CHRONIQUE – En cette rentrée 2021, Place Gre’net s’associe à la radio RCF Isère chaque lundi midi dans la chronique L’Écho des médias. Notre objectif ? Revenir sur une actualité, décrypter une information… ou délivrer quelques coulisses du traitement d’une nouvelle. Pour cette chronique sur RCF 1 du lundi 30 août 2021, retour sur un fait divers qui a fait le tour des médias, locaux comme nationaux. Et dont le récit a sensiblement évolué entre les version initiales et le compte-rendu final de l’enquête.
Retrouvez ci-dessous la chronique RCF 1 sur un fait divers en version texte, et sa version radiophonique en cliquant sur le lecteur ci-dessous.
« Mardi 24 août 2021 à Échirolles, un homme âgé de 81 ans a reçu un coup de couteau dans l’abdomen suite à une altercation avec deux jeunes de 16 et 19 ans. Le rapport de police faisait alors état d’une victime en urgence absolue.
Plus tard dans la soirée, une source judiciaire indiquait que l’octogénaire, et c’est heureux, n’était pas entre la vie et la mort. L’inquiétude n’en était pas moins légitime : il n’y a rien d’anodin à prendre un coup de couteau dans l’abdomen, surtout à 81 ans.
Un des individus aurait crevé les pneus, puis poignardé l’octogénaire
C’est un fait divers et c’est aussi, dans une certaine mesure, un cas d’école. Rapidement, en effet, les informations complémentaires ne sont pas allées dans le même sens que les versions initiales.
Le déroulé même des faits différait de ce qui ressortait des premiers éléments. Dans un premier temps, la police avait décrit un déferlement de violence après une simple remarque. Au volant de sa voiture, la personne âgée aurait demandé aux deux jeunes de se pousser pour le laisser sortir de sa place de stationnement. Immédiatement, l’un des deux individus aurait crevé les deux pneus du véhicule avec un couteau, puis poignardé l’octogénaire avant de quitter les lieux.
Victime qui a trouvé la force d’aller chercher une barre de fer dans sa voiture
Mais, visiblement, ce n’est pas ce qui s’est réellement passé… En réalité, une dispute est survenue après que la voiture ait frôlé, pour reprendre les termes de la justice, l’un des deux jeunes. L’adolescent de 16 ans, atteint d’une légère déficience mentale, a alors violemment replié les rétroviseurs de la voiture, puis brandi un couteau lorsque le conducteur est sorti du véhicule.
Le jeune n’en a pas moins reçu un coup de pied dans l’entrejambe, avant d’asséner un coup de couteau dans le ventre de la victime. Victime qui a encore trouvé la force d’aller chercher une barre de fer dans sa voiture. Tandis que les individus prenaient la fuite. Non sans avoir crevé deux pneus au préalable pour, selon leurs dires, empêcher l’octogénaire de les poursuivre.
Il n’est évidemment pas question de dédouaner l’auteur, présumé, du coup de couteau. Par ailleurs, que faisait un adolescent de 16 ans, a fortiori déficient mental, avec une arme sur lui ?
Chacun a cette propension à adhérer à un récit
Reste que le résultat de l’enquête parvient à une version des faits assez différente du récit original. L’agression demeure toujours aussi absurde et intolérable, mais elle s’inscrit dans un contexte. Elle s’explique, à défaut de s’excuser.
S’il y a une moralité à en tirer, c’est que le temps de l’information n’est pas celui de l’enquête. Les premiers éléments se basent avant tout sur les récits des personnes, et ceux-ci ne sont pas toujours fiables quand ils sont recueillis à chaud. Et chacun, sans doute, média y compris, a cette propension à vouloir adhérer à un récit.
Tant et si bien que le corriger ou l’affiner peut entraîner des réactions pour le moins hostiles, comme nous en avons fait l’expérience. Parce que, collectivement, nous attendons peut-être trop des faits divers, érigés en faits de société. Alors que leur réalité est souvent plus complexe qu’il n’y paraît. »