FOCUS – Dans une enquête publiée ce jeudi 13 octobre 2022 par Mediapart, Laurent Wauquiez est épinglé pour ses « fastueux dîners » réunissant, dans des lieux de prestige, des personnalités du gotha économique, médiatique ou sportif régional, et surtout financés par l’argent public. Le dernier dîner organisé, le 23 juin dans un château du Beaujolais, par le président LR de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, aurait ainsi coûté près de 100 000 euros, soit plus de 1 100 euros par convive, aux frais du contribuable.
[Article mis à jour vendredi 14 octobre 2022, à 16 heures] Les contribuables d’Auvergne-Rhône-Alpes financent-ils sans le savoir les luxueux dîners organisés par Laurent Wauquiez avec le gratin régional ? C’est en tout cas ce que révèle, ce jeudi 13 octobre 2022, une enquête de Mediapart, qui n’a pas manqué d’épingler le président LR de la Région pour ses dîners VIP et ultra confidentiels, entièrement financés par l’argent public, selon le site d’investigation.

Laurent Wauquiez est accusé par Mediapart d’avoir organisé des dîners luxueux réunissant le gratin local, dans des lieux prestigieux, et financés par l’argent public. DR
Baptisé « le dîner des sommets », cet événement vise à « créer de grandes synergies entre les acteurs de la Région », d’après Laurent Wauquiez dont les propos sont rapportés par Mediapart. Le principe ? « Réunir dans un lieu de prestige des personnalités du cru (chefs d’entreprise, patrons de presse, sportifs, grands noms de la cuisine…) autour du chef de l’exécutif régional » – seul élu présent -, précise le média en ligne.
Grandes fortunes, patrons de presse, sportifs, dirigeants de start-up, artistes
L’enquête de nos confrères s’est penchée plus particulièrement sur le second et dernier dîner en date1le premier a eu lieu au printemps 2022, à l’Institut Paul-Bocuse, près de Lyon, qui s’est tenu le 23 juin dernier au château de La Chaize, dans le Beaujolais, propriété du millionnaire Christophe Gruy, patron du groupe lyonnais de construction Maïa. Un rendez-vous où étaient conviés quelque 90 invités de marque, triés sur le volet.
Autour de la table, on retrouvait ainsi le milliardaire Alain Mérieux, le propriétaire du château Christophe Gruy et sa famille, le PDG de GL Events Olivier Ginon, le tennisman Jo-Wilfried Tsonga, le skieur Alexis Pinturault, des patrons de presse comme Nicolas de Tavernost, président du directoire du groupe M6, ou Christophe Victor, directeur général du Dauphiné libéré, des chefs d’entreprise et de start-up, quelques artistes et des personnalités du monde associatif.
« Le coût total de ce dîner, qui a rassemblé environ 90 personnes, atteint un peu plus de 100 000 euros (…). Soit une addition finale de plus de 1 100 euros par convive, pas loin d’un Smic mensuel. »
Une soirée à l’addition particulièrement salée. Ainsi selon Mediapart, « le coût total de ce dîner, qui a rassemblé environ 90 personnes, atteint un peu plus de 100 000 euros, dont notamment près de 19 751,11 euros de traiteur et 45 435,67 euros de location de mobilier et de matériel son et lumière. Soit une addition finale de plus de 1 100 euros par convive, pas loin d’un Smic mensuel. »
Pourquoi une telle somme ? Car « le président de Région ne lésine pas sur les moyens », indique le site. Avant de détailler : « Invités escortés à bord de van de luxe pour parcourir quelques centaines de mètres seulement, apéritif au champagne dans les jardins à la française dessinés par Le Nôtre, dîner élaboré par l’Institut Paul-Bocuse avec service à la cloche – un serveur par convive -, bouteille de vin, pâtisserie et tire-bouchon siglé de la Région en cadeaux… »
La Région admet avoir pris en charge à 100 % la facture
Après avoir relaté plus en détail le menu et le déroulé de cette « soirée fastueuse », Mediapart a interrogé certains invités. Mais beaucoup se sont refusés à commenter le montant de la facture. « Savaient-ils que la soirée était financée sur fonds publics ? », s’interroge le média d’investigation. « Si la plupart avouent ne s’être pas posé la question, plusieurs se figuraient que des entrepreneurs avaient pu mettre la main à la poche. »

La Région a pris en charge à 100 % cette addition à 100 000 euros, sans aucun financement privé. DR
Dans un échange par mail avec le site d’informations, la Région Auvergne-Rhône-Alpes admet avoir pris en charge à 100 % cette addition à 100 000 euros, sans aucun financement privé, mais assure que « le coût du repas est de l’ordre de 165 euros par personne, le reste relevant globalement des coûts de logistique exceptionnellement liés au site ».
Sur quel budget ont été imputées ces dépenses ? (…) La question semble d’autant plus légitime que la Région a « récemment taillé dans les finances de la culture et que les lycées sont à la peine du fait de l’explosion de la facture énergétique », rappelle Mediapart.
Le but de ce « dîner des sommets » ? L’exécutif régional défend un événement qui « permet la mise en relation de personnalités issues de tous les horizons ». Mais Mediapart n’hésite pas à évoquer les ambitions politiques nationales de Laurent Wauquiez, « candidat favori de la droite pour la présidentielle 2027″.
Questionnée à ce sujet, l’une des invitées au dîner l’avoue d’ailleurs sans détour : « On n’est pas dupes. D’ailleurs, je me suis fait la remarque que son discours d’accueil n’était pas du tout tourné vers la Région. Il n’y a eu aucun temps de présentation des enjeux ou des politiques portées par le conseil régional. »

Selon Mediapart, l’objectif de ces dîners est clairement lié aux ambitions nationales de Laurent Wauquiez en vue de la présidentielle 2027. DR
Les trois journalistes auteurs de l’enquête, Sarah Brethes, Valentine Oberti et Antton Rouget, s’interrogent enfin sur la ligne budgétaire concernée par ces dépenses. Une précision qu’a refusé de fournir la Région. Pourtant, la question semble d’autant plus légitime que la collectivité a « récemment taillé dans les finances de la culture et que les lycées sont à la peine du fait de l’explosion de la facture énergétique », rappelle Mediapart. Plutôt gênant pour Laurent Wauquiez, qui se targue d’être le patron de « la région la mieux gérée de France ».
L’OPPOSITION SOCIALISTE « SE RÉSERVE LE DROIT DE SAISIR LA JUSTICE »
Le groupe Socialiste, écologiste et démocrate à la Région Auvergne-Rhône-Alpes a réagi par un communiqué, ce jeudi 13 octobre, aux révélations de Mediapart sur les dîners de Laurent Wauquiez.
« Que Laurent Wauquiez cultive et entretienne un réseau de personnalités est tout à fait entendable. Qu’il lui réserve des soirées « VIP » dans le cadre de ses ambitions présidentielles est compréhensible », écrit en préambule le groupe présidé par Najat Vallaud-Belkacem.
Avant d’attaquer : « En revanche, que ces mondanités soient intégralement financées par la Région, dans le plus grand secret et dans une opacité budgétaire totale, est non seulement déontologiquement scandaleux, mais aussi très douteux sur le plan de la légalité. »
« La pratique révélée par Médiapart confine au détournement d’argent public »
Rappelant que « selon plusieurs invités, il n’aurait jamais été question ni de la Région, ni des politiques régionales, lors de ces agapes », les élus d’opposition estiment que « la pratique révélée par Mediapart confine au détournement d’argent public ». Ils demandent « le remboursement de cette dépense au budget régional et évidemment, l’arrêt du financement public des prochaines rencontres d’ores et déjà annoncées ».
Le groupe Socialiste, écologiste et démocrate assure qu’il interrogera très prochainement Laurent Wauquiez à ce sujet, précisant qu’il ne sait pas « sur quelle ligne budgétaire ont été financées de telles dépenses ». En fonction de ses réponses, l’opposition « se réserve le droit de saisir la justice ».
« À l’heure où le président de Région fait voter des augmentations de tarifs pour les usagers des transports en commun, contraint les dépenses énergétiques des lycées, rabote les financements aux acteurs culturels, le « deux poids, deux mesures » avec le faste des dîners incriminés apparaît comme parfaitement indécent », concluent les élus, qui accusent Laurent Wauquiez de privilégier « son ambition personnelle aux détriment des Auvergnats-Rhônalpins ».
LES ÉLUS ÉCOLOGISTES PROCÈDENT À UN SIGNALEMENT AUPRÈS DU PROCUREUR
Le groupe d’opposition Les Écologistes à la Région Auvergne-Rhône-Alpes a, lui aussi, vivement réagi aux révélations de Mediapart, ce vendredi 14 octobre, dans un communiqué.
« Alors même qu’il se complait dans les leçons de bonne gestion de l’argent public et qu’il communique massivement (aux frais du contribuable) sur la “Région la mieux gérée de France”, les informations de Mediapart révèlent au grand jour l’hypocrisie de Laurent Wauquiez », ironisent les élus écologistes.
Et ces derniers d’ajouter : « L’austérité à l’encontre des acteurs associatifs, des lycées, des espaces naturels, des usagers des TER avec la hausse des tarifs n’atteint donc pas le train de vie hors sol du président de région qui préserve ce confort de l’entre-soi, financé par le contribuable. »
Les Écologistes demandent une transparence totale à Laurent Wauquiez
Le groupe d’opposition pointe notamment la « déconnexion totale avec le réel » dont témoignent ces dîners et s’interroge sur « la capacité du président de Région à comprendre le quotidien et les besoins des habitantes et habitants de notre région ».
« Aucune information n’a été faite auprès des membres du conseil régional sur ces événements », affirme par ailleurs le groupe, qui exige « la transmission pour chacun de ces événements des actes et décisions de l’ordonnateur accompagnés des justificatifs ».
Les élus écologistes demandent donc à Laurent Wauquiez « la transparence sur le coût de ces dîners, par la publication sur le site de la Région des documents demandés » ; « la transparence sur le motif de ces dîners et la justification de l’absence d’autre membre du conseil régional » ; enfin, « le remboursement de ces sommes indécentes », au regard de la politique d’austérité de l’exécutif régional.
Le groupe Les Écologistes prévient, il « alerte immédiatement la Chambre régionale des comptes et procède à un signalement auprès du procureur compétent ». Ceci, explique-t-il, « afin que soit levé tout soupçon de détournement de fonds publics et de prise illégale d’intérêt ».