ENTRETIEN – François Brottes, 66 ans, ancien député PS de l’Isère et ancien maire de Crolles dans le Grésivaudan, vient de publier Écharpé vif aux éditions Presses universitaires de Grenoble (Pug). Dans cet ouvrage de presque 200 pages, préfacé par Aurélie Filippetti, il s’interroge sur ce qui pousse un citoyen à s’investir corps et âme en politique. L’instigateur de la loi sur la trêve hivernale de l’énergie (parmi beaucoup d’autres qu’il a initiées) campe des scènes de vie et des moments fondateurs de son parcours. Au travers de textes courts, incisifs et teintés d’humour, François Brottes partage ses doutes, ses convictions, relate ses combats et victoires politiques menés au nom de la justice sociale.
EN RETRAIT DE LA POLITIQUE DEPUIS 2015, FRANCOIS BROTTES REVIENT SUR SA LONGUE CARRIÈRE DANS ÉCHARPÉ VIF
C’est au bistrot collaboratif Les Fringant.e.s, 11 rue Hébert à Grenoble que l’éditeur des Presses universitaires de Grenoble (Pug) a organisé, lundi 4 avril 2022, un temps de rencontre et de dédicace avec François Brottes pour la sortie de son livre Écharpé vif. L’ex député-maire socialiste revient, dans cet ouvrage, sur ses quarante ans d’activité politique. En 2015, il a mis un terme à sa vie politique et pris la présidence du directoire de RTE de 2015 à 2020. Depuis 2020, il est conseiller maître à la cour des comptes.
Le fil conducteur de son opus ? L’engagement politique qu’il aborde, par petite touche, à travers une série de chapitres baptisés « carnets intimes », « carnets de santé », « registres », « cahiers de brouillon », « carnets de balle » etc.
« Dans son livre, François Brottes raconte des rencontres en permanence, des moments de jubilation […] On découvre aussi la dureté de la politique et la violence ordinaire à laquelle doit faire parfois face un élu, à travers certaines pages », commente Alain Faure, directeur de la collection Engagement. Ce dernier dit s’être « passionné par l’activité diplomatique » relatée par l’ancien député-maire dans le chapitre « carnets de voyage ».
Par rapport à ce volet « politique étrangère », François Brottes a tenu à exprimer un regret. Au vu des circonstances, il aurait voulu consacrer quelques lignes à l’Ukraine, en guerre depuis le 24 février 2022, mais le livre était déjà chez l’imprimeur. S’il avait pu, il aurait raconté comment, lui, président du directoire de RTE de 2015 à 2020, avait bataillé pour que « le réseau électrique ukrainien soit rallié au réseau européen ». Mais le projet n’avait pas abouti.
Passionné de chansons, mais pas féru de littérature
François Brottes ne s’en cache pas : il ne lit jamais de romans. C’est la chanson qui l’a toujours inspiré. Il en a même beaucoup écrit pour son plaisir. Une appétence qui a, semble-t-il, influencé son style. « François écrit ses textes comme des flashs, souligne Ségolène Marbach, directrice éditoriale des Pug. Son écriture est très visuelle, très séduisante. Il nous plonge dans ses souvenir. Ses textes ont toujours deux ou trois niveaux.»
Élu très actif qui a pratiqué, sans rougir, le cumul des mandats
Élu pour la première fois à l’âge 26 ans, François Brottes a été maire de Crolles durant quatre mandats successifs, de 1983 à 2005, député PS de 1997 à 2015 pendant quatre mandats également, ainsi que conseiller régional de 1992 à 1998. C’était une époque où le cumul des mandats était encore possible.
Pour François Brottes, le cumul de ses mandats a, sans l’ombre d’un doute, profité au territoire : « Je pense que le cumul peut faire avancer des choses en un temps record au niveau local […] Après, c’est vrai qu’on prend le poste de quelqu’un », a‑t-il concédé. S’il dit « comprendre que le cumul ait sauté », on ne l’empêchera pas de penser qu”« un parlementaire qui n’a jamais été élu, c’est grave ». Classé comme l’un des plus actifs députés de l’Assemblée national au moment où il y officiait, cet « écharpé de la République » pour faire écho au titre de son livre, n’a jamais eu l’impression de négliger son mandat local.
« On ne m’a jamais localement reproché de travailler nationalement ». Si le cumul des mandats est passé de mode, ce serait une grave erreur, a‑t-il estimé lors des échanges avec l’auditoire, de supprimer le cumul des mandats dans le temps. « Les élus ont besoin de temps pour maîtriser les dossiers et, quand ils ne les maîtrisent, c’est la technostructure qui dirige », a‑t-il argué.
Place Gre’net | Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?
François Brottes – J’ai arrêté la politique depuis un certain nombre d’années déjà. Comme beaucoup au moment du confinement, même si je suis très occupé par le métier que je fais actuellement, j’ai eu envie de me poser un peu. La politique est quand même très malmenée et la démocratie est en péril. Les mots sont un peu forts, mais ils sont réels.
L’abstention, le fait que les réseaux sociaux font l’actualité, qu’on est dans l’immédiateté, qu’on ne prend plus le temps de réfléchir et de se poser, le fait que l’on fait du bashing envers les politiques de quelque bord qu’ils soient en permanence. Tout cela m’inquiète beaucoup sur l’avenir de la démocratie représentative. Celle qui fait que des gens sont élus, exercent un mandat, et puis, si on n’est pas contents d’eux, on les vire le coup d’après. Or, en dehors de la démocratie, les systèmes virent à la dictature. Donc, je me dis que si l’on ne réagit pas, c’est un peu embêtant.
Alors comment, moi, je réagis ? J’ai fait de la politique quand même pendant presque quarante ans. J’ai commencé tout petit, j’ai cumulé des mandats, des responsabilités électives, et je considère, avec tous ceux qui m’ont accompagné ou que j’ai accompagnés – cela dépend des moments – qu’on a fait des choses utiles. Je me suis donc dit “je vais essayer de raconter qu’on peut faire des trucs utiles pour les gens. Et que la politique, ça sert à quelque chose”.
Quand on s’engage, on ne peut pas s’engager de façon cynique. Ça, c’est ma hantise. C’est vrai que, quand on plonge là-dedans, on y passe tout entier. C’est nuit et jour, week-ends, vacances… C’est un choix mais cela ne peut pas être tiède, un engagement de ce type-là. C’est le premier enseignement que je tire. Le deuxième, c’est que ça ne peut être que collectif, on ne fait rien tout seul… Donc, voilà, c’est une espèce de cri pour dire que si l’on n’y prête pas attention, on va s’éloigner de la démocratie. Et c’est quoi, après ?
Cette expérience d’élu m’a permis d’acquérir une expertise et j’essaye de montrer que c’est passionnant, que ça sert à quelque chose et qu’il y a de la place pour tous ceux qui veulent s’engager. Les jeunes, notamment, il ne faut pas qu’ils hésitent à plonger. La première fois que j’ai été élu, j’avais 26 ans, donc bon, voilà.
Place Gre’net | Votre livre sort au moment des élections présidentielles. Ce n’est sans doute pas fortuit. Avez-vous un message pour les électeurs… d’autant que l’abstention monte dans le pays ?
François Brottes – Ce n’est pas idiot qu’un livre comme celui-là sorte aux moments des périodes électorales car il y en a deux qui s’enchaînent. La présidentielle, on est dedans, c’est bientôt fini, et après, il y a les législatives. Oui, il y a une forme d’opportunité de sortie. Mais mon livre n’est pas un livre partisan. Je sais d’où je viens, dans quelle formation j’ai été engagé. Pour autant, je considère que le pluralisme est une des réponses pour que la démocratie vive. Donc, il ne s’agit pas de faire l’apanage de tel ou tel. C’est un livre sur l’engagement en politique. Ce n’est pas un livre sur l’engagement dans une formation politique ou dans une autre.
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