REPORTAGE – Le collectif de bénévoles La Tambrouille s’est lancé un défi depuis 2016 : proposer des repas vegan à prix libre tous les lundis midi sur le campus Saint-Martin‑d’Hères. La cantine autogérée s’adresse en particulier aux étudiants précaires. Les repas, préparés par les bénévoles, sont servis devant le parvis de la Bibliothèque universitaire Droits-Lettres, en marge de la légalité.
Lundi 9 heures. Des membres du collectif La Tambrouille se réunissent pour cuisiner dans le local d’Un P’tit Vélo dans la tête, quartier général de l’Université autogérée, structure créée par des étudiants pour promouvoir l’esprit critique et rebelle. « Aujourd’hui, on fait quoi ? », demande Fabio, 22 ans, étudiant en Psychologie et bénévole pour la Tambrouille. « Un cake aux carottes », répond Juliette, 21 ans, qui suit le même cursus.
Pour préparer le cake aux carottes accompagné d’une poêlée de légumes et d’un crumble aux poires, les bénévoles ont du pain sur la planche. « Certains lundis, nous sommes une dizaine de bénévoles », annonce Fabio en épluchant les carottes. « Quand on est beaucoup à cuisiner, nous faisons de plus grands repas. J’en profite pour préparer des entrées, comme des caviars de légumes », indique Juliette, en allumant le four.
Des recettes vegan compatibles avec tous les régimes alimentaires
Les aliments proviennent du marché de la veille. « On fait le plein au marché Saint-Bruno et au marché de l’Estacade, le dimanche à 13 h 30 », indique Antoine, troisième cuistot de l’atelier. Les bénévoles choisissent une recette en fonction des dons des commerçants, mais toujours 100 % végétale et occasionnellement sans gluten. Un régime alimentaire plus inclusif qui réduit par ailleurs les problèmes d’intoxication. « Ni côtes de bœuf, ni bottes de keufs », lance un bénévole qui a le sens de la contrepèterie.

Légumes et fruits dans l’Atelier de la Trambouille. © Emie Sterninou – Place Gre’net
« On vient quand on veut », explique Antoine. Toute aide est la bienvenue. Chacun peut ainsi contribuer à soutenir ce collectif, en allant récupérer les aliments ou en les cuisinant. Pas besoin de compétences particulières : « Si on ne sait pas cuisiner tel ou tel aliment, on demande ou on regarde sur Internet », précise Fabio. « C’est en cuisinant qu’on gagne des compétences. Pour ma part, j’ai tout appris en faisant des cantines », ajoute Antoine. « Pas de règles, pas de chef ! », telle est la devise de la Tambrouille.
« Chacun met ce qu’il veut et ce qu’il peut dans la tirelire. »
Lundi midi, les étudiants se retrouvent devant le parvis de la bibliothèque universitaire Droits-Lettres et découvrent le repas du jour. « L’hiver, on allume un feu sur un brasero pour se réchauffer », précise Fabio. « Pas de barrières de prix. Chacun met ce qu’il veut et ce qu’il peut dans la tirelire. » Avec l’argent récolté, les bénévoles achètent ce qu’ils ne peuvent pas récupérer : l’huile d’olive, le riz, les pommes de terre ou encore les bouteilles de gaz. Puis, ils versent des dons à l’Université autogérée et au Patio solidaire, centre d’accueil et d’hébergement autogéré.
« On mange pour pas cher, c’est pratique. Je viens le lundi, lorsque je n’ai pas de quoi manger, confie Camille1prénom d’emprunt, étudiant en DUT carrières sociales dont la demande de bourse a été rejetée. Autrement, je prends des tupperwares et je les réchauffe. »
Ces repas ne sont toutefois pas réservés aux étudiants. « On ne filtre pas. On accepte tous les gens dans le besoin », déclare Fabio. « À l’inverse du Crous qui fixe ses prix selon le revenu des parents, la Tambrouille accepte tout le monde », confirme un autre étudiant.
« La Tambrouille, c’est un prétexte pour se retrouver »
Des tréteaux, des planches, quelques chaises et des tables improvisées : chacun trouve sa place à table. « La Tambrouille, c’est un prétexte pour se retrouver, se rencontrer et partager un moment ensemble », explique un bénévole. Mais aussi l’occasion de donner envie de cuisiner aux étudiants.
« C’est quoi la recette ? », questionne une habituée. « Fanes de carottes, pignon de pin, huile d’olive et c’est tout ! », répond Juliette, qui travaille également sur un marché deux fois par semaine.
Les étudiants font comme à la maison : ils se servent, prennent la quantité qu’ils souhaitent, vont s’asseoir et peuvent se resservir à la bonne franquette. À côté des marmites, des grandes louches, des bacs à couverts, une pile d’assiettes et deux seaux pour laver la vaisselle.
Une cantine pirate
Mais cette cantine pirate, sans déclaration préalable en préfecture et qui se veut anti-autoritaire n’est pas du goût de tout le monde. Notamment de la direction de l’Université avec qui la Tambrouille affirme être en conflit. « Ça peut faire peur aux policiers », avance, en outre, un bénévole de ce collectif connu pour taper du poing sur la table, et plutôt méfiant vis-à-vis des médias.
La Tambrouille avait notamment soutenu les collectifs et les associations d’aide aux réfugiés et mal-logés en décembre 2017 pour demander d’héberger plus longtemps les demandeurs d’asile au Patio solidaire.
INFOS PRATIQUES
Pour donner un coup de main :
La récupération se fait le dimanche de 13 heures à 13 h 30 sur les marchés de Saint-Bruno et de l’Estacade ; la cuisine, le lundi à partir de 9 heures dans le local d’Un P’tit Vélo dans la tête, sur le campus de Saint-Martin‑d’Hères.
Pour déguster les repas :
Le lundi, de midi à 14 heures, devant le parvis de la bibliothèque universitaire Droits-Lettres