FOCUS – Le Musée dauphinois présente jusqu’au 27 mars 2023 une nouvelle exposition : « Fait main. Quand Grenoble gantait le monde ». Un parcours retraçant l’histoire du gant de luxe grenoblois depuis son âge d’or, au Second Empire, jusqu’à son déclin au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. Les centaines de pièces présentées invitent ainsi le public à découvrir cette grande époque où la haute société paradait dans des atours luxueux… jusqu’au bout des doigts.
« Ça vous va comme un gant », « jeter le gant » pour défier quelqu’un, « prendre des gants » pour agir avec tact, ou encore « retourner quelqu’un comme un gant » pour le faire changer d’avis… Ces expressions françaises fleurant bon l’ancien temps ne sont plus guère utilisées de nos jours. Tout comme cet accessoire de mode, peu à peu réduit à sa fonction protectrice contre le froid depuis le déclin de la ganterie de luxe, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. Ce alors que le savoir-faire des grands gantiers grenoblois tels Xavier Jouvin ou Charles Perrin avait valu à Grenoble le titre de « capitale du gant », durant ses années florissantes de la fin du XIXe siècle jusqu’aux Années folles.
Exporté notamment en Italie et en Allemagne, le gant de luxe féminin était alors la première activité économique à faire rayonner Grenoble à l’étranger. Mais, autres temps, autres mœurs, l’émancipation des femmes, les délocalisations et la concurrence asiatique ont eu raison de l’activité manufacturière des ganteries grenobloise. Et l’on n’entend plus, comme il se disait jadis, « il n’est de bon gant que de Grenoble ».
C’est précisément toute cette prestigieuse histoire de la ganterie grenobloise qu’a voulu retracer le Musée dauphinois, à travers l’exposition temporaire « Fait main. Quand Grenoble gantait le monde », proposée au public dans l’ancien couvent jusqu’au 27 mars 2023.
Une exposition temporaire retraçant l’âge d’or de la ganterie grenobloise
« Ça nous paraissait important de revenir sur cette histoire quelque peu oubliée des Grenoblois et des Isérois, explique Olivier Cogne, directeur du musée et commissaire de l’exposition. L’objectif de cette exposition est de faire découvrir ce qu’a été le gant de Grenoble, notamment à son apogée. » Durant son âge d’or, du Second empire à la Seconde Guerre mondiale, quelques dizaines de milliers de personnes1Une famille sur deux à Grenoble et alentours vivait alors de la ganterie travaillaient en effet le gant dans des ateliers se comptant par centaines à Grenoble ou dans sa région.
« C’est aussi pour rappeler que le gant était un élément essentiel de l’habillement de la société aristocratique et bourgeoise durant des siècles, ce que l’on a oublié aujourd’hui parce qu’il est passé de mode, même s’il est encore porté », poursuit Olivier Cogne. Qui précise : « Le gant dont on parle, c’est le gant de chevreau, à ne pas confondre avec celui d’agneau. Ce n’est pas la même chose. Leurs qualités respectives ne sont pas comparables. »
« Ce n’était pas rien de fabriquer des gants ! »
La scénographie très soignée que propose le musée montre l’importance qu’avait le gant au temps des élégantes, à la fois inspiré des univers du théâtre et de la mode. Le parcours de l’exposition est en outre émaillé de témoignages, d’une centaine de pièces de collections mais aussi de recherches de la jeune historienne Audrey Colonel-Coquet.
« Nous tenions, au-delà de l’objet de mode, à montrer comment cet objet était fabriqué », explique Olivier Cogne. Ainsi le visiteur est-il invité à découvrir un atelier de gantier reconstitué ainsi que le savoir-faire et les conditions de travail des trieurs de peaux, des coupeur de gants et des teinturiers et brodeuses, originaires pour la plupart des régions transalpines de Milan et de Naples. « C’était un métier très dur avec des maladies professionnelles rhumatisantes. Ce n’était pas rien de fabriquer ces gants », souligne le commissaire de l’exposition.
C’est aussi l’aventure de personnalités et entreprises grenobloises que cette exposition raconte. Les grands maîtres gantiers ont ainsi largement la part belle. Notamment, outre le génial précurseur Xavier Jouvin, la maison Perrin2Ce fut le principal employeur de la région. On lui doit notamment d’avoir fait rayonner la ganterie de Grenoble sur tous les continents. sans oublier les maisons Reynier et Terray. « Beaucoup d’entre eux avaient une place prépondérante dans la société locale avec un certain nombre de maires dont on connaît l’existence par les noms de quais, de rues et de places, tels Stéphane Jay ou, moins connu, Ernest Calvat », rappelle Olivier Cogne.
Une renaissance de la ganterie est-elle possible ?
Doit-on en déduire « que l’on a tourné la dernière page de cette incroyable épopée ? », interroge le musée dauphinois. Il n’en est rien. Une ganterie existe toujours dans l’agglomération. Celle de Jean Strazzeri (voir photo à la une) avec son atelier familial, situé à Fontaine, et son magasin grenoblois qui perpétue la tradition des maîtres gantiers. De même, l’Association de sauvegarde et de promotion du gant de Grenoble (ASP2G) et un musée fondé par l’un des descendants de Xavier Jouvin continuent d’entretenir leur mémoire.
« La reconnaissance, ces dernières années, du travail du gant comme métier d’art, la continuation de cette activité en France, la promotion des savoir-faire locaux, laissent à penser qu’une renaissance de la ganterie est possible », se prend à espérer le musée. « La création récente d’une formation dédiée à la couture du gant au sein du lycée du Dauphiné à Romans en est le signe le plus encourageant pour l’avenir », concluent les organisateurs de l’exposition.
AUTOUR DE L’EXPOSITION : UN LIVRE ET DES VISITES GUIDÉES
À la faveur de l’exposition, le Musée dauphinois a sollicité deux historiennes spécialistes du sujet, Audrey Colonel et Anne Dalmasso, pour relater la formidable aventure du gant à Grenoble à travers un livre paru aux éditions Glénat.
Par ailleurs, autour de l’exposition, le Musée Dauphinois propose plusieurs visites guidées ainsi que des démonstrations. Notamment le dimanche 24 avril de 11 heures à 12 h 30, avec une visite de l’exposition conduite à plusieurs voix, dont celle d’Olivier Cogne, commissaire de l’exposition.
Lequel propose également, le samedi 24 mai, à l’occasion de la Nuit des musées, une démonstration du savoir-faire des gantiers, en présence de témoins et acteurs directs de l’activité gantière grenobloise. D’autres visites, toutes gratuites, sont programmées. Se renseigner en téléphonant au 04 57 58 89 01.