FOCUS - La sécurité des Grenoblois était au centre des premiers échanges du conseil municipal de ce lundi 28 septembre 2020. D'entrée de jeu, deux élus des groupes d'opposition ont ainsi interpellé Éric Piolle sur les actions de la majorité face au sentiment d'insécurité des habitants révélé par un récent sondage. Pas de quoi déstabiliser le maire, prônant à l'envi le triptyque « prévention, répression, solidarité ».
À l'ordre du jour du conseil municipal de ce lundi 28 septembre 2020, 92 délibérations attendaient les votes des conseillers municipaux siégeant – crise sanitaire oblige – tous masqués et en l'absence de tout public.
Toutefois, avant d'aborder les premiers débats, c'est bien le thème de la sécurité des Grenoblois qui s'est invité à l'occasion de la séquence des questions orales précédant habituellement les premières délibérations.
« La délinquance est un fait incontestable à Grenoble »
Première à porter l'estoc, Émilie Chalas. « Nous avons eu un été chaud avec des fusillades, des voitures brulées et trois morts, suivi d'une rentrée sous les feux de la rampe à coup de petites phrases et de communication », rappelle l'élue. Qui se souvient également du récent sondage révélant qu'une majorité de Grenoblois « ne se sentent pas en sécurité et semblent favorables à la vidéoprotection ». L'occasion d'évoquer les 2 millions d'euros proposés par Laurent Wauquiez, le président de la Région, pour financer un tel système. « Pourquoi les avez-vous refusés ? », questionne Émilie Chalas, arguant « que cela serait toujours ça de moins à payer pour la Ville ».
La députée l'affirme, « la délinquance est un fait incontestable à Grenoble », citant ainsi des propos prêtés à Éric Vaillant, le procureur de la République.
De surcroît, relate-t-elle, « j'ai demandé des effectifs au ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et soutenu notre territoire. Lui vous conjure de travailler avec l'État ».
Quant aux quatorze policiers supplémentaires obtenus lors de la fameuse rencontre Piolle - Darmanin, Émilie Chalas s'inscrit en faux. « Vous n'avez rien gagné, ces effectifs étaient déjà prévus », rectifie sèchement la conseillère municipale. Du reste, complète-t-elle, « j'ai demandé au ministre d'aller plus loin et j'espère bien obtenir des avancées majeures sur la sécurité pour Grenoble ».
Mais ce n'est pas tout. « On nous rapporte, poursuit Émilie Chalas, que les effectifs de la police municipale (PM) ne sont pas au complet et que les agents souffrent. Vous l'avez contesté », souligne-t-elle. Autant de preuves manifestes, se targue l'élue, « que ce que j'ai dit [au cours de sa campagne, ndlr] était donc vrai ! »
« Vous ne pensez qu'au national [...] pour mener votre bataille présidentielle »
Émilie Chalas pousse le bouchon encore un peu plus loin, accusant Éric Piolle d'avoir « mis la pression » sur le directeur de la PM « pour qu'il ne la reçoive pas ». D'autres griefs ? Oui. Notamment le refus d'un débat avec la députée et « l'absence de réponse à des journalistes qui voulaient visiter le centre de vidéosurveillance existant ».
Très remontée, Émilie Chalas en vient au terme de sa question orale. « Vous ne pensez qu'à débattre au national pour vous faire connaître et mener votre bataille présidentielle. Je suis inquiète pour Grenoble. Qui, pendant ce temps-là, qui va s'occuper de nous ? » Surtout quand on sait, ajoute-t-elle, « que l'adjointe à la sécurité (sic)1Élisa Martin n'est plus adjointe à la tranquillité publique mais première adjointe aux quartiers populaires et à l'égalité républicaine., Élisa Martin « s'engage dans la campagne des régionales ».
« Ma question est donc simple, M. le maire : soyons sérieux, qu'allez-vous enfin faire ? Peut-on envisager de travailler ensemble ? Allez-vous prendre votre part ? », interroge Émilie Chalas.
« Nous ne pouvons plus parler de sentiment d'insécurité mais d'insécurité tout court »
Les mêmes préoccupations sécuritaires animent les membres du groupe d'opposition Société civile, divers droite et centre (SCDDC). En la matière, Nathalie Béranger décrit « une situation exceptionnelle jamais connue sur le territoire ». Selon la conseillère municipale qui se livre à un sévère réquisitoire, « des quartier entiers sont victimes d'une délinquance agressive, imposant sa loi et ses modes de vie ». De plus, poursuit-elle, « cet été meurtrier a donné de Grenoble une image désastreuse nuisant considérablement à son attractivité et à la valeur des biens immobiliers ».
Une entrée en matière très incisive, taillée sur mesure, visant à « dénoncer l'immobilisme municipal » en matière de sécurité des Grenoblois. Car, prévient très solennellement Nathalie Béranger, « il nous faut agir pour ne pas laisser l'impunité s'installer en lieu et place des lois de la République. Nous ne pouvons dès lors plus parler de sentiment d'insécurité mais bien d'insécurité tout court ».
Ceci posé, le groupe appelle « à la réflexion commune », proposant l'élaboration d'un « plan sécurité » pour la ville « qui pourrait bénéficier de l'aide de Laurent Wauquiez ». Et qui permettrait aussi de solliciter le fonds interministériel pour la prévention de la délinquance (FIPD), en vue de financer des équipements.
« La PM doit disposer des mêmes armes législatives que la police nationale »
Les propositions du groupe ? Tout d'abord, la mise en œuvre d'un PC gérant un réseau de vidéoprotection opérationnel 24 heures sur 24, « étendu aux communes qui le désirent ». Ensuite, le groupe SCDDC milite pour le renforcement et l'armement de la police municipale et l'assermentation des personnels des bailleurs sociaux « sur la base du volontariat ». L'objectif ? Pouvoir dresser des procès-verbaux et demander l'expulsion des trafiquants de drogue des HLM.
Autre vœu : celui qu'Éric Piolle se joigne aux quatorze maires de France qui ont demandé un accès total aux fichiers consultables par la police nationale. Tels ceux des permis de conduire, des voitures volées, des personnes recherchées et des fichés S. Le tout en attribuant à la PM de nouvelles prérogatives lui permettant d'effectuer des contrôles d'identité.
Mais aussi d'accomplir d'autres tâches répressives, comme fermer des établissement ne respectant pas les arrêtés municipaux. « Nous avons besoin d'une PM disposant des mêmes armes législatives que la police nationale déjà bien surchargée », argumente Nathalie Béranger.
Enfin, « nous proposons de mettre en place le projet de participation citoyenne porté par Romain Rambaud pour faire le relais entre les habitants et les polices nationale et municipale », termine l'élue.
« Mal nommer les choses c'est ajouter au malheur du monde »
« Les tensions entre les élus locaux et le gouvernement ne datent pas d'hier », a pour sa part rappelé Éric Piolle, tout en s'aidant d'exemples compilés dans la presse de la dernière décennie. « Derrière les éditoriaux conservateurs et les récupérations politiciennes, il y a des habitants. Certains sont prêts à salir – il y en a dans cette assemblée – les territoires qu'ils représentent », fustige le maire. « Faire cela, c'est faire du mal aux habitants de Grenoble et aux associations qui font face à une offensive néolibérale qui les précarise encore plus sur les plans social et d'égalité des droits ».
Pour autant, « dire cela, ce n'est pas nier les difficultés que connaissent les Grenoblois au quotidien, relativise le maire de Grenoble. Nous partageons et subissons la réalité de ces difficultés ». Cependant, enchaîne-t-il, citant Albert Camus, « mal nommer les choses c'est ajouter au malheur du monde ».
Aux deux questions orales proposant, selon lui, une même approche de la sécurité « par l'unique porte d'entrée de la répression », le maire va opposer une réponse groupée. Non sans avoir rappelé, s'aidant de formules percutantes, les différents épisodes qui ont marqué l'histoire de la sécurité à Grenoble.
Tels le discours « déshonorant » de Sarkozy à la Villeneuve, qui a aussi mis fin à la police de proximité. Mais aussi la « politique du chiffre » des différents ministres de l'Intérieur, ou encore « l'ensauvagement » dénoncé par Darmanin. Lequel, ironise-t-il, « a foncé tête baissé dans le buzz » de Mistral, « quitte à stigmatiser tout un quartier qui n'en avait pas besoin ».
Plutôt que le seul axe répressif, le triptyque « prévention, répression et solidarité »
« Votre boussole n'est pas la mienne », rétorque le maire aux deux groupes l'ayant interpellé. « Ma position est claire : il faut réaffirmer les compétences, préciser le qui fait quoi, éviter la défausse de l'État et privilégier la complémentarité des polices nationale et municipale. »
Reconnaissant la réalité des problèmes liés à la délinquance, le maire reste néanmoins persuadé que plutôt que favoriser une approche répressive, il convient mieux « de les prendre à la racine ». Notamment en travaillant sur les causes et non pas sur les conséquences de toutes les insécurités, insiste-t-il, et pas seulement sur celle due au trafic de stupéfiants. Les trois piliers structurant la politique de la municipalité ? Le triptyque « prévention, répression et solidarité » prôné à l'envi par l'édile grenoblois.
Pour ce qui concerne spécifiquement la prévention, la municipalité privilégie la présence, le dialogue, la médiation sur le terrain, ainsi que la tranquillité résidentielle. Ainsi, quatorze correspondants de nuit interviennent-ils dans les quartiers de la Villeneuve et du Village olympique.
Un deuxième dispositif sera déployé dans plusieurs autres quartiers de Grenoble en 2021, le tout pour un investissement global de 260 000 euros.
« Une somme que je préfère investir dans l'humain », indique Éric Piolle. Qui, au même titre, cite encore le plan d'action sur la santé soutenu à hauteur de 200 000 euros par la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca). L'occasion pour l'édile de rappeler, à l'instar de trois autres maires LR, l'urgence de « lancer enfin une réflexion sur l'encadrement et la régulation de l'usage du cannabis ».
Bientôt une police de l’environnement assermentée
Quant aux deuxième volet du triptyque, la répression, Éric Piolle considère qu'il faut « être intraitable envers ceux qui ne respectent pas les lois de la République ». Et réaffirme « une collaboration de tous les jours entre les polices nationale et municipale ». Notamment à travers un lien direct avec la Direction départementale de la sécurité publique de l'Isère (DDSP 38) et l'augmentation des effectifs de la police nationale (68 en 2018 et 14 prévus pour février 2021).
Éric Piolle mentionne également les 101 caméras situées sur l'espace public, un chiffre qui devrait, assure-t-il, « légèrement augmenter » avec un déploiement « là ou elles sont efficaces ». Sans oublier la vidéo-verbalisation pour lutter contre la violence routière et le déploiement d'une police de l'environnement assermentée pour le combat contre la pollution, les dépôts sauvages et les détritus.
Enfin, troisième pilier, la solidarité qui peut aussi renforcer la sécurité. Ne serait-ce, mentionne Éric Piolle, que pour accompagner les habitants en difficulté. « Nous travaillons tous les jours avec les associations pour combattre les discriminations et accompagner les victimes », a rappelé le maire. Un mission qui doit se concrétiser notamment à travers l'ouverture d'une maison d'accueil pour les victimes et un grand plan contre le harcèlement de rue.
En conclusion, explique Éric PIolle, « la lutte contre l'insécurité est une tâche complexe qui n'est jamais payée d'effets immédiats mais notre plan d'action est clair ».
Joël Kermabon
1 Élisa Martin n'est plus adjointe à la tranquillité publique mais première adjointe aux quartiers populaires et à l'égalité républicaine.
2 réflexions sur « Conseil municipal : l’offensive sur la sécurité des oppositions n’a pas affolé la boussole d’Éric Piolle »
La sécurité selon Piolle racontée par les policiers municipaux sur RMC et au DL :
• On nous demande simplement de fermer les yeux. La politique de la ville, c’est la verbalisation de véhicules et pas du tout d’aller dans les quartiers s’occuper des problèmes de délinquance.
• Oui, on réfléchit à quitter la police grenobloise.
• Cette interview [chez Bourdin] est scandaleuse, l’effectif de la police municipale n’est pas plus important depuis sa nomination ; ses propos, c’est de la provocation. Il veut qu’on se mette en grève ?
• Quand on entend Éric Piolle dire qu’il a instauré une deuxième équipe de nuit, les poils se dressent sur nos bras. Elle est où cette deuxième équipe ? C’est un mensonge.
• Soit nos revendications ne remontent pas, soit le maire est sourd. Ah si, on a fait quelque chose pour nous en juillet. Il y avait tellement d’arrêts de travail qu’ils nous ont envoyé une psy.
• Les policiers municipaux à Grenoble se sentent dénigrés, se sentent abandonnés.
La sécurité selon Piolle racontée par les policiers municipaux sur RMC et au DL :
• On nous demande simplement de fermer les yeux. La politique de la ville, c’est la verbalisation de véhicules et pas du tout d’aller dans les quartiers s’occuper des problèmes de délinquance.
• Oui, on réfléchit à quitter la police grenobloise.
• Cette interview [chez Bourdin] est scandaleuse, l’effectif de la police municipale n’est pas plus important depuis sa nomination ; ses propos, c’est de la provocation. Il veut qu’on se mette en grève ?
• Quand on entend Éric Piolle dire qu’il a instauré une deuxième équipe de nuit, les poils se dressent sur nos bras. Elle est où cette deuxième équipe ? C’est un mensonge.
• Soit nos revendications ne remontent pas, soit le maire est sourd. Ah si, on a fait quelque chose pour nous en juillet. Il y avait tellement d’arrêts de travail qu’ils nous ont envoyé une psy.
• Les policiers municipaux à Grenoble se sentent dénigrés, se sentent abandonnés.