FOCUS – Après deux ans de préparation, l’exposition Amazonie[s], forêt-monde est enfin ouverte au public et le restera jusqu’au 2 mai 2022 au musée dauphinois à Grenoble. Cette exposition immersive propose des collections ethnographiques évoquant la richesse des cultures ancestrales des peuples d’Amazonie. Tout autant que leur lutte pour résister aux désastres écologiques et aux exactions qui menacent cet écosystème désormais en grand danger.
Que représente l’Amazonie dans nos imaginaires occidentaux ? Enfer vert ? Paradis terrestre ? Forêt vierge ? Longtemps réduite à une forêt tropicale peuplée de groupes isolés, l’Amazonie est aujourd’hui gravement menacée. Autant que les peuples qui l’habitent, engagés depuis 1980 dans la lutte pour leurs droits et traditions et la préservation de leur milieu naturel.
L’exposition Amazonie[s], forêt-monde, installée au musée dauphinois jusqu’au 2 mai 2022, nous invite à un parcours immersif illustrant la richesse culturelle des diverses populations amazoniennes. Mais elle met aussi en exergue les exactions liées à la déforestation massive et les mobilisations autochtones qui ont émergé, leur donnant ainsi une visibilité internationale.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le musée témoigne de son attachement à la diversité culturelle. Il l’avait notamment fait en 2016 à travers l’exposition Nunavik, en terre Inuit ou encore, en 2018, avec Des samouraïs au kawaii, histoire croisée du Japon et de l’Occident. Le musée prend cette fois la route du continent sud-américain, en allant à la rencontre des peuples amérindiens avec cette nouvelle exposition temporaire qui s’inscrit dans le cadre de la saison culturelle départementale L’appel de la forêt.
Le tout grâce à de nombreux partenariats dont ceux avec le Muséum d’histoire naturelle de Lille et le Musée des Confluences de Lyon. Sans oublier la précieuse collaboration de Serge Guiraud, ethnographe, photographe, réalisateur de documentaires et spécialiste des populations amérindiennes d’Amazonie. Ce dernier est également l’auteur de l’album jeunesse La Tribu des femmes guerrières et autres récits d’Amazonie, présenté lors de la première visite de l’exposition organisée le 28 octobre 2021.
Une exposition immersive tout au long de son parcours
« Si l’on parle de l’Amazonie, outre les menaces qui planent sur la forêt et sur ses habitants, c’est aussi le rapport à la nature qui nous a intéressés, explique Olivier Cogne, directeur du musée. À la lumière de nos modes de vie en Occident, on peut se demander si, à un moment, nous avons bien pris le bon chemin. »
Ainsi l’exposition propose-t-elle de longer les sinuosités de l’Amazone pour un parcours ponctué de récits traditionnels et de témoignages sonores. Objets archéologiques et ethnographiques, photographies grand format, vidéo montrant les désastres écologiques qui menacent l’Amazonie… Autant d’illustrations évoquant autant ces exactions que les modes de vie, les croyances et les traditions des peuples autochtones. Mais aussi les liens complexes entretenus avec leur environnement à travers un cheminement aidant à mieux comprendre leur vie ritualisée.
Plus le visiteur progresse virtuellement à travers la vaste forêt amazonienne, plus il découvre l’histoire trop longtemps méconnue de ses habitants1De récentes découvertes archéologiques, présentée dans l’exposition, brisent l’image entretenue depuis le XVIe siècle d’un peuple sans véritable culture. De même, indique le musée, de nombreux objets attestent que le poids de la colonisation n’a pas réussi à effacer leurs modes de vie ancestraux. Des points d’écoute de récits sur les mythes fondateurs des tribus amérindiennes transmis oralement de génération en génération jalonnent le parcours. Et complètent la sensation d’immersion ressentie grâce à la diffusion des bruits de la forêt, de chants et d’ambiances de la vie quotidienne. Un parti pris scénographique dont Fabienne Pluchart, commissaire de l’exposition également nouvelle directrice du musée Hébert, nous explique les fondements
Luttes autochtones : résister pour exister
La lutte que mènent ardemment les militants amazoniens pour leur culture et leur identité n’est pas oubliée. En témoigne la photo d’une Amazonienne pointant la paume de sa main peinte en rouge pour dire « stop ! » aux dépossessions, tout comme le clament les chants qui s’élèvent dans l’exposition. Dans une des vitrines, la coiffe du cacique kayapo Raoni Metuktire symbolise ces combats menés depuis trente ans pour la reconnaissance des droits des peuples d’Amazonie.
En fin de parcours, des portraits en diptyques de Guyanais interrogés illustrent la dualité entre la culture ancestrale dont ils s’éloignent et la culture occidentale qu’ils finissent par adopter. De quoi poser autant de questions « liées à la place majeure qu’occupe cet écosystème à l’échelle de la planète », estime Jean-Pierre Barbier, président du département de l’Isère.