement d’un ordre séculaire, inscrit dans l’histoire du continent depuis près d’un millénaire.
Au passage, les curieux en apprendront davantage sur la personnalité de Dom Innocent Le Masson (1627−1703). Ce contemporain des rois Louis XIII et Louis XIV fut le prieur de la plus illustre des communautés. De son vivant, l’ordre était très dynamique, du fait de la contre-réforme catholique. De nouveaux monastères furent alors fondés, reconstruits, agrandis, transformés ou restaurés.
Les cartes témoignent du rayonnement de l’ordre des Chartreux, aux plans historique et spirituel. Mais elles ont aussi servi à l’autorité ecclésiastique pour vérifier que les constructions nouvelles étaient conformes aux textes réglementant la vie des moines. L’idée était qu’elles montrent plutôt un chantier qu’une juste représentation de la réalité. Le nom de la plupart des peintres qui les ont réalisées est d’ailleurs tombé dans l’oubli.
Sur certaines des toiles, le prieur n’a pas hésité à rayer les divers éléments architecturaux qu’il ne souhaitait pas voir réalisés. L’exposition “Chartreuses” se penche aussi sur les rapports de l’ordre avec le monde extérieur. Elle revient enfin sur la longue campagne de restauration menée pour sauver les cartes. Ce n’est pas la partie la moins fascinante.