FIL INFO – Près de 535 kilos d’herbe et 57 kilos de résine de cannabis ont été saisis et neuf personnes interpellées en Isère et dans la Loire, lundi 15 novembre 2021, au terme d’une enquête ouverte depuis un an par le parquet de Grenoble. Quatre d’entre elles ont été mises en examen ce jeudi 18 novembre. La justice les soupçonne de s’être servies de leurs commerces de CBD pour dissimuler un trafic international de stupéfiants. Mais les mis en cause soutiennent qu’ils vendaient du CBD et non du cannabis. Et les taux moyens de THC observés sur les échantillons analysés suscitent le doute.
Cannabis ou CBD trop dosé en THC ? Pour les enquêteurs, la cause est en tout cas entendue. Lundi 15 novembre 2021, les gendarmes grenoblois ont interpellé neuf personnes en Isère et dans la Loire et saisi 535 kilos d’herbe et 57 kilos de résine de cannabis, à l’issue de perquisitions menées chez des commerçants en CBD (molécule naturellement présente dans le cannabis et dépourvue d’effets psychotropes), indique le parquet de Grenoble.
La justice les soupçonne d’être impliquées dans un vaste trafic de stupéfiants entre l’Isère et l’Italie. L’enquête, ouverte par le parquet de Grenoble il y a un an, est partie d’un signalement des douanes, après l’interception d’un colis de 3,7 kilos d’herbe de cannabis en provenance de Rome.
Près de 300 000 euros de recettes mensuelles
Les enquêteurs de la brigade des recherches de Grenoble se sont alors intéressés à son destinataire, un auto-entrepreneur de 29 ans résidant à Varces-Allières-et-Risset et tenant un magasin de CBD (cannabidiol). Ils sont « parvenus à démontrer que son activité servait d’écran à un important trafic international de stupéfiants », précise le procureur de la République Eric Vaillant.
En effet, ajoute-t-il, « c’est sous l’apparence légale d’une entreprise numérique, avec un site internet associé, que les trafiquants ont pu transmettre plus de 2000 colis par mois à leurs clients, aussi bien en France qu’à l’étranger ».
L’entreprise enregistrait « près de 300 000 euros de recettes mensuelles », toujours selon le procureur. Au total, ce sont trois sociétés, situées à Grenoble, Varces et Turin, qui conditionnaient et envoyaient la marchandise. Un montage financier qui a permis de « frauder les administrations et blanchir d’importantes sommes d’argent », selon le parquet.
Quatre personnes mises en examen et placées sous contrôle judiciaire
Valeur de la marchandise saisie : environ 5 millions d’euros à la revente. Plus de 245 000 euros ont également été saisis sur un compte bancaire italien, au cours des investigations menées conjointement par la brigade de recherches de Grenoble et la Guardia Di Finanza italienne.
A l’issue des gardes à vue, trois hommes et une femme âgés de 22 à 29 ans ont été présentés, ces mercredi 17 et jeudi 18 novembre 2021, devant la juge d’instruction. Celle-ci les a « mis en examen pour trafic de stupéfiants, exécution d’un travail dissimulé, blanchiment général et blanchiment de trafic de stupéfiants », rapporte Eric Vaillant. Ils ont ensuite été placés sous contrôle judiciaire.
Pour leur défense, les mis en cause ont assuré qu’ils revendaient du CBD et non du cannabis. Une thèse qui n’a pas convaincu le procureur. « L’analyse de nombreux échantillons démontre que la drogue saisie avait un taux de THC [principe actif du cannabis, aux propriétés psychoactives] en moyenne quatre fois supérieur au taux légal de 0,2 % », objecte-t-il.
« Aucun consommateur n’achètera jamais du cannabis à seulement 0,8 % de THC »
Pourtant, les chiffres fournis peuvent questionner. « Un taux moyen quatre fois supérieur au taux légal, ça ferait donc 0,8 % de THC », relève un vendeur de CBD de la région, qui tient à rester anonyme. « Mais aucun consommateur n’achètera jamais du cannabis contenant seulement 0,8 % de THC », s’exclame-t-il.
De fait, selon une étude de l’Observatoire français des drogues et de la toxicomanie (OFDT), « en 2019, la concentration moyenne en THC du cannabis est de 28 % pour la résine, 12 % pour l’herbe ». « Des chiffres presque stables en 2020″, d’après les données recueillies par Libération, « avec 28% pour la résine et 13% pour l’herbe ».
Pour le commerçant en CBD, la marchandise saisie fait plutôt penser « au CBD vendu en Suisse, où le taux légal de THC est de 1 % ». D’ailleurs, ajoute-t-il, « beaucoup de consommateurs de CBD le commandent sur des sites suisses, pour avoir un produit un peu plus fort, mais vendu légalement là-bas ». « Mais ces gens-là, comme ceux qui achèteraient de l’herbe à 0,8 % de THC, recherchent les effets du CBD, pas ceux du cannabis », affirme-t-il. Affaire à suivre donc…