FOCUS – Alors que les policiers grenoblois ont découvert des sachets d’herbe à l’effigie du ministre de la Justice, le procureur de la République note le sens de l’humour des dealers de l’agglomération… pour mieux condamner leur activité. Si le marketing est bien maîtrisé par les trafiquants, la violence est en effet souvent au rendez-vous sur fond de concurrence ou de règlements de comptes.
Des dealers grenoblois armés du sens de l’humour ? C’est en tout cas la qualité que leur prête le procureur de la République de Grenoble Éric Vaillant sur Twitter. Et ceci alors que la police nationale a révélé avoir saisi des sachets « d’herbe de cannabis » à l’effigie.. du ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti. Ou plutôt d’une caricature du ministre, qui semble reprise d’un dessin publié par le « média alternatif » suisse 1dex.
« Les dealers grenoblois ont de l’humour mais restent quand même des trafiquants de stupéfiants qui vendent des produits illicites et dangereux, font vivre dans la peur les honnêtes gens des quartiers qu’ils dominent et exploitent la misère humaine (emploi de mineurs par exemple) », a ainsi déclaré le procureur dans un message publié le dimanche 9 octobre. Soit quelques heures à peine après la truculente découverte des policiers.
Le sens du marketing des trafiquants
En vérité, l’humour des trafiquants grenoblois s’inspire de celui d’une plateforme de vente en ligne. Les sachets en question sont en effet disponibles à l’achat sur un site de vente de « pochons personnalisés ». Éric Dupond-Moretti y figure aux côtés de Pablo Escobar, du Joket ou de Mario et Luigi. Le sachet est « hermétique et inodore », vante le site. Le prix ? 15 euros pour 100 pièces. Et le succès semble au rendez-vous, puisqu’un réapprovisionnement est en cours.
L’affaire souligne à nouveau le sens du marketing des dealers grenoblois. Dans le quartier Mistral en 2018, les revendeurs offraient ainsi un album du rappeur Rohff pour l’achat de dix grammes de cannabis, comme le révélait le média RapRNB. En 2018, les mêmes dealeurs de Mistral vendaient leur cannabis dans des sachets (déjà) personnalisés, estampillés Mistral 38. Ceci après avoir organisé une tombola via Snapchat quelques mois plus tôt.
Au-delà du marketing, le mode de commerce même évolue. À la faveur du confinement, les livraisons à domicile sont devenues courantes. Avec, là encore, l’utilisation des réseaux sociaux pour procéder aux commandes. De quoi inquiéter le parquet de Grenoble, qui annonçait sa volonté de lutter contre le phénomène en février 2021. Pas question, en somme, que « Uber shit » ou « Delivr’Weed » devienne une norme.
Des violences dignes des films de gangster
L’inventivité des dealeurs pourraient faire sourire si elle ne s’accompagnait pas de violences urbaines et de règlements de comptes, perçus comme monnaie courante sur l’agglomération. De quoi amener un jeune rappeur à mettre en scène des dealers armés jusqu’aux dents – dans une vidéo initialement prise au sérieux – pour mieux scander « Grenoble c’est chaud, Grenoble c’est Chicagre ».
Les règlements de comptes prennent en effet bien souvent une dimension particulièrement violente. Le 15 juillet 2021, c’est un véhicule criblé de balles en train de brûler avec un homme mort à bord qu’on découvert les policiers quartier Teisseire. Tandis qu’en août 2020, le récit d’un guet-apens sur la commune d’Eybens n’avait rien à envier à un film de gangster.
La violence en Isère ne se manifeste toutefois pas seulement sur l’agglomération de Grenoble. À Villefontaine, au mois de juillet 2021, un jeune homme de 21 ans était laissé pour mort après un passage à tabac près d’un point de deal. Lundi 11 octobre, la justice indique avoir procédé à l’interpellation d’une dizaine de suspects, au cours d’une opération mobilisant 120 gendarmes. La rivalité entre trafiquants semble la piste privilégiée par les enquêteurs.