FOCUS – La MC2 démarre une nouvelle saison culturelle riche malgré le contexte sanitaire particulier. Rencontre avec son directeur Jean-Paul Angot, qui nous parle de l’actualité de cette rentrée en compagnie de Serge Papagalli, auteur d’un nouveau spectacle : « Western ! »
La MC2 reprend du service après l’arrêt estival provoqué par la crise du coronavirus. Il est possible d’acheter les billets aux guichets ou bien de réserver ses places en ligne.
« Le premier de nos soucis, c’est l’accueil du public, affirme le directeur Jean-Paul Angot. Nous sommes très scrupuleux par rapport aux mesures adoptées. » Objectif : fluidifier les entrées de salle et les files d’attente en s’appuyant sur un « vademecum du ministère de la Culture ».
« Chaque personne aura une place assise », assure-t-il. L’indice Covid étant au rouge dans l’agglomération grenobloise, seule une place sur deux est disponible. Période compliquée pour la MC2 donc, mais aussi celle du renouveau, avec cette programmation de rentrée. Un lancement de saison après une longue incertitude, dont la création locale est le maître-mot.
Après le premier spectacle Zaï Zaï Zaï Zaï qui affichait complet fin septembre à l’Odyssée d’Eybens, la saison se poursuit les 6 et 7 octobre avec la chorégraphe Catherine Diverrès. Cette grande figure de la danse contemporaine nous propose de (re)découvrir deux créations majeures de son répertoire : le solo Stance II et le duo Dentro.
Suivra du 6 au 9 octobre Le Jardin de mon père, écrit et mis en scène Ali Djilali-Bouzina. Un spectacle inspiré du récit autobiographique de son père, de son immigration forcée et de son “atterrissage” en Alsace. Stefano Di Battista reviendra quant à lui le 9 octobre sur le devant de la scène, avec cette fois-ci un projet dédié au compositeur émérite Ennio Morricone. Puis suivra le très attendu spectacle de Serge Papagalli.
Un Western façon dauphinoise ?
Originaire de Grenoble où il a fait ses débuts en 1971, l’auteur, metteur en scène et comédien Serge Papagalli propose en effet un tout nouveau spectacle sur le thème du western pour fêter ses 50 ans de carrière. Une comédie produite par la MC2, qu’il a écrite et mise en scène.
Il jouera ainsi, aux côtés de treize autres comédiens, du 13 au 22 octobre prochains dans la salle Georges Lavaudant. Au total, Western ! sera présentée huit fois à la MC2 et huit autre fois dans différentes villes de l’Isère. « Pas question qu’on tourne ce spectacle 100 fois ! », affirme en riant le comédien, célèbre au-delà des frontières iséroises, en particulier depuis la série Kaamelott. Il joue d’ailleurs un rôle dans le dernier film d’Alexandre Astier, Kaamelott, premier volet, qui sortira le 25 novembre.
Personnage haut en couleurs, Serge Papagalli explique avoir souhaité « comme toujours » réaliser cette pièce « avec des gens qui [l”]aiment et de préférence qu[’il] aime également. » D’ailleurs, « les gens sont choisis avant que j’écrive la pièce », confie-t-il.
Son casting est paritaire, « par hasard ». Sept hommes et sept femmes, dont chacun incarne un archétype. Par exemple, un couple d’Amish, représentant « des illuminés, fous de Dieu ». « C’est Macron qui m’a copié ! », s’amuse le réalisateur. S’il a « hésité à faire un péplum », c’est finalement dans l’univers du western spaghetti que se déroule l’intrigue. D’une part, selon Jean-Paul Angot, dans « un monde nouveau, un pays nouveau. » Mais également, dans une ambiance dont tout le monde possède une certaine expérience.
« Le western fait partie de notre mémoire », affirme Serge Papagalli. « J’ai adoré les westerns, étant jeune. Aujourd’hui, je les apprécie toujours. Mais je préfère Sergio Leone à John Wayne. » Se revendiquant « cinéphage », il a d’ailleurs reproduit à l’identique certains accessoires de films cultes pour les besoins de ce western musical hors du commun.
La MC2 dans tous ses états
Au programme également à la MC2, une exposition de Bruno Boëglin, « Une vie dans le désordre des esprits », à voir du 13 octobre au 5 décembre 2020. Cette exposition « prolonge le travail théâtral du metteur en scène à travers des photographies, tableaux et textes qui traversent son œuvre. »
Mais aussi Les Contes et légendes, mis en scène par Joël Pommerat, du 27 au 31 octobre. « Un ensemble de petits récits, où se croisent des enfants et des robots ». Le cadre ? « Une société futuriste dans laquelle des robots humanoïdes seraient intégrés à notre quotidien. »
Suivra une pièce de théâtre d’Élise Chatauret, du 3 au 7 novembre, À la vie sur le thème difficile de la mort et de l’accompagnement des personnes en fin de vie. La scénariste a travaillé à partir de son expérience personnelle récente mais aussi de l’évolution des perceptions individuelles de la mort. Écrite dans le contexte actuel, cette pièce est aussi bien une réflexion éthique sur les aspects médicaux qu’une incursion psychologique dans les représentations sociales autour du décès.
Sur le même thème, du 3 au 7 novembre également, La Morsure de l’âne, par Émilie Leroux, basée sur un texte de Nathalie Papin, raconte l’histoire de Paco. Dans un monde irréel, puis un entre-deux, celui-ci dérive, tiraillé entre ses pulsions de vie et de mort. Une pièce accessible aux enfants à partir de 10 ans.
Autre temps fort : Héritiers, écrit et mis en scène par l’auteur grenoblois Nasser Djemaï. L’intrigue se déroule au sein une vieille demeure bourgeoise isolée à la campagne. « Autrefois symbole d’accomplissement social, elle est aujourd’hui devenue un gouffre financier et source de discordes : vouloir la conserver à tout prix pourrait engloutir entièrement chaque membre de la famille. » Une pièce dont on ne sort pas indemne, servie par une mise en scène magistrale et des comédiens engagés au service de personnages aux portraits psychologiques très fins… À ne surtout pas rater !
Et enfin, pour terminer cette première partie de saison et l’année 2020 sur une note légère, Les Aventures d’Hektor du 8 au 17 décembre. Un solo clownesque d’Olivier Meyrou et Stéphane Ricordel qui, malgré son ambiance kafkaïenne, est accessible aux enfants à partir de 7 ans.
Laure Gicquel
UN NOUVEAU DÉPART POST-COVID POUR LA MC2
En plein cœur de la crise du Covid, la MC2 a dépassé la barre des 15 000 abonnés sur sa page Facebook et connu un très fort engagement de sa communauté (partages, likes, commentaires). Véritable institution grenobloise, la grande maison a malgré tout été durement frappée par la situation sanitaire.
« Les habilleuses ont fabriqué, en partenariat avec d’autres structures, 1500 masques. On les nettoyait en interne », témoigne Jean-Paul Angot. […] Mais surtout, il a fallu traiter les annulations, les reports, ce dans un esprit de solidarité avec les équipes artistiques. »
Sur une trentaine de spectacles programmés au printemps, six seulement ont en effet pu être été reportés, les autres ayant dû être annulés. Et pour cause : « La saison suivante était déjà prête. Cela a provoqué plein de chocs dans les compagnies, » nous confie Jean-Paul Angot. Durant le confinement, la MC2 a malgré tout payé tous les spectacles. « Et on a vérifié que l’argent servirait à l’emploi par la suite », assure le directeur.
L’idée était alors de retrouver du public par petits groupes, à travers des clins d’œil musicaux, littéraires ou chorégraphiés. Dès le 1er juillet, la vente des tickets a également repris en ligne. Et l’été a servi aux répétitions. Le but ? « Apporter de la joie, du spectacle, du plaisir. » Ce dans un contexte de fort impact social et économique de la crise. « Notre fonction : continuer. Il faut vivre ! Il faut vivre !! » s’exclame le directeur.
Jean-Paul Angot, qui sera remplacé au 1er Janvier 2021 par Arnaud Meunier, déclare d’ailleurs « partir le cœur léger ». Et ajoute : « J’ai fait ce que j’avais à faire, dans le souci de préserver mon métier et ma maison, la plus belle maison de France. »