Actualité

Lz gantier Jean Strazzeri dans son atelier de Fontaine. © Denis Vinçon - Musée Dauphinois - Département de l'Isère

Exposition « Fait main. Quand Grenoble gan­tait le monde » : l’âge d’or de la gan­te­rie gre­no­bloise retracé au Musée dauphinois

Exposition « Fait main. Quand Grenoble gan­tait le monde » : l’âge d’or de la gan­te­rie gre­no­bloise retracé au Musée dauphinois

FOCUS – Le Musée dau­phi­nois pré­sente jus­qu’au 27 mars 2023 une nou­velle expo­si­tion : « Fait main. Quand Grenoble gan­tait le monde ». Un par­cours retra­çant l’his­toire du gant de luxe gre­no­blois depuis son âge d’or, au Second Empire, jus­qu’à son déclin au sor­tir de la Deuxième Guerre mon­diale. Les cen­taines de pièces pré­sen­tées invitent ainsi le public à décou­vrir cette grande époque où la haute société para­dait dans des atours luxueux… jusqu’au bout des doigts.

« Ça vous va comme un gant », « jeter le gant » pour défier quel­qu’un, « prendre des gants » pour agir avec tact, ou encore « retour­ner quel­qu’un comme un gant » pour le faire chan­ger d’a­vis… Ces expres­sions fran­çaises fleu­rant bon l’an­cien temps ne sont plus guère uti­li­sées de nos jours. Tout comme cet acces­soire de mode, peu à peu réduit à sa fonc­tion pro­tec­trice contre le froid depuis le déclin de la gan­te­rie de luxe, au sor­tir de la Deuxième Guerre mon­diale. Ce alors que le savoir-faire des grands gan­tiers gre­no­blois tels Xavier Jouvin ou Charles Perrin avait valu à Grenoble le titre de « capi­tale du gant », durant ses années flo­ris­santes de la fin du XIXe siècle jus­qu’aux Années folles.

Mannequin présentant des gants de la ganterie Perrin en chevreau blanc, fendus et décorés de gros pois noirs, Paris, 1950. Coll. Musée dauphinois - Département de l'Isère. © Universal photo

Mannequin pré­sen­tant des gants de la gan­te­rie Perrin en che­vreau blanc, fen­dus et déco­rés de gros pois noirs, Paris, 1950. Coll. Musée dau­phi­nois – Département de l’Isère. © Universal photo

Exporté notam­ment en Italie et en Allemagne, le gant de luxe fémi­nin était alors la pre­mière acti­vité éco­no­mique à faire rayon­ner Grenoble à l’étranger. Mais, autres temps, autres mœurs, l’émancipation des femmes, les délo­ca­li­sa­tions et la concur­rence asia­tique ont eu rai­son de l’ac­ti­vité manu­fac­tu­rière des gan­te­ries gre­no­bloise. Et l’on n’en­tend plus, comme il se disait jadis, « il n’est de bon gant que de Grenoble ».

C’est pré­ci­sé­ment toute cette pres­ti­gieuse his­toire de la gan­te­rie gre­no­bloise qu’a voulu retra­cer le Musée dau­phi­nois, à tra­vers l’ex­po­si­tion tem­po­raire « Fait main. Quand Grenoble gan­tait le monde », pro­po­sée au public dans l’an­cien couvent jus­qu’au 27 mars 2023.

Une expo­si­tion tem­po­raire retra­çant l’âge d’or de la gan­te­rie grenobloise

« Ça nous parais­sait impor­tant de reve­nir sur cette his­toire quelque peu oubliée des Grenoblois et des Isérois, explique Olivier Cogne, direc­teur du musée et com­mis­saire de l’ex­po­si­tion. L’objectif de cette expo­si­tion est de faire décou­vrir ce qu’a été le gant de Grenoble, notam­ment à son apo­gée. » Durant son âge d’or, du Second empire à la Seconde Guerre mon­diale, quelques dizaines de mil­liers de per­sonnes1Une famille sur deux à Grenoble et alen­tours vivait alors de la gan­te­rie tra­vaillaient en effet le gant dans des ate­liers se comp­tant par cen­taines à Grenoble ou dans sa région.

De nombreuses photographies d'époque illustrent l'épopée de la ganterie grenobloise. © Joël Kermabon - Place Gre'net

De nom­breuses pho­to­gra­phies d’é­poque illus­trent l’é­po­pée de la gan­te­rie gre­no­bloise. © Joël Kermabon – Place Gre’net

« C’est aussi pour rap­pe­ler que le gant était un élé­ment essen­tiel de l’ha­bille­ment de la société aris­to­cra­tique et bour­geoise durant des siècles, ce que l’on a oublié aujourd’­hui parce qu’il est passé de mode, même s’il est encore porté », pour­suit Olivier Cogne. Qui pré­cise : « Le gant dont on parle, c’est le gant de che­vreau, à ne pas confondre avec celui d’a­gneau. Ce n’est pas la même chose. Leurs qua­li­tés res­pec­tives ne sont pas com­pa­rables. »

« Ce n’é­tait pas rien de fabri­quer des gants ! »

La scé­no­gra­phie très soi­gnée que pro­pose le musée montre l’im­por­tance qu’a­vait le gant au temps des élé­gantes, à la fois ins­piré des uni­vers du théâtre et de la mode. Le par­cours de l’ex­po­si­tion est en outre émaillé de témoi­gnages, d’une cen­taine de pièces de col­lec­tions mais aussi de recherches de la jeune his­to­rienne Audrey Colonel-Coquet.

« Nous tenions, au-delà de l’ob­jet de mode, à mon­trer com­ment cet objet était fabri­qué », explique Olivier Cogne. Ainsi le visi­teur est-il invité à décou­vrir un ate­lier de gan­tier recons­ti­tué ainsi que le savoir-faire et les condi­tions de tra­vail des trieurs de peaux, des cou­peur de gants et des tein­tu­riers et bro­deuses, ori­gi­naires pour la plu­part des régions trans­al­pines de Milan et de Naples. « C’était un métier très dur avec des mala­dies pro­fes­sion­nelles rhu­ma­ti­santes. Ce n’é­tait pas rien de fabri­quer ces gants », sou­ligne le com­mis­saire de l’exposition.

L'atelier de la ganterie Jay, Grenoble, juin 1924. DR

L’atelier de la gan­te­rie Jay, Grenoble, juin 1924. DR

C’est aussi l’a­ven­ture de per­son­na­li­tés et entre­prises gre­no­bloises que cette expo­si­tion raconte. Les grands maîtres gan­tiers ont ainsi lar­ge­ment la part belle. Notamment, outre le génial pré­cur­seur Xavier Jouvin, la mai­son Perrin2Ce fut le prin­ci­pal employeur de la région. On lui doit notam­ment d’a­voir fait rayon­ner la gan­te­rie de Grenoble sur tous les conti­nents. sans oublier les mai­sons Reynier et Terray. « Beaucoup d’entre eux avaient une place pré­pon­dé­rante dans la société locale avec un cer­tain nombre de maires dont on connaît l’exis­tence par les noms de quais, de rues et de places, tels Stéphane Jay ou, moins connu, Ernest Calvat », rap­pelle Olivier Cogne.

Une renais­sance de la gan­te­rie est-elle possible ?

Doit-on en déduire « que l’on a tourné la der­nière page de cette incroyable épo­pée ? », inter­roge le musée dau­phi­nois. Il n’en est rien. Une gan­te­rie existe tou­jours dans l’ag­glo­mé­ra­tion. Celle de Jean Strazzeri (voir photo à la une) avec son ate­lier fami­lial, situé à Fontaine, et son maga­sin gre­no­blois qui per­pé­tue la tra­di­tion des maîtres gan­tiers. De même, l’Association de sau­ve­garde et de pro­mo­tion du gant de Grenoble (ASP2G) et un musée fondé par l’un des des­cen­dants de Xavier Jouvin conti­nuent d’en­tre­te­nir leur mémoire.

Les élèves de la section de la section ganterie du lycée du Dauphiné à Romans-sur-Isère accompagnés de leur professeur. © Denis Vinçon - Coll. Musée dauphinois - Département de l’Isère.

Les élèves de la sec­tion gan­te­rie du lycée du Dauphiné à Romans-sur-Isère accom­pa­gnés de leur pro­fes­seur. © Denis Vinçon – Coll. Musée dau­phi­nois – Département de l’Isère.

« La recon­nais­sance, ces der­nières années, du tra­vail du gant comme métier d’art, la conti­nua­tion de cette acti­vité en France, la pro­mo­tion des savoir-faire locaux, laissent à pen­ser qu’une renais­sance de la gan­te­rie est pos­sible », se prend à espé­rer le musée. « La créa­tion récente d’une for­ma­tion dédiée à la cou­ture du gant au sein du lycée du Dauphiné à Romans en est le signe le plus encou­ra­geant pour l’avenir », concluent les orga­ni­sa­teurs de l’exposition.

AUTOUR DE L’EXPOSITION : UN LIVRE ET DES VISITES GUIDÉES

À la faveur de l’ex­po­si­tion, le Musée dau­phi­nois a sol­li­cité deux his­to­riennes spé­cia­listes du sujet, Audrey Colonel et Anne Dalmasso, pour rela­ter la for­mi­dable aven­ture du gant à Grenoble à tra­vers un livre paru aux édi­tions Glénat.

Par ailleurs, autour de l’ex­po­si­tion, le Musée Dauphinois pro­pose plu­sieurs visites gui­dées ainsi que des démons­tra­tions. Notamment le dimanche 24 avril de 11 heures à 12 h 30, avec une visite de l’ex­po­si­tion conduite à plu­sieurs voix, dont celle d’Olivier Cogne, com­mis­saire de l’exposition.

Lequel pro­pose éga­le­ment, le samedi 24 mai, à l’oc­ca­sion de la Nuit des musées, une démons­tra­tion du savoir-faire des gan­tiers, en pré­sence de témoins et acteurs directs de l’ac­ti­vité gan­tière gre­no­bloise. D’autres visites, toutes gra­tuites, sont pro­gram­mées. Se ren­sei­gner en télé­pho­nant au 04 57 58 89 01.

Joël Kermabon

Auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

A lire aussi sur Place Gre'net

La gan­te­rie gre­no­bloise peut-elle reprendre la main ?

REPORTAGE PHOTO. Dès le XIXe siècle, Grenoble devient la capitale mondiale du gant de luxe, avec des grandes maisons comme Perrin, Jouvin ou encore Vallier. La Lire plus

Exposition « Pales à mode­ler » à la Casemate de Grenoble : quelle vie pour les pales des éoliennes après démantèlement ?

FLASH INFO – "Comment donner une seconde vie aux pales des éoliennes après leur démantèlement?". Telle est la question à laquelle tente de répondre l'exposition Lire plus

Exposition "Maxi Mini, formats en question" de l'artothèque de Grenoble visible du 04 décembre 2021 au 26 février 2022.
L’artothèque de Grenoble pré­sente l’ex­po­si­tion « Maxi Mini, for­mats en question »

FIL INFO - Première exposition de l’artothèque dans la salle d’exposition rénovée de la bibliothèque d’étude et du patrimoine de Grenoble, "Maxi Mini, formats en Lire plus

Peuple Rikbaktsa, coiffes en plumes de perroquet, d'aras, de hocco et toucan. Collection du musée d'histoire naturelle de Lille. © Philip Bernardbleu
Exposition Amazonie[s] forêt-monde au musée dau­phi­nois de Grenoble : immer­sion au cœur d’un éco­sys­tème en grand danger

FOCUS - Après deux ans de préparation, l'exposition Amazonie[s], forêt-monde est enfin ouverte au public et le restera jusqu'au 2 mai 2022 au musée dauphinois Lire plus

Pierre Bonnard, La Place Clichy, 1912 Huile sur toile. Paris, Centre Pompidou, musée national d’Art moderne. Dépôt au Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, Besançon © Besançon, musée des beaux-arts et d’archéologie – Photographie C. Choffet
Avec son expo­si­tion Pierre Bonnard, le Musée de Grenoble pro­met une sai­son 2021 – 2022 lumineuse

FOCUS - Le Musée de Grenoble ouvre sa saison 2021-2022 le 30 octobre avec une exposition consacrée au peintre Pierre Bonnard: "Les Couleurs de la Lire plus

« Vies et visages des chan­ge­ments cli­ma­tiques », une expo­si­tion d’Oxfam au Jardin de Ville de Grenoble

FLASH INFO — "Informer sur les thématiques croisée du genre, des inégalités et du climat", tout en mobilisant sur la question du changement climatique. Tels Lire plus

Flash Info

|

19/04

20h52

|

|

19/04

20h24

|

|

18/04

17h28

|

|

17/04

23h47

|

|

17/04

15h53

|

|

17/04

12h58

|

|

17/04

0h06

|

|

16/04

19h57

|

|

16/04

19h28

|

|

15/04

18h01

|

Les plus lus

Culture| Domène : l’élu RN Quentin Feres s’op­pose à une lec­ture théâ­trale, qua­li­fiée de « pro­mo­tion du wokisme », à la médiathèque

Environnement| À la Métropole de Grenoble, le débat sur la com­pé­tence « nappes sou­ter­raines » tourne en eau de boudin

Société| Après Un Bon Début, le gre­no­blois Antoine Gentil pré­sente sa méthode édu­ca­tive « star­ter » avec son livre Classe réparatoire

Agenda

Je partage !