TROIS QUESTIONS À – Olivier Gonnet vient de prendre ses fonctions comme président du Conseil régional des notaires de la cour d’appel de Grenoble. Un Conseil qui regroupe trois départements : l’Isère, la Drôme et les Hautes-Alpes. Notaire dans une étude à Embrun depuis 2003, Olivier Gonnet succède à Mathieu Fontaine pour un mandat de deux ans non renouvelable. Il a auparavant occupé la fonction de vice-président pour mieux se préparer à la tâche qui lui incombe.
PLACE GRE’NET – La crise de la Covid et les confinements ont-ils eu un impact sur l’activité des notaires ? Comment les études se sont-elles adaptées aux nouvelles règles sanitaires ?
OLIVIER GONNET – Il y a eu des impacts. Il se peut que des jeunes aient malheureusement choisi de s’installer au moment où la pandémie et surtout le confinement ont commencé. Cependant, quand nous sommes sortis du confinement, je me suis dit à titre personnel que nous n’allions rien faire pendant quatre mois. Et, en fait, pas du tout ! Comme beaucoup de professionnels, nous avons une lecture de l’avenir très difficile à faire.
En matière d’adaptation, les outils existaient déjà mais se déployaient lentement. Il y a une certaine solennité à signer les actes sur papier, à se rendre chez le notaire pour avoir l’ensemble des explications quand on achète, pour rencontrer le vendeur, pour visiter une dernière fois le bien, pour la transmission des clés… Tout cela a été balayé par le premier confinement ! Il y a un vrai changement d’habitude. On nous demande des rendez-vous en visio. La signature à distance s’est déployée très rapidement.
Nous avons été encouragés financièrement par le Conseil supérieur du notariat à nous équiper et incités à prêter nos installations à ceux qui ne l’étaient pas encore. Car quand tout le monde a commandé le même type d’équipement au début du confinement, il y a eu un effet de goulot d’étranglement. Il y a donc une solidarité financière dans le prêt des locaux et du matériel. La confraternité qu’on connaissait, très forte entre notaires, l’un des métiers où elle existait le plus, a tendance à disparaître un peu, mais il y a quand même encore des systèmes de solidarité !
PLACE GRE’NET – L’immobilier représente le “gros” de l’activité notariale. Comment celui-ci se porte-t-il depuis la crise sanitaire et suite aux périodes de confinement ?
Les gens se sont aperçu qu’ils n’étaient peut-être pas logés confortablement, qu’ils n’étaient pas satisfaits de leur logement, qu’ils voulaient plus grand ou partir dans un autre lieu… Il y a eu véritablement une prise de conscience de la part des clients d’une volonté et d’un besoin de changer de lieu de résidence, voire de résidence secondaire. Résultat : le marché depuis mai 2020 est extrêmement dynamique ! J’aurais presque tendance à dire que ce qui limite aujourd’hui le nombre de mutations, c’est le manque de biens à vendre. Chaque mois, je me dis que cela ne peut pas durer comme cela indéfiniment, mais pour le moment ça dure…
Nous ne sommes pas les seuls : les cuisinistes sont débordés, les vendeurs de matelas ou de canapés sont débordées… Il y a eu une prise de conscience du confort que l’on peut tirer de son logement et beaucoup de gens sautent le pas. Les artisans sont très contents, les agences immobilières sont très contentes. Après, il reste difficile de savoir comment tout cela va évoluer dans le temps.
Je pense aussi que le marché immobilier en France est sain : quand on achète et que l’on revend de la pierre, il peut y avoir un peu de moins-value, mais on ne fait jamais de mauvaises affaires. Certaines personnes se sont peut-être dit que l’argent sur les contrats d’assurance-vie ne rapportait plus grand-chose et que la garantie des banques était un peu fragilisée. Environ 5 % des gens ont en tout cas décidé de sortir de l’épargne pour acquérir de l’immobilier. Et 5 % sur un portefeuille, ça fait beaucoup de clients.
PLACE GRE’NET – Le notaire a un regard particulier sur les familles, à travers les mariages, les divorces ou encore les décès. Avez-vous senti un effet de la crise sanitaire sur cette part de votre activité ?
Malheureusement, sur une augmentation des décès, oui. À titre d’exemple, dans notre étude, nous faisons habituellement entre 110 et 120 successions par an. Nous en avons fait 150 l’année dernière. Et je pense que tous les notaires ont malheureusement vu cette augmentation.
Le confinement a aussi été un moment de réflexion. Les gens se sont demandé si ce n’était pas le moment de donner à leurs enfants. Nous avons vu des partages : quand vous étiez en indivision avec votre frère ou votre sœur, c’était l’occasion de réfléchir.
En ce qui concerne les mariages, les gens ne se sont pas mariés parce que les cérémonies n’étaient pas possibles, mais nous consultaient quand même sur les contrats de mariage ou les contrats de Pacs. Et puis, des gens non mariés ou pacsés mais qui voulaient tout de même acheter ensemble nous ont aussi sollicités.
J’ai vu quelques divorces, un petit peu plus à la sortie du confinement. Quand vous êtes enfermés chez vous et que vous ne vous supportez plus, ce n’est pas facile de faire une visio pour cela ! Nous avons été sollicités. Nous avons constaté un rythme de séparations ou de divorces un peu plus fort… mais ce n’est pas une explosion.