DÉCRYPTAGE - Conseiller spécial d'Éric Piolle depuis 2014, Enzo Lesourt quitte le cabinet du maire de Grenoble. Un départ, visiblement contraint, annoncé dans un courrier envoyé ce vendredi 1er juillet 2022 aux élus de la majorité et à des agents municipaux. Dans cette lettre de sept pages au ton sibyllin, l'éternel “homme de l'ombre” dresse le bilan de ses huit années passées dans la “tour de contrôle” de la municipalité écologiste. Des propos empreints d'une certaine amertume sur les conditions de son départ, comme sur les méthodes de la directrice de cabinet... et en creux d'Éric Piolle.
Il était l'éternel “homme de l'ombre” d'Éric Piolle, son éminence grise, rédigeant les discours et élaborant la stratégie. Un vrai spin doctor à l'américaine, comme popularisé dans la série culte House of Cards. Conseiller spécial du maire de Grenoble depuis 2014, Enzo Lesourt s'apprête à quitter ses fonctions.
"Dans quelques semaines, ma mission au sein du cabinet du maire touchera à sa fin et je serai licencié", explique-t-il en introduction d'une lettre envoyée, ce vendredi 1er juillet 2022, aux élus de la majorité et à certains agents municipaux.
Le courrier de sept pages n'avait "pas vocation à devenir public", prévient d'emblée Enzo Lesourt. Du moins officiellement. Car la missive, révélée partiellement ce mardi 5 juillet par Le Dauphiné libéré, après une entrevue avec le conseiller spécial, a depuis, sans surprise, largement fuité hors des murs de la mairie. Volontairement ou involontairement ? Difficile d'imaginer son auteur, fin connaisseur des mécanismes de la communication politique, ne pas l'avoir anticipé.
Il faut souvent lire entre les lignes pour deviner les cibles de certaines accusations
Si ses intentions restent floues, le fond du message l'est parfois tout autant. Le ton est ainsi souvent sibyllin, laissant libre cours aux interprétations. Et il faut souvent lire entre les lignes pour deviner les cibles de certaines accusations. Le tout avec une plume maniant de nombreux concepts philosophiques, en écho à ses diplômes de docteur en philosophie politique.
De fait, sous les atours d'un hommage rendu à ses collègues, Enzo Lesourt distribue les bons et mauvais points à ceux qu'il a côtoyés au cours de ses huit ans passés au cabinet d'Éric Piolle... et des six années précédentes.
Son bilan débute en effet par un retour sur la période 2008-2014. Soit celle de ses débuts comme attaché stagiaire des élus de gauche et écologistes, prélude à la conquête de la mairie. Un "cycle professionnel et personnel" qui se poursuit par le premier mandat et s'achève - à quelques détails près - par la primaire écologiste aux côtés d'Éric Piolle.
"L’excès de dysfonctionnements finit par peser sur le système individuel"
Enzo Lesourt décrit ce cycle comme "celui de la campagne médiatique et politique permanente, celui où les journées de travail n’ont ni début ni fin, celui où les vacances servent à “travailler vraiment”, en dehors de tout cadre légal, et où les week-ends sont des occasions de rattraper la semaine". Et, plus bas, il justifie ainsi son arrêt maladie en mai 2022 : "L’excès de dysfonctionnements finit par peser sur le système individuel comme il pèse sur le système tout court."
Est-ce seulement un constat général sur le quotidien éreintant des collaborateurs – personnel souvent taillable et corvéable à merci – ne laissant aucune place à leur vie sociale et personnelle ? Ou une pique plus spécifique visant les conditions de travail à la Ville de Grenoble ? Difficile à dire...
Plus mystérieuse encore est son allusion à la primaire. "Quand le moment présent n’est plus “habité en direct” mais qu’il est tout entier consacré à rentabiliser le passé et à déminer le futur", écrit-il. La formule peut là aussi se comprendre de différentes façons. D'aucuns pourraient y voir un regret de ne pas pouvoir vivre pleinement sa vie, étant submergé par son travail et trop occupé à faire fructifier sa trajectoire politique afin de ne pas ruiner son avenir.
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2 réflexions sur « Grenoble : Enzo Lesourt, conseiller spécial d’Eric Piolle sur le départ, règle ses comptes avant de partir »
Il a tenu 8 ans dans cet maltrom khmere et il en a les stigmate !
Nulle surprise en apprenant tout ça, car ça ne fait que compléter et confirmer ce qu’on sait déjà depuis qu’un ancien élu a tout dévoilé dans le Postillon : « qui aurait pu croire que les sympathiques écolos se comportent comme des staliniens des années 50 ? »
https://www.lepostillon.org/DANS-LA-CITADELLE-ASSIEGEE.html