REPORTAGE AUDIO – Un rassemblement a eu lieu ce jeudi 11 février à midi sur le parvis de la bibliothèque universitaire de Saint-Martin‑d’Hères. Une trentaine d’étudiants réunis à l’appel de plusieurs organisations ont réclamé la réouverture complète de leur faculté. Une demande pour mettre fin à des conditions d’études et de vie de plus en plus difficiles.
« On demande le retour à 100% en présentiel et des investissements pour le permettre et lutter contre la précarité. » Quentin, étudiant en histoire et militant à l’Unef, retranscrit dans un discours rôdé, mais teinté de lassitude, les volontés et la détresse de certains de ses condisciples. Sa première cible : le plan de retour à l’équilibre prévu par l’Université Grenoble-Alpes (UGA), dont il exige le retrait.
Ce projet aboutira, selon lui, à la réduction du nombre de matières proposées. Son message à l’intention du gouvernement est tout aussi clair. « On a besoin de 950 millions d’euros pour reprendre les cours dans de bonnes conditions et de 1,5 milliard pour lutter contre la précarité. »
Ils étaient ainsi une trentaine à s’être réunis ce jeudi 11 février à midi sur le parvis de la bibliothèque universitaire de Saint-Martin‑d’Hères à l’appel de plusieurs organisations pour notamment réclamer la réouverture complète de la fac : le syndicat étudiant Unef Grenoble, l’Union des étudiant.e.s de Grenoble, le syndicat enseignant FSU, Fridays for future, la CGT Crous…
« Nous ne serons pas la génération sacrifiée »
Au milieu de la manifestation, à deux pas du bâtiment Stendhal, des étudiants tenaient une banderole. En rouge et noir, un slogan explicite, entre cri de rage et d’angoisse : « Nous ne serons pas la génération sacrifiée. »
Et les élèves de se succéder au mégaphone. Tous pour déplorer le peu d’importance que leur accorderait l’État face à des écoles supérieures et classes préparatoires bénéficiant de possibilités plus souples. Un militant a, par ailleurs, réclamé des distributions de masques gratuits. Tandis que l’une de ses alter ego pourfendait des politiques qui voudraient faire payer la crise aux étudiants. « Cet avenir ne nous convient pas. »
« On a du mal à se projeter », regrette Katya, étudiante
Plus que des moyens, tous ont besoin de pouvoir s’imaginer un futur professionnel ou social, alors que les écrans ont complètement remplacé les interactions physiques.
« Ça commence a jouer très fort sur notre moral », lâche dans un souffle Katya, en troisième année de sciences humaines appliquées. Tous ses projets participatifs sont figés. Même les professeurs sont, selon elle, « dépassés » par cette situation. Quant aux étudiants, ils sont démotivés. « Il y a beaucoup de décrochage. » Sa dernière motivation : « Le diplôme à la fin de l’année. »
« On ne peut pas [les] laisser dans cette précarité-là »
Habituée des regroupements contestataires, Émilie Marche, élue La France insoumise (LFI) de la Région Auvergne Rhône-Alpes, est venue soutenir cette démarche. « On ne peut pas [les] laisser dans cette précarité-là ; étudier est un droit. »
Elle pointe du doigt les décisions gouvernementales qui ne facilitent pas la reprise des cours, avec le respect des protocoles sanitaires. « On a donné des millions à des entreprises privées pour ça. Pourquoi on est incapable de donner pour l’enseignement supérieur et la recherche ? » interroge-t-elle.
Des observations partagées par Emmy Marc, secrétaire générale de l’Union des étudiants de Grenoble (UEG) et étudiante en langues étrangères.
Elle dénonce des « effets d’annonce », avec le retour en présentiel un jour par semaine pour les travaux dirigés (TD). Bien souvent, seulement 20% des élèves peuvent venir.
Damien, venu se joindre au groupe par hasard, adhère totalement aux propos tenus. Nouvel arrivant sur le campus, il aurait aimé profiter d’une intégration plus simple. « Comme j’arrive ici, c’est très très dur de sociabiliser avec deux cours par semaine en présentiel. »
Il a commencé en psycho avant de se réorienter vers la faculté d’art du spectacle, quelque peu harassé par les cours à distance. « Rester toute la journée sans bouger c’est compliqué, on décroche assez vite. » Des circonstances que les professeurs déplorent également. Pour cette enseignante en sciences du langage, les visioconférences sont devenues des « radios », à cause des écrans noirs. Pour elle, le retour en classe se fera le 22 février. Et encore, pas avec tout le monde.
Se retrouver et partager ses peines, un besoin crucial des étudiants
Chants vindicatifs et incisifs s’enchaînent, l’ambiance est conviviale. Mais avec la nécessité de s’exprimer et de partager son histoire. Alors les étudiants vont se rassembler dans le bâtiment Stendhal.
Assis à même le sol, en tailleur, ils prennent la parole un par un. L’une raconte qu’elle doit passer ses jours dans un minuscule appartement.
L’autre fait remarquer que tout le monde n’a pas de restaurants universitaires à proximité de son établissement. Ce qui oblige certains à effectuer plus d’une heure de tram pour profiter des repas à 1 euro.
Symbole des difficultés rencontrées par les étudiants : les cantines. Celles du campus Est à Saint-Martin-d’Hères ont plus que doublé leur production, passant parfois de 400 à plus de 800 repas. Des mesures bien accueillies par les jeunes… quand bien même ce premier pas de resocialisation en appelle d’autres.