FOCUS – Deux jours après le début de la polémique, le président de Grenoble-Alpes Métropole Christophe Ferrari adresse un communiqué aux « rédactions » pour répondre aux attaques sur l’utilisation présumée, à des fins personnelles, de son véhicule de fonction. Non sans menacer au passage la presse dans son ensemble de plaintes pour diffamation.
« Rétrospectivement, j’ai donc commis, sans caractère intentionnel, des erreurs par le passé, […] mais par méconnaissance du cadre légal. » Deux jours après la parution de l’article du Postillon sur l’utilisation, à des fins personnelles, de son véhicule de fonction, le président de la Métropole de Grenoble Christophe Ferrari a pris la plume et adressé sa réponse officielle aux « rédactions ». Des « rédactions » citées de façon très générale, accusées au passage de « se faire complaisamment l’écho de dénonciateurs intéressés ».
Celles-ci auraient dû, juge l’élu, « s’interroger sur les manipulations politiques que leur article véhicule ». Christophe Ferrari indique même se réserver « la possibilité de porter plainte à l’encontre de certaines rédactions pour diffamation ». Si Le Postillon semble (de nouveau) dans le viseur, le pluriel a‑t-il valeur de menace pour l’ensemble de la presse ?
Un premier signalement classé sans suite
Une chose est certaine : le traitement médiatique des accusations relayées par Le Postillon est au centre des préoccupations du président de la Métropole. Ainsi, si le communiqué se présente comme une réaction « suite à l’ouverture d’une enquête préliminaire », Christophe Ferrari indique bel et bien dans son introduction « [faire] suite aux articles de presse faisant état de deux signalements successifs au procureur de la République ».
Quid des faits ? Pour ce qui concerne le premier signalement, opéré par Yann Mongaburu, candidat malheureux à la présidence de la Métropole en 2020, celui-ci concernait « le non-paiement de [sa] part d’une contravention, faute d’en avoir eu connaissance », écrit Christophe Ferrari.
Et celui-ci d’invoquer des “raisons familiales”: une cheffe de cabinet, chargée de transmettre les courriers importants, qui « venait d’être maman » et en congé maternité, et un président de la Métropole lui-même absent suite à la naissance de ses deux enfants à l’étranger. « Cette contravention a été remboursée depuis », précise l’élu, en rappelant que le signalement a fait l’objet d’un classement sans suite.
Distinguo entre véhicule « de fonction » et « de service »
Le deuxième signalement, à l’origine de l’ouverture d’une nouvelle enquête, porte pour sa part sur des faits plus généraux et répétés. Celui-ci, prend soin d’écrire Christophe Ferrari, émane de son ancien chef de cabinet, « licencié quelques jours auparavant pour rupture de confiance au regard de son insuffisance professionnelle ». Le chef de cabinet avait, pour sa part, expliqué au Postillon avoir « quitté son poste » car il n’avait pas « la même notion de l’intégrité » que son employeur.
« L’attribution et l’usage que j’aurais fait du véhicule mis à ma disposition par la Métropole auraient été systématiquement abusifs depuis 2014 du fait d’utilisations en dehors du cadre d’un véhicule de service », écrit le président de la Métropole. Pour qui l’interprétation de la réglementation est en cause, avec un distinguo nécessaire à faire entre « véhicule de service » et « véhicule de fonction ».
« Le code général des collectivités territoriales ne précise pas si le véhicule mis à disposition des élus peut être utilisé uniquement pour des trajets professionnels (véhicules de service), ou si […] il peut être remisé au domicile des élus entre deux trajets professionnels (véhicule de fonction) ». Et Christophe Ferrari d’affirmer que le principe du véhicule de fonction « était l’évidence pour tout le monde ».
Mais une réponse ministérielle en mai 2021 aurait changé la donne. « Le ministère de l’Intérieur a considéré expressément qu’il ne pouvait s’agir que d’un véhicule de service et non de fonction », indique-t-il. Un changement de braquet contredisant des informations obtenues en 2014 de la part des services administratifs métropolitains. Ou même un rapport de la CRC de 2021, qui « n’a décelé aucune irrégularité sur l’usage du véhicule ».
Christophe Ferrari s’engage à « régulariser tout ce qu’il doit payer »
« N’ayant été alerté par conséquent que depuis peu sur les incertitudes quant à la légalité du bénéfice d’un véhicule de fonction, j’ai pris la décision de ne plus le remiser à mon domicile depuis plusieurs mois et d’utiliser exclusivement mes propres moyens de locomotion pour mes déplacements personnels », affirme Christophe Ferrari. Non sans souligner ses « contraintes particulières », du fait de son mandat de président de la Métro, de maire de Pont-de-Claix et de professeur d’université.
« Si j’assume ces erreurs, je plaide la bonne foi, je ne suis pas un voleur »
Autant d’activités qui représentent « de l’ordre de 60 à 70 heures par semaine environ, parfois plus », souligne l’élu. Et qui lui ont par exemple assuré un revenu d’environ 115 000 euros net sur la seule année 2019, selon Le Postillon qui s’est basé sur sa déclaration à la Haute Autorité pour la transprence de la vie publique (HATVP).
Des revenus qui lui seront utiles ? « J’ai demandé à ce qu’un inventaire soit réalisé pour régulariser, sans délai, tout ce que je dois payer. Cette régularisation est en cours », assure Christophe Ferrari. En contestant encore tout « caractère intentionnel » de ses « erreurs », commises « par méconnaissance du cadre légal, de [sa] part, mais également de [ses] plus proches collaborateurs ». « Si j’assume ces erreurs, je plaide la bonne foi. Je ne suis pas un voleur », insiste-t-il.
L’Agence française anticorruption sollicitée
Christophe Ferrari ne revient pas sur d’autres accusations mentionnées par Le Postillon, comme des repas au restaurant transformés en notes de frais après modification supposée de l’identité des convives. Le président de la Métropole se contente de citer, une fois encore, le rapport de la CRC. Qui note que l’élu « fait un usage très modeste et toujours lié à ses fonctions » d’une carte bancaire mise à sa disposition.
La citation est toutefois tronquée : la CRC, dont le travail est d’être critique, juge en effet « souhaitable que […] l’EPCI1Établissement public de coopération intercommunale, à savoir la Métro adopte le régime des frais de représentation qui permettrait de donner plus de transparence à ces frais et de les imputer comptablement plus correctement ». En note de bas de page, l’institution fait notamment référence à des « repas d’affaires liés aux obligations du président, mais qui relèveraient d’une autre imputation comptable ».
Dans tous les cas, Christophe Ferrari entend « rassurer la presse » : « Grenoble Alpes Métropole et ses élus sont très strictement et très régulièrement contrôlés. Il n’y a pas de privilège mais des responsabilités et des sujétions supplémentaires pour son président et ses élus ». Et d’annoncer avoir sollicité l’Agence française anticorruption pour « accompagner la Métropole dans une opération de transparence totale sur le statut des élus et les moyens qui leur sont alloués ».
Une réflexion sur « Face aux accusations sur l’utilisation de son véhicule de fonction, Christophe Ferrari « plaide la bonne foi » »
Plaidoirie difficile (impossible ?) à entendre par ceux qui l’ont déjà condamné.
https://twitter.com/AlanConfesson/status/1284291754385190912