FOCUS – Drôle d’ambiance au dépôt Tag de Gières. Mardi 12 avril au matin, des membres du personnel ont trouvé un bulletin Marine Le Pen dans leurs boîtes à lettres professionnels. Un “cadeau” réservé uniquement aux salariés présentant des patronymes à consonance maghrébine. Les syndicats appellent la direction à déposer plainte. Celle-ci s’y refuse, faute de pouvoir identifier le coupable.
Des bulletins de vote « Marine Le Pen », non pas dans les urnes… mais dans les boîtes à lettres professionnelles de salariés de la Tag du dépôt de Gières. C’est ce qu’ont découvert plusieurs dizaines de membres du personnel au matin du mardi 12 avril. Avec un point commun : tous ont des patronymes à consonance maghrébine. Un même phénomène avait déjà été observé au moment de l’élection présidentielle de 2017.
De quoi provoquer une réaction immédiate des syndicats. Le Syndicat du transport (ST) a notamment diffusé un document en interne, pour dénoncer des « actes à caractère raciste entre collègues » de la Tag. « Il devient malheureusement trop régulier que des collègues viennent nous trouver afin de nous signaler, ce genre d’agissements nauséabond », écrit le syndicat. Qui appelle la direction à réagir.
La direction de la Tag appelée à déposer plainte
Même position du côté de Force Ouvrière, le syndicat majoritaire au sein de la Tag. Qui indique qu’une douzaine de personnes concernées ont déposé plainte auprès de la gendarmerie d’Eybens. « Nous avons demandé à la direction, en tant qu’entreprise, de déposer plainte elle aussi et de faire cesser ces agissements », ajoute le syndicaliste FO Fernando Martins. Sans cacher une certaine exaspération : « À chaque élection on a le même cinéma ! »
Un dépôt de plainte de la Tag suite au dépôt de ces bulletins ? Pour Charly Lecoq, directeur des Ressources humaines à la Tag, la démarche n’est pas pertinente sans coupable identifié. « Depuis sept ans que j’officie, sur ce genre de phénomènes, je n’ai jamais eu la chance de prendre quelqu’un la main dans le sac », explique-t-il à Place Gre’net. Tout en insistant sur le caractère « ponctuel » et « peu fréquent » de ce type d’agissements.
La Tag devrait-elle se doter d’outils supplémentaires ? « J’en suis à entendre des gens me dire de mettre des caméras dans les lieux où il y a ce genre de diffusion », constate Charly Lecoq. Alors que les mêmes caméras tendent généralement à susciter de la méfiance. Le DRH de la Tag n’est de toute manière pas certain de pouvoir répondre favorablement à une telle demande, au regard de la réglementation sur les caméras.
La Tag comprend le « sentiment de malaise » des personnes visées par ces bulletins
Et faute de trouver un coupable ? « Quand il y a un événement, quel qu’il soit, on diffuse une communication rappelant à l’ensemble des collaborateurs la position de l’entreprise en termes de diversité, d’égalité de traitement et de lutte contre tout comportement discriminant », décrit-il. Tout en reconnaissant le « sentiment de malaise » que ressentent les personnes concernées. Et que la direction a assuré de son soutien.
Soutien d’autant plus affirmé que, insiste le DRH, la Tag se targue d’être « une des entreprises du bassin grenoblois la plus engagée dans la diversité et l’insertion ». Et ceci, ajoute-t-il, tant en matière d’embauche de personnels féminins que de personnes issues de l’immigration ou des quartiers populaires. « On symbolise vraiment la diversité de la société française, c’est dans l’ADN de la Tag », insiste Charly Lecoq.
Mais… il y a un mais. « Quelle que soit la politique que l’on mène depuis plus de 20 ans, on ne peut pas empêcher des gens dans notre dos de manifester des orientations racistes ou discriminantes. Et pour aller plus loin contre ces personnes-là, il faut arriver à les identifier », répète le DRH. En affirmant pour conclure qu’en cas d’identification d’un collaborateur indélicat, la direction « mènerait toutes les actions disciplinaires ou judiciaires appropriées ».