REPORTAGE – La semaine de mobilisation lycéenne s’est achevée ce vendredi 21 mai par une tentative de blocage du lycée Champollion à Grenoble. Si les forces de l’ordre sont rapidement intervenues pour libérer l’entrée de l’établissement, ce rassemblement était aussi l’occasion pour les élèves mobilisés de sensibiliser leur camarade plus réticents.

Les forces de l’ordre ont averti les élèves qu’elles feraient usage de la force si nécessaire pour dégager l’entrée du lycée. © Sarah Krakovitch – Place Gre’net
« Soit vous vous poussez, soit on va devoir faire usage de la force », annonce le commissaire de police aux élèves qui se tiennent devant les poubelles disposées à l’entrée du lycée Champollion.
Ce vendredi 21 mai au matin, une vingtaine d’élèves ont tenté de bloquer l’entrée du lycée pour protester une nouvelle fois contre la tenue des épreuves du baccalauréat.
Ils dénoncent un bac « inégalitaire » et demandent l’accès aux rattrapages pour tous ceux qui n’auront pas pu valider leur diplôme. Au terme de trois semaines de mobilisation, c’est la première fois que ce lycée a été bloqué par des élèves.
Après avoir demandé aux lycéens de renoncer au blocage sous menace d’usage de la force, le commissaire de police a prononcé trois sommations. À la dernière, les élèves se sont écartés, à contrecœur, pour laisser les forces de l’ordre mettre fin à leur blocus. L’intervention s’est déroulée dans le calme. Les élèves souhaitant aller en cours ont ainsi pu le faire sans encombre, peu avant 8 heures.
Une absence de médiation au sein du mouvement ?
« Restez là ! On se mobilise ! » s’exclame Astrid, lycéenne à la chevelure blonde, en s’adressant aux élèves hésitants, alors que d’autres font le choix de rentrer dans l’établissement. Astrid explique ces difficultés à convaincre ses congénères par la pression de certains parents ou par une peur d’être pénalisé. Selon elle, « beaucoup d’élèves sont d’accord avec nos revendications mais n’osent pas bloquer pour cause d’absence non justifiée ».

Les élèves ont laissé les forces de l’ordre démanteler le blocus peu avant 8 heures. © Sarah Krakovitch – Place Gre’net
« Revendications lycéennes pour l’annulation… » lance une autre militante avec le sourire en tendant un tract à deux élèves qui s’apprêtent à entrer dans l’établissement. Les deux jeunes hommes prennent machinalement le tract dans leurs mains, puis passent la porte du lycée, indifférents. Plus loin, un élève du lycée voisin Stendhal explique que s’il est mobilisé, il est contre le blocage du lycée : « C’est autant mon lycée que celui des élèves qui veulent aller en cours. Cela n’a pas de sens de les empêcher d’entrer. »

Les lycéens tentent de convaincre leurs camarades réticents de se mobiliser. © Sarah Krakovitch – Place Gre’net
Inquiète pour ses élèves, une enseignante du lycée Champollion a fait le choix de se mettre en grève, déclarant « légitimes » les revendications des lycéens. « Ça fait trois semaines qu’ils sont en lutte et qu’ils se font matraquer », s’insurge-t-elle, faisant référence aux interventions musclées des forces de l’ordre devant les lycées de l’agglomération. Surprise par l’absence de médiation au sein du mouvement, elle assure que les adultes ont un rôle d’éducation à jouer auprès des élèves.
Une volonté de sensibiliser les élèves les plus réticents du lycée Champollion
« On veut montrer aux élèves de Champollion qu’on ne les oublie pas », explique Marius, élève de l’établissement et militant de la première heure du mouvement surnommé #bacnoir. « On essaie de sensibiliser les élèves aux raisons qui nous poussent à nous mobiliser », ajoute-t-il. Car au-delà du maintien de certaines épreuves écrites du baccalauréat, ce qui les indigne, est bien la récente réforme de l’examen.
Concoctée par le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, elle introduit le contrôle continu et la suppression des filières. « Ce nouveau bac me dérange beaucoup, bien sûr. La réforme a été faite trop vite », déclare Sibylle, une élève à moitié mobilisée, visiblement peu informée de la mobilisation lycéenne. Elle se réjouit tout de même de la présence d’une professeur ce matin, gage, selon elle, de la « légitimité des revendications lycéennes ».

Les élèves se sont réunis en assemblée générale pour discuter de la suite du mouvement. © Sarah Krakovitch – Place Gre’net
Les élèves ont ensuite organisé une assemblée générale pour discuter des suites de la mobilisation et partager leur ressenti. Certains élèves, à l’image de leurs camarades du lycée Stendhal, proposent de donner une portée artistique au mouvement afin de détruire leur image de « casseurs ».
« On veut que les élèves se posent des questions », explique de son côté Ester, élève du lycée des Eaux Claires. « Il faudrait voir comment faire pour que les élèves se sentent plus concernés par la cause », ajoute-t-elle.
D’autres expriment aussi leur fatigue et leur baisse de motivation à militer. Davantage à cause de la « présence systématique de la police sur leur chemin ». Un élève estime au contraire que la présence continuelle des forces de l’ordre prouve que leur mouvement fonctionne. Et qu’il faut continuer.
Le mouvement devrait se poursuivre la semaine prochaine, avec une manifestation prévue vendredi 28 mai.