REPORTAGE – Entre 1300 et 2000 personnes ont défilé dans le centre-ville de Grenoble, ce samedi 16 avril 2022, contre l’extrême droite et pour la défense des droits sociaux. Une manifestation unitaire antiraciste, féministe et écologiste, à l’appel de plusieurs organisations. À huit jours du second tour de l’élection présidentielle, les mots d’ordre étaient variés au sein du cortège, de l’appel au barrage contre l’extrême droite au « ni Le Pen ni Macron », mais avec un rejet clair de la candidate du Rassemblement national.
« Tout le monde déteste Marine Le Pen » ; « Siamo tutti antifascisti » ; « Grenoble antiraciste » ; « Anti, anticapitaliste » ; « Macron nous fait la guerre, et sa police aussi, et on reste déter” pour bloquer le pays ». Les slogans entonnés, ce samedi 16 avril 2022, dans les rues de Grenoble, illustraient bien la diversité des mots d’ordre des manifestants. Entre 1300 (selon la police) et 2000 (selon les organisateurs) personnes ont ainsi défilé entre la rue Félix-Poulat et le Jardin de ville, contre l’extrême droite, mais aussi « pour nos droits, nos acquis sociaux et notre avenir ».
À huit jours du second tour de l’élection présidentielle, près de vingt organisations avaient lancé un appel unitaire à une manifestation antiraciste, féministe et écologiste, comme dans de nombreuses autres villes françaises. Un large panel allant de l’Action antifasciste (AFA) Grenoble à Solidaires, en passant par le NPA, EELV, Nous toutes 38, Ras l’front, la CGT Spectacle, l’Unef, le MNL, la CNT, l’Union communiste libertaire (UCL), Fridays for future et bien d’autres encore.
Emmanuel Macron accusé d’avoir pavé la voie à l’extrême droite en « reprenant ses thèmes » et en conduisant une « politique antisociale »
Ces organisations tenaient, avec cette mobilisation, à « réaffirmer l’importance des différentes luttes ayant marqué le quinquennat ». Mais également, ajoutent-elles, à « affirmer dès l’entre-deux tours que nous continuerons à nous mobiliser afin de défendre nos droits, nos conquis sociaux et pour l’avenir de la population comme de la planète ».
Fermement opposées à Marine Le Pen et au Rassemblement national (RN), elles n’épargnent pas pour autant Emmanuel Macron. Un président sortant dont le gouvernement a, selon les organisateurs de la manifestation, « mené de multiples offensives contre le monde du travail, les classes populaires et la jeunesse et a aggravé la misère et le désespoir social ».
Tous unis dans leur refus d’accorder la moindre voix à la candidate du RN, les manifestants partageaient ainsi, pour beaucoup, un vrai ressentiment envers son adversaire, accusé d’avoir pavé la voie à l’extrême droite en « reprenant ses thèmes » et en conduisant une « politique antisociale ».
« J’ai déjà fait barrage en 2002 et en 2017, mais cette fois, c’est au-dessus de mes forces »
Quid alors du choix à effectuer dans l’isoloir, dimanche 24 avril ? Celui-ci s’annonce cornélien pour la plupart des manifestants. Au sein du cortège, les opinions étaient d’ailleurs très variées, entre partisans du barrage contre l’extrême droite et adeptes du « ni Le Pen ni Macron », sans compter les nombreux indécis.
Ainsi, pour Sylvain, enseignant au collège, ce sera « vote blanc ou abstention ». « J’ai déjà fait barrage en 2002 et en 2017, mais cette fois, c’est au-dessus de mes forces », explique le quadragénaire. « Je déteste Marine Le Pen mais Macron, c’est les réformes des retraites et de l’assurance chômage, la mutilation des gilets jaunes, l’absence de mesures pour le climat… Et puis, en tant que prof, on a trop morflé (sic) avec Blanquer ! » Pas question d’ailleurs de culpabiliser pour Sylvain : « J’ai fait le job en votant Mélenchon au premier tour, c’est là qu’il fallait faire barrage. »
« La politique de Macron me révulse aussi mais il y a un ultralibéral et une “facho”, ce n’est pas pareil »
Lola, qui se définit comme « féministe et antiraciste », s’est en revanche résolue à voter Macron « en [se] bouchant le nez ». « La politique de Macron me révulse aussi mais il y a un ultralibéral et une “facho”, ce n’est pas pareil », estime l’étudiante. « Si elle passe, les “flics” n’auront plus aucune limite pour réprimer les manifs et ça sera une catastrophe pour la justice, l’éducation, les droits des femmes… » En outre, assure Lola, « s’abstenir, c’est un privilège de mecs blancs hétéros qui ne seront pas les premières victimes de l’extrême droite, comme les immigrés ou LGBT ».
Mais pour de nombreux manifestants, c’est encore l’indécision qui prédomine. Beaucoup indiquent ainsi qu’ils hésiteront jusqu’au dernier moment, à l’image de Santiago et Bertille. Durant tout le quinquennat, les deux trentenaires s’étaient persuadés qu’ils ne feraient pas barrage en cas de duel Macron-Le Pen. Pourtant, à mesure que le second tour approche, « la peur de l’extrême droite » gagne le couple, qui vacille.
« On se rend compte qu’il y a un vrai danger fasciste en France, aujourd’hui »
« En voyant les sondages serrés et les réserves de voix de Marine Le Pen, avec les 7 % de Zemmour et les 2 % de Dupont-Aignan, on se rend compte qu’il y a un vrai danger fasciste en France, aujourd’hui », lancent d’une même voix les deux électeurs de Jean-Luc Mélenchon. « Du coup, plus ça va, plus on se demande si on ne va pas voter Macron quand même, à reculons. » Et Bertille de conclure : « On compte avoir un enfant bientôt. Déjà que l’avenir n’est pas rose, on n’a pas envie qu’il ou elle grandisse dans un pays fasciste. »
Après avoir sillonné les rues du centre-ville de Grenoble, le cortège arrive au Jardin de ville où s’achève la manifestation. Galvanisée par l’ambiance combative, qui lui « redonne un peu espoir », Lola prend déjà rendez-vous pour l’après-24 avril : « Que ce soit Macron ou Le Pen, on va souffrir mais on sera là pour défendre nos droits dans la rue… Même si ce serait malheureusement encore pire avec elle à l’Élysée. »