FOCUS – Ce 22 octobre 2020, le CHU organisait un point presse afin de présenter les dernières évolutions de la Covid-19 et leur impact sur le fonctionnement des services sanitaires. Sans surprise, la circulation du virus est chaque jour plus importante. De ce fait, les hôpitaux déprogramment des interventions non urgentes afin de libérer des places dans les services de soins critiques.
La direction du CHU l’a annoncé dès le début : cette conférence ne va pas ressembler aux précédentes. « Nous sommes entrés dans une phase d’augmentation et d’accélération des hospitalisations pour raisons Covid qui est vraiment très importante. » Au 22 octobre, près de 200 patients sont hospitalisés sur le territoire Grenoble Sud-Isère. Qui comprend le Chuga, mais également le Groupe hospitalier mutualiste (GHM), celui de Voiron, ainsi que les cliniques des Cèdres et Belledonne.
Selon les médecins du CHU, c’est 52% de plus qu’au plus fort de la première vague. « La situation est alarmante », ont-ils déclaré. De ce fait « tous les axes préparés sont mis en œuvre aujourd’hui ». Tout particulièrement la déprogrammation des activités non urgentes, suivant les récentes consignes de l’Agence régionale de santé Rhône-Alpes (ARS).
« On vient de passer un cap », déclare Patricia Pavese, chef du service de maladies infectieuses. Qui ajoute : « on le sent particulièrement depuis la fin de la semaine dernière. »
198 patients hospitalisés sur le territoire
Le 28 septembre, alors que le gouvernement décrétait la fermeture des bars à 22 heures, le CHU lançait le plan blanc. Il y avait alors 72 patients hospitalisés pour cause de Covid. Dont 22 en soins critiques. La direction du CHU a expliqué cette semaine que les soins critiques comprennent « la réanimation et les soins intensifs, également appelés « soins continus ».
Le 21 octobre, 198 patients étaient hospitalisés, dont 62 en soins critiques. Parmi ceux-ci, 146 l’étaient au CHU, 37 au GHM, 9 à Belledonne, et 6 aux Cèdres.
Le taux d’incidence au 20 octobre ? 423 positifs pour 100 000 habitants. Plus inquiétant encore, chez les personnes de plus de 65 ans, il est désormais de 334. « Un prélèvement sur 5 est positif », ajoute Patricia Pavese.
En effet, le taux de positivité a dépassé les 20%. Et ce chiffre « correspond à ce qu’on trouve sur le reste de la France ».
On ne peut donc pas l’imputer à l’augmentation du nombre de prélèvements par semaine, qui est de 1958 sur 100 000 habitants en Isère. Un taux de dépistage supérieur à la moyenne française.
Comme annoncé le 15 octobre, le centre de dépistage du campus effectue désormais des tests Trod à résultat rapide pour les asymptomatiques. Sur 200 testés, seulement trois ont été positifs. Cependant, il s’agit d’un essai qui sert surtout à valider… le test lui-même. En effet, la validité de cette procédure nouvelle est sujette à caution.
Par ailleurs, « la population à qui on applique les tests PCR n’a pas changé », selon Monique Sorrentino, la directrice générale du Chuga. L’augmentation fulgurante des taux de positivité est donc bien un indicateur, s’il en était besoin, de la forte accélération de la circulation du virus.
Remise en place de Covid à dom′
Selon Guillaume Debaty, responsable du SAMU, la proportion d’appels Covid a également
augmenté. Au 21 octobre, on compte entre 200 et 250 appels par jour. Le nombre d’appels concernant des suspicions chez les personnes dites à risque est également en hausse.
Pour pallier cette situation, le service Covid à dom′, arrêté au 20 mai, a tout juste été remis en place. Visant les personnes âgées ou fragiles, tout particulièrement ceux qui ne peuvent être suivis par leur médecin traitant, il permet de rassurer comme d’assurer le suivi à domicile des patients Covid. Et ainsi, de n’hospitaliser que si c’est absolument nécessaire. Ce système a permis durant le printemps de traiter 960 patients, dont 257 simultanément au plus fort de la vague.
Guillaume Debaty souhaite également rassurer les autres patients, qui, selon lui, peuvent avoir « peur de venir aux urgences ». « On s’est organisés pour pouvoir prendre les patients non-Covid sans qu’il n’y ait de perte de chance pour eux », assure t‑il.
Des déprogrammations mûrement réfléchies
Le 19 octobre, l’ARS a demandé de déprogrammer les hospitalisations complètes pour lesquelles « cela n’occasionnerait pas de perte de chance au patient ». Une directive immédiatement appliquée par le CHU. Cependant « cette déprogrammation n’est pas suffisante », selon la direction du CHU, puisqu’il faut également pouvoir accueillir tous les patients urgents non-Covid.
Le 21 octobre, à la cellule territoriale, les dirigeants des différents groupes hospitaliers ont donc décidé d’augmenter les déprogrammations. Objectif : créer des unités qui prendraient en charge les deux types de patients. Et ce, en transformant des unités chirurgicales en unité de médecine. Et certains lits de soins intensifs en lits de réanimation.
Les interventions qui « peuvent attendre deux ou trois mois » sont donc déprogrammées. Tandis que tout ce qui concerne le cancer, y compris le dépistage, est maintenu. En mars, « tout avait été déprogrammé sauf les urgences et les opérations de cancer urgentes ». Sur 87 lits en chirurgie conventionnelle, 61 sont ainsi actuellement occupés. « Les lits vacants le sont grâce à la déprogrammation », explique le représentant du GHM.
L’idée est également de libérer des personnels soignants. La maladie ne les épargne pas et leur absentéisme potentiel inquiète les médecins du territoire. En effet, 100 membres du personnel hospitalier (sur 11 000) sont aujourd’hui positifs. Contaminés, selon la direction du CHU, non pas à l’hôpital où les mesures de sécurité sont strictes, mais dans la sphère privée.
L’ARS, au mois de mars, avait délivré une autorisation provisoire au GHM pour pratiquer la réanimation. Cela va peut-être se reproduire, alors que 10 lits de soins intensifs sur 12 (bientôt 18) accueillent des patients Covid.
« Un tiers de ces nouveaux clusters se situe en Ehpad », selon l’ARS
Dans le même temps, l’ARS s’est inscrite dans le plan de lutte contre l’épidémie dans les Établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS). Celui-ci a été publié par le ministère des solidarités et de la santé le 1er octobre. En effet, en Auvergne-Rhône-Alpes, le nombre de clusters augmente. Au 22 octobre, 175 clusters à criticité élevée sont identifiés, dont 39 nouveaux. Et, selon l’ARS, « un tiers de ces nouveaux clusters se situe en Ehpad ». Au total, « 86 clusters de criticité élevée sont actuellement déclarés dans les Ehpad de la région. Soit la moitié du total des clusters. »
Déjà au 15 octobre, 878 Ehpad avaient fait l’objet d’un dépistage. 27 809 résidents et 32 877 professionnels ont été testés. 11,9 % des résidents et 4,6 % des professionnels testés étaient positifs. Selon l’ARS, « une grande partie des clusters, en Ehpad notamment, sont du fait d’un manque d’application des gestes barrière des personnes extérieures lors des visites à leurs proches. »
Dans ce contexte, un plan de protection de ces établissements a été lancé. Parmi les actions engagées, on trouve l’activation d’une cellule de crise dans les établissements. Le renforcement des mesures barrières, avec une « vigilance sur les temps de regroupement des personnels ». Mais également l’appui des services hospitaliers aux établissements médico-sociaux, « à travers des astreintes gériatriques », et « l’intervention des équipes mobiles d’hygiène [et] des équipes de soins palliatifs et de l’Hospitalisation à domicile (HAD). »
Par ailleurs, le plan prévoit la mobilisation des référents hospitaliers en hygiène dans chaque territoire, la « constitution de stocks suffisants » en équipements de protection individuelle, en médicaments et en produit de nettoyage. Ainsi que le « renforcement des mesures barrière autour des résidents contaminés sans leur faire courir un risque de rupture lié à l’isolement. »
Ainsi, l’éventuelle suspension des visites doit être « proportionnée et de courte durée (15 jours au maximum) ».