FOCUS – La chaîne de restauration rapide américaine KFC souhaite installer un restaurant à Grenoble, dans le local de l’ancien bar Le France, à l’angle du cours Jean-Jaurès et de l’avenue Alsace-Lorraine. La Ville a fait connaître son opposition de principe à ce projet, incompatible, selon elle, avec la promotion des circuits courts, des alternatives végétariennes et du respect des animaux.
« KFC ne s’inscrit pas dans notre projet politique et les valeurs que nous portons », affirme Maxence Alloto. L’adjoint aux commerces, à l’artisanat, à l’économie locale et à la vitalité de proximité à la Ville de Grenoble n’y va pas par quatre chemins. L’arrivée probable à Grenoble du premier “fast-food” de la chaîne américaine ne l’enchante pas du tout.
Et il l’a fait savoir à la direction du groupe international. Avec Sandra Krief, adjointe à la condition animale, ils ont ainsi décidé d’envoyer, lundi 25 janvier, un courrier à son président pour le dissuader de s’implanter dans la capitale des Alpes. Et ce pour plusieurs raisons.
Une implantation qui porterait préjudice aux circuits courts
La Ville de Grenoble craint d’abord les effets d’une telle implantation sur la vitalité des commerces du centre-ville. « C’est une grande chaîne internationale. Donc son implantation, notamment en cette période de crise, viendrait un petit peu mettre en difficulté nos commerces de proximité qui souffrent déjà pleinement », redoute Maxence Alloto.
D’autant plus que la Ville entend bien promouvoir les circuits courts et tendre vers le 100 % bio pour la restauration collective à la fin du mandat. L’installation d’un nouveau fast food d’une chaîne internationale irait donc à l’encontre de cette ambition affichée, quand bien même « cette potentielle implantation relève de la libre entreprise et de la libre concurrence » concèdent les deux élus.
Autre problème, soulevé par ces derniers : ce type d’enseigne génère des déchets et donc de la pollution. « Dans le cadre du titre de Capitale verte européenne 2022, ce n’est pas quelque chose qui entre dans les valeurs que nous portons », ajoute Maxence Alloto. En prévision de ce titre, la municipalité soigne en effet l’image de la ville concernant la préservation de l’environnement.
KFC, un modèle alimentaire basé sur l’exploitation animale intensive selon les élus
La Ville de Grenoble reproche également à la multinationale son recours à l’élevage industriel. Là aussi facteur de pollution. « Alors qu’il est urgent de révolutionner notre prise en compte de la condition animale, de modifier nos habitudes alimentaires en réduisant l’alimentation carnée, responsable de 15% des émissions de gaz à effet de serre sur la planète, vous imposez à Grenoble un “modèle” alimentaire basé sur l’exploitation animale intensive, avec des conditions d’élevage désastreuses, sans prise en compte du bien-être animal », écrivent les élus au directeur général.
« La politique que l’on porte est une politique qui vise à ne plus faire appel à l’élevage industriel dans la fourniture de ses matières premières pour la nourriture », insiste Sandra Krief. D’autant plus que ces dernières années, certaines vidéos de l’association L214 mettent en lumière des conditions d’élevage parfois ignobles dans les élevages industriels. Et les élus de rappeler leur volonté d’augmenter à leur niveau « la part de repas végétalisés en réduisant la part de protéines carnées dans les repas ».
Enfin, ceux-ci soulignent que des scientifiques émettent l’hypothèse d’une incidence de ces élevages dans l’émergence de nouvelles pandémies. « On ne veut pas participer à ce système, insiste Sandra Krief. On veut faire appel au maximum à nos éleveurs locaux, aux produits bios. Ça fait partie d’un plan global politique à Grenoble. » Un moyen, donc selon eux, de préserver la santé des Grenoblois en proposant des aliments sains.
Pour toutes ces raisons, les élus « enjoignent » le directeur général de KFC à renoncer à son projet d’installation à Grenoble. « Plus globalement, nous vous encourageons à revoir d’urgence le modèle alimentaire, social et économique de votre société afin de mieux prendre en compte la condition animale, de proposer de véritables alternatives végétariennes, de réduire les déchets générés par vos activités, de travailler en lien avec les territoires, de sécuriser vos salarié-es et de viser la neutralité carbone d’ici 2050 comme nous y engagent les Accords de Paris. » Un vœu pieux ?
Quels moyens d’actions pour contrer la venue de KFC ?
De fait, les marges de manœuvres pour interdire l’implantation du KFC s’avèrent faibles. Pour ne pas dire inexistantes. « D’un point de vue juridique, les outils dont nous disposons restent très limités », concède Maxence Alloto.
Lors d’une transaction qui concerne les murs commerciaux, la Ville peut préempter. Mais, dans le cas du rachat de l’ancien café Le France, il ne s’agit que du fonds de commerce. La Ville peut intervenir uniquement si le commerce se trouve dans les zones estampillées par l’Agence nationale pour le rénovation urbaine (Anru). Or ce n’est pas le cas de ce local. Les autres outils restent très complexes et très coûteux.
« Nous allons saisir le gouvernement très prochainement sur cette question-là pour essayer de trouver un outil juridique qui nous permette dans ce cadre-là de pouvoir préempter tel ou tel commerce », explique Maxence Alloto. En attendant, la Ville espère que son courrier douchera les velléités d’installation de la firme américaine.