FOCUS – Les violences conjugales ont fait la une des journaux le 21 novembre dernier, journée de lutte contre les violences faites aux femmes et aux minorités de genre à l’appel du collectif #NousToutes. Mais la prévention passe aussi par la prise en charge psychologique des auteurs de violence, rappelle l’association Passible. Qui dénonce le manque de moyens général sur cette question, malgré un appel à projets lancé par le gouvernement pour la création de centres de suivi.
« Jusqu’à quand notre pays tolèrera qu’une partie de ses membres restent en danger dans la cellule que l’on qualifie volontiers de pilier de la société, c’est-à-dire la famille ? » Quelques jours après la Journée internationale de lutte contre les violences faits aux femmes, l’association grenobloise Passible s’interroge sur les moyens dédiés à cette question. Et le fait savoir dans une lettre ouverte1Cette lettre était signée par les membres du bureau de l’association Passible, à savoir, la présidente Danielle Durand-Poudret, le trésorier Pascal Caluori et la secrétaire Brigitte Périllié., adressée aux élus et représentants des services publics.
Spécialisée dans la prise en charge des auteurs de violence, Passible a récemment été mise en avant par la Métropole de Grenoble. À l’occasion de la Journée internationale, l’intercommunalité a en effet diffusé un clip (ci-dessus) donnant la parole à l’un d’eux, suivi par l’association. Le but ? Jouer la carte de la « prévention primaire (éviter le passage l’acte) et de [la] prévention de la récidive ». Et ceci autour d’un message « plus audible de pair à pair ».
Six mois d’attente pour une prise en charge
Pour Passible, « sanctionner et aussi soigner l’auteur.e est une garantie de la prévention de la réitération de l’acte violent ». Et l’association de se décrire comme positionnée sur deux aspects de la lutte contre les violences : la prévention et la réparation. « Elle intervient, si elle en a les moyens, en amont du passage à l’acte ou après, lorsque que l’auteur.e. n’est plus “passible” d’une sanction mais est effectivement condamné à une obligation de soin », écrit-elle.
Et la question des moyens pose précisément question. D’une part, en théorie, la prise en charge psychologique des auteurs de violences devrait être assurée par les centres médico-psychologiques (CMP). Problème : ceux-ci doivent accueillir en priorité « les malades psychotiques, jugés plus dangereux ». Une conséquence, selon Passible, de « la pénurie de moyens des services publics de psychiatrie ».
D’autre part, si une structure comme Passible veut remédier aux difficultés rencontrées par les CMP, les moyens lui font aussi défaut. L’association considère ainsi qu’il lui manque 35 % de son budget pour fonctionner a minima. Et même qu’il lui « faudrait doubler son budget actuel pour fonctionner correctement ». Résultat ? Des temps d’attente pouvant atteindre six mois pour des personnes susceptibles de passer à l’acte… ou contraintes à un suivi par obligation judiciaire.
Un appel à projets du gouvernement jugé inadapté
Le gouvernement a pourtant lancé un appel à projets pour la création de « centres de suivi et de prise en charge des auteurs de violences conjugales » dans les régions. Avec pour objectif un déploiement sur l’ensemble du territoire national d’ici 2022. Le gouvernement entend ainsi « structurer l’émergence d’une offre de prise en charge complète et homogène ». Tout en favorisant « des partenariats locaux autour de ces dispositifs, à l’intersection du judiciaire, du sanitaire et du social ».
« Une petite avancée », estime Passible… mais aussi « la démonstration flagrante d’une méconnaissance du terrain ». En effet, « ce domaine d’intervention n’est pas assez structuré, voire inexistant sur la plupart des territoires », juge l’association. Qui décrit, pour la seule partie Rhône-Alpes de la région Aura, des acteurs locaux qui ne se connaissent pas suffisamment et ne disposent pas des infrastructures nécessaires pour se porter candidats.
« Autant dire qu’il y aura peu d’élus et que l’État pourra faire des économies sur ce projet », ironisent les responsables de Passible. Des économies qui ne suffiront pas pour financer « les réparations en termes de réponses judiciaires, de soins, d’aides sociales et familiales, de réinsertion économique et d’aide sociale à l’enfance et de logement ». Autrement dit, conclut la lettre, « un choix qu’en tant que citoyen.ne.s nous ne pouvons et voulons plus tenir ».
Florent Mathieu
1 Cette lettre était signée par les membres du bureau de l’association Passible, à savoir, la présidente Danielle Durand-Poudret, le trésorier Pascal Caluori et la secrétaire Brigitte Périllié.